C'est peu de dire que la COP29 se déroule sous de fâcheux auspices cette année. Entre la réelection du climatosceptique Donald Trump aux Etats-Unis, l'absence de nombreux chefs d'Etat à Bakou comme Emmanuel Macron et l'organisation contestée de l'événement en Azerbaïdjan, tout concourt à plomber l'ambiance de ces négociations internationales. Devant le risque d'un échec de cette édition 2024, gardons à l'esprit que les choses continuent heureusement d'avancer à plus petite échelle. A l'occasion de notre grand dossier Initiatives locales, nous avons sélectionné pour vous sept solutions porteuses d'espoir pour le climat qui ont fait leurs preuves dans certains territoires et qui pourraient être déployées au niveau national en France.
Des centrales solaires sur tous les édifices communaux
Sortir des énergies fossiles, voilà déjà dix-huit ans que Malaunay, une commune de Seine-Maritime de 6200 habitants, s’y emploie. Pour cela, la mairie a d’abord progressivement installé 1600 mètres carrés de panneaux photovoltaïques sur les toits de tous les bâtiments publics, et même de l’église. Et poussé à modifier la réglementation pour que, dès 2019, chacun de ces édifices, qui ne pouvait en principe que consommer sa propre production, puisse en plus délivrer de l’électricité à des consommateurs extérieurs, dans un rayon de 1 kilomètre. C’est ainsi que la commune est devenue la première en France à signer avec le gestionnaire de réseau Enedis une «convention d’autoconsommation collective étendue». Ses 14 centrales solaires fournissent désormais 221 mégawattheures d’électricité, à 19 sites consommateurs. De quoi couvrir, l’an passé, 39% des besoins de la commune. Depuis 2016, Malaunay a de la sorte divisé par quatre ses émissions de CO2, tout en réalisant 45% d’économies sur sa facture d’énergie.
Pour remplacer l’engrais, de l’urine humaine… gratuite!
Tirer la chasse d’eau n’est plus un réflexe automatique pour une dizaine de familles de Châtillon, dans les Hauts-de-Seine. Car elles urinent désormais directement dans un bidon, qu’elles déposent ensuite dans un point d’apport volontaire, le premier de ce type en France, ouvert en septembre dernier. La destination de ce liquide très particulier? Les haies et le potager (personnel) d’un agriculteur qui fournit en légumes ces ménages, via l’Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) dont ils sont membres. L’urine humaine est en effet riche en azote, phosphore et potassium. Mélangées à un peu d’eau, les mictions d’une seule personne sur un an (soit 500 litres) permettraient ainsi de fertiliser entre 400 et 500 mètres carrés de culture. Le système a pour avantage de remplacer les coûteux engrais industriels, qui plus est produits avec des énergies fossiles. Et d’économiser, en parallèle, des litres d’eau dans les toilettes! Mais la réglementation ne permet pas encore un tel usage, dans le cas des cultures destinées à la vente… Les choses pourraient évoluer, car l’initiative est portée par l’Ecole nationale des ponts et chaussées, aux côtés d’une douzaine d’autres expérimentations de ce type.
Adapter la ville pour la rafraîchir en été
A l’été 2022, la Ville rose a subi des températures de 2 degrés supérieures à celles qu’elle enregistrait dans les années 1990. Une canicule de plus, qui a convaincu le maire Jean-Luc Moudenc de lancer un plan Toulouse + fraîche, une première en France pour une métropole de cette taille. «Depuis, nous installons chaque année, de juin à septembre, des dispositifs temporaires, comme des ombrières sur les places, ou des brasseurs d’air dans les groupes scolaires», détaille l’édile. Pour trouver de la fraîcheur, la population peut aussi accéder aux piscines de la ville, au ticket d’entrée abaissé à 1 euro, et aux médiathèques ou clubs seniors de la ville, selon des horaires élargis. «Et nous avons engagé des transformations structurelles pour végétaliser les rues, mais aussi désimperméabiliser les sols, et améliorer leur capacité à absorber les rayons du soleil grâce à des revêtements plus clairs». Sondés sur leur ressenti, les habitants aident à ajuster le dispositif. «Cela implique de renoncer aux expérimentations qui ne fonctionnent pas, comme cette ombrière rue d’Alsace-Lorraine, qui n’apportait pas grand-chose», précise le maire. L'ensemble du plan a coûté 14,7 millions d’euros en 2024. Mais les températures ressenties sont par exemple de 2 à 5 degrés plus fraîches sous les ombrières, et celles, bien réelles cette fois, des revêtements de surface sont de 6 à 8 degrés inférieures.
