Eddy Mitchell l’a théorisé depuis bien longtemps. «C’est facile, les promesses et les serments (…) mais le faire est parfois plutôt fatiguant.» Certes, le chanteur parlait d’amour, mais il en va de même pour les engagements pris par les entreprises. Trop contentes d’épingler une médaille sur leur col, certaines ont affiché des promesses et des labels plus exigeants qu’elles ne l’avaient imaginé.

«Portées par une vraie conviction, ou en se disant qu’elles ne pourraient pas y échapper, les entreprises ont pris un virage volontariste et des engagements forts, il y a quatre, cinq ou dix ans, puis à l’heure des comptes, certaines réalisent qu’elles ne vont pas y arriver», relève David ­Garbous, président du collectif En vérité, qui réunit des marques prônant la transparence. Promesses nutritionnelles, soutien à l’agriculture biologique, combat pour l’égalité sociale, serment de limiter l’usage du plastique, signature de chartes pour abaisser les émissions de carbone : alors que la crise du pouvoir d’achat fragilise les comptes de résultat, beaucoup de ces engagements valsent.

Recherche de compétitivité et d'économies dans un contexte économique tendu

«Le contexte économique est tendu, les groupes sont à la recherche de compétitivité et d’économies, alors que les engagements climatiques constituent plutôt des contraintes sur l’entreprise», rappelle Guillaume ­Allart, chercheur en économie à l’institut ­Rexecode. En outre, leurs clients ne semblent demander qu’une chose : des prix bas. «L’hyperinflation est passée par là, et les consommateurs sont moins prêts à payer un surcoût pour les engagements RSE», avance Carine Kraus, directrice de l’engagement de Carrefour, qui a pourtant lancé le deuxième acte de son programme d’amélioration Act for Food.

Avec la bascule qui s’opère aux Etats-Unis, la pression va être très forte sur les grandes entreprises européennes : vont-elles emboîter le pas à leurs homologues américaines, ou tenir leur cap ? Caroline Neyron, Mouvement Impact France.

Et encore… ce sombre constat semble déjà dépassé depuis l’élection de Donald Trump, en novembre dernier. Comme pour fêter le retour du républicain à la Maison-Blanche, les plus grandes banques américaines ont en effet rayé, en quelques semaines, leur trajectoire «Net Zero», qui les engageait, entre autres, à ne plus financer les énergies fossiles... Quant à Coca-Cola, il a revu à la baisse son ambition de sortir du plastique à usage unique. «Avec la bascule qui s’opère aux Etats-Unis, la pression va être très forte sur les grandes entreprises européennes : vont-elles emboîter le pas à leurs homologues américaines, ou tenir leur cap ?», interroge Caroline Neyron, à la tête du mouvement Impact France. Il s’agirait d’un recul aussi global qu’inquiétant. «Ce ne sont pas des cas isolés : en France et ailleurs, beaucoup rétropédalent face au contexte économique et à la masse d’incertitudes», confirme Thomas Breuzard, coprésident de la certification B Corp en France et directeur de l’entreprise Norsys. Or, quand ces grands noms font un pas, qu’il soit en avant ou en arrière, c’est un pas de géant. Raison de plus pour attendre d’eux qu’ils montrent l’exemple.

Le géant d'Atlanta visait 25% de bouteilles en verre ou réutilisables d'ici à 2030. Il n'en est plus question aujourd'hui.
Le géant d'Atlanta visait 25% de bouteilles en verre ou réutilisables d'ici à 2030. Il n'en est plus question aujourd'hui. © Coca-Cola
Quand l'économie se tend, la tentation c'est de couper tout ce qui coûte de l'argent et ne rapporte rien immédiatement. Emery Jacquillat, cofondateur de la Communauté des entreprises à mission et ancien président de La Camif.
  • Label bio : L’Oréal le trouve désormais trop exigeant
La Provençale bio va devenir La Provençale. La marque de L'Oréal s'affranchit de ce label, estimant que les clients se satisfont. dela naturalité.
La Provençale bio va devenir La Provençale. La marque de L'Oréal s'affranchit de ce label, estimant que les clients se satisfont. dela naturalité. © L'Oréal

La certification bio pour L’Oréal, c’est comme un parc pour bébés. Une fois que l’enfant a grandi, il faut enlever les barrières pour lui ouvrir l’horizon. Alors, en mai prochain, sa marque de soins cosmétiques née en 2018 va profiter d’une refonte complète : La Provençale Bio sera rebaptisée La ­Provençale tout court. Certes, les références «bio» de la gamme le resteront, mais le fabricant s’autorise désormais à lancer des crèmes et autres sérums plus concentrés en actifs et contenant des ingrédients non certifiés, potentiellement plus efficaces – et surtout, moins chers. Puisque les consommateurs recherchent de la «naturalité», pourquoi s’enquiquiner avec un label si contraignant ? «Face à l’embouteillage de mentions sur les emballages, les consommateurs sont perdus : le label bio est brouillé par de nouvelles promesses, ce qui réduit le consentement à payer plus cher pour cette garantie», confirme Gaëlle Le Floch, directrice de la veille stratégique de l’institut Kantar Worldpanel.

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