
En Bourse, les actions américaines sont trop chères ? Pas grave, l’Europe boursière s’offre un rallye. Tandis que Wall Street fait face à des vents contraires, les actions européennes continuent de séduire les investisseurs. Oubliées, les craintes économiques et les menaces douanières américaines. Sans exception, tous les indices actions européens (CAC 40, DAX, etc., NDLR) grimpent, portés par un regain d’intérêt… et peut-être un brin de pragmatisme. Est-ce qu’un nouvel équilibre est en train de se mettre en place ? Trop tôt pour en être certain. Mais ça en a tout l’air.
Trois facteurs principaux soutiennent les actions européennes. Premièrement, une décote trop importante : en début d’année, «l’exceptionnalisme américain» faisait l’objet d’un large consensus. Mais c’était sans compter avec les niveaux de valorisation élevées sur les actions américaines et les inquiétudes concernant l’IA qui ont incité les investisseurs à regarder du côté du continent européen où les actions sont bradées - la décote par rapport aux actions américaines était de 40% en début d’année. Depuis, elle s’est un peu réduite mais reste significative, de l’ordre de 30%.
CAC 40, DAX… Une fin de la guerre en Ukraine doperait la croissance économique européenne et pèserait sur l’inflation, les espoirs de résolution du conflit dopent la Bourse
Deuxièmement, la crainte de taxes douanières massives s’est envolée. Finalement, comme nous l’anticipions fin 2024, l’administration Trump brandit la menace du protectionnisme essentiellement pour obtenir des concessions commerciales. Pour l’instant, c’est efficace. Troisièmement, l’optimisme lié à la résolution possible de la guerre en Ukraine (qui a dopé le CAC 40 dernièrement, NDLR), ce qui serait bénéfique pour la croissance et pour l’inflation. Selon les estimations de Goldman Sachs, un accord pourrait se traduire par une hausse de +0,2 à +0,5 point de pourcentage du produit intérieur brut (PIB) réel de l’Union Européenne et une baisse de -0,15 à -0,5 point de pourcentage de l'inflation.
La BCE aurait alors une plus grande marge de manoeuvre pour baisser ses taux, la Bourse apprécierait
Cela pourrait offrir une latitude plus grande à la Banque centrale européenne (BCE) pour baisser les taux. C’est évidemment à prendre avec des pincettes. Le calendrier est extrêmement incertain et il y a plus de questions en suspens que de réponses, à ce stade. Par exemple : qui sera chargé sur le terrain de s’assurer que les troupes russes respectent les engagements pris par le Kremlin ? Est-ce que l’Otan sera impliqué ? Quelles vont être les concessions financières et territoriales de part et d’autre ? Qui va financer la reconstruction de l’Ukraine ? etc.
CAC 40, DAX… La Bourse est toutefois exposée à un risque de correction, en Europe
Nous restons prudents et ne partageons pas nécessairement l’optimisme ambiant. Un accord est probable cette année mais encore faut-il que ce ne soit pas un nouveau Munich (en référence aux Accords de Munich signés par la France, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Allemagne qui ont conduit à la disparition de l’État indépendant de Tchécoslovaquie). Pour la petite histoire, la Tchécoslovaquie n’avait pas été conviée aux négociations, à l’instar de l’Ukraine aujourd’hui…S’il y a une déception à ce sujet, cela pourrait d’ailleurs favoriser une consolidation du marché (une correction en Bourse) qui nous semble tout à fait probable à court terme.
Et à long terme ? Le CAC 40 et le DAX vont-ils progresser plus vite que la Bourse des Etats-Unis ?
Des actions européennes plus performantes que les Américaines ? A long terme, c’est peu probable. Ce serait d’ailleurs une anomalie. En revanche, on peut espérer renouer avec un rythme de croissance similaire à celui des années 1990 à 2010, une période où les actions européennes affichaient une performance proche des actions américaines. Après la crise de la dette souveraine européenne, la situation s’est détériorée. Les actions européennes ont fortement décroché et ont affiché une performance qui était plutôt proche de celles des actions émergentes. En cause, une politique d’austérité en Europe qui a eu des effets très négatifs sur l’économie et en particulier la productivité, pendant que les États-Unis pouvaient «sur-stimuler» leur économie sans réelle contrainte, et la forte corrélation entre les économies européennes et chinoise qui, notamment à partir de 2015, a été plutôt une épine dans le pied des entreprises européennes.
En Bourse, le retour de l’Europe ne signifie pas, pour autant, qu’il faut se désengager des actions des États-Unis. C’est pourtant ce qui est en train de se produire au regard de la décollecte observée sur les ETF d’actions américaines. C’est une erreur. À long terme, les actions américaines sont incontournables. L’évolution du segment de la tech américaine depuis mi-janvier prouve sa résilience. Nvidia, qui publie ses résultats le 26 février, s’est complètement remis du choc DeepSeek. Depuis son point bas de janvier, l’action de Nvidia a rebondi de plus de 40%. En outre, l’entreprise pourrait dévoiler ce mois-ci plus d’informations concernant sa stratégie pour les années à venir, ce qui devrait rassurer les investisseurs. Lors du salon CES qui s’est tenu à Las Vegas le mois dernier, son PDG, Jensen Huang, a révélé que ses équipes travaillent d’arrache-pied sur le lien entre IA et robotique. C’est une bonne nouvelle, car c’est la prochaine étape de développement de l’IA. Nvidia est bien positionnée pour prendre ce nouveau tournant.
En Bourse, le nouvel équilibre qui semble se dessiner va probablement laisser une plus grande place aux actions européennes, mais cela ne doit pas être au détriment des actions américaines qui, aujourd’hui comme demain, ont toute leur place dans les allocations de portefeuille. On peut le regretter, mais sauf miracle de dernière minute, ce sont les entreprises américaines qui sont les plus aptes à saisir tout le potentiel de la révolution de l’IA. Il n’y a aucun concurrent européen crédible face à Nvidia… ou même face à Meta, Google etc. Pour capter la performance des valeurs technologiques, c’est du côté des actions américaines que ça se passe.