La facturation progressive, pour limiter le gaspillage de l’eau
Faut-il faire payer davantage les plus gros consommateurs d’eau, pour les inciter à la sobriété? L’idée, qui refait régulièrement surface, a été reprise par le président Emmanuel Macron l’an passé, lors de la présentation du plan eau. Mais elle n’a rien de nouveau à Dunkerque (Nord), qui a adopté une tarification progressive il y a douze ans déjà. Le Syndicat de l’eau du Dunkerquois a ainsi déterminé trois tranches d’usage, à la facturation croissante. Jusqu’à 80 mètres cubes par an, la consommation est considérée comme «essentielle». De 80 à 200 mètres cubes, elle devient «utile», tandis qu’au-delà de 200 mètres cubes elle n’est plus que de «confort», et facturée près de 2,5 fois plus cher que la première tranche. Cette tarification, également adoptée pour des raisons de justice sociale, produit ses effets: en dix ans, la consommation moyenne d’eau a reculé de 10%, tandis que la facture de 80% des usagers s’est stabilisée, ou a baissé. Bien sûr, le dispositif nécessite d’installer des compteurs individuels et de prévoir des aides pour les familles nombreuses, que leur consommation pourrait pénaliser.
Eteindre les lampadaires, pour préserver la biodiversité
Chauves-souris, amphibiens, rapaces ou papillons de nuit, la faune nocturne est riche sur le territoire de Bruyères - Vallons des Vosges, une communauté de communes qui regroupe 15000 habitants au pied du massif vosgien. Pour la préserver, le territoire s’est lancé dans un grand inventaire des espèces présentes. Puis a cartographié des «corridors», pour y favoriser la circulation et le cycle de vie de ces animaux. L’habitat naturel de ces zones est désormais protégé, tandis que l’éclairage public s’y éteint entre 21 h 30 et 6 heures, du printemps à l’automne. Déjà, 24 des 34 villages constituant le regroupement ont adhéré à une charte d’engagements en la matière, recensant divers degrés d’implication et de contrainte. La démarche a valu à Bruyères - Vallons des Vosges d’obtenir auprès de l’Office français de la biodiversité (OFB) le titre de capitale française 2024 de la biodiversité 2024. Mais aussi de voir… sa facture d’énergie baisser!
Un revenu minimum pour se former aux métiers écolos
Si l’Aude est l’un des départements les plus pauvres de France, c’est aussi l’un des plus riches en biodiversité. La coopérative Audyssées, nichée dans le village d’Espéraza, a décidé de se saisir de ce point fort, pour redynamiser un territoire à la population vieillissante. Elle propose donc aux candidats volontaires de les accompagner dans une reconversion professionnelle vers les métiers de l’écologie (ou dans une façon d’exercer leur métier actuel plus respectueuse de l’environnement), tout en leur octroyant un complément de ressources. Versé durant six mois, ce «revenu de transition écologique» (RTE) atteint en moyenne 315 euros par mois. Et il est cumulable avec d’autres aides sociales et entrepreneuriales. Une vingtaine de porteurs de projets ont déjà profité de ce RTE, inspiré des travaux de l’économiste et philosophe de l’Université de Lausanne, Sophie Swaton. Ils ont pu se former à des métiers de l’agriculture, du social, de l’énergie ou du tourisme.
Des plantes locales pour freiner l'érosion des côtes.
La plage de Bois-Jolan à Sainte-Anne, en Guadeloupe, a reculé de 50 mètres en soixante-dix ans. Irrémédiable, le phénomène s’accélère sous l’effet du changement climatique. Les coraux se meurent et n’arrêtent plus les vagues, tandis que des pluies ruissellent maintenant toute l’année, aggravant l’érosion. Décision a donc été prise, voici deux ans, de fermer certains chemins à la circulation et de restaurer la végétation avec des essences locales, comme les raisiniers bord de mer, les catalpas ou les sapotilliers falaise, dont le système racinaire retient les sédiments. Coût du projet: 113000 euros, financés par l’Office français de la biodiversité et le Fonds Nature 2050. Il est encore trop tôt pour savoir si le recul du trait de côte a ralenti. Mais la flore prospère, et les tortues marines ont davantage pondu en 2024.
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