Natacha Cambriels ne s’était jamais projetée PDG. Et pourtant, depuis 5 ans, elle dirige Butagaz, fleuron de l’énergie qui alimente 5 millions de clients en France. “J’ai saisi les opportunités au fil des rencontres. Ce n’était pas un objectif, mais j’ai su dire oui aux bonnes personnes, au bon moment.”, raconte avec simplicité la dirigeante. Formée chez Shell, où elle passe vingt ans, elle rejoint Butagaz comme directrice des opérations avant d’en prendre les rênes.

Pas de “voie royale” pour elle, mais une ascension par les fonctions techniques – supply chain, logistique – rarement vues comme tremplins vers la direction générale. “Ce parcours atypique m’a donné de la liberté. Et dès ma nomination, j’ai demandé à être formée. Oser apprendre, même quand on dirige, c’est essentiel.”

"J'étais souvent la seule femme à table"

Dans le secteur de l’énergie, les femmes restent rares, a fortiori aux postes de pouvoir. Un sujet que Natacha Cambriels prend à bras-le-corps. “Quand j’ai commencé, j’étais souvent la seule femme à table. Je le voyais comme un avantage : on se souvenait de moi !” Mais le constat est plus amer aujourd’hui : la désaffection des jeunes filles pour les filières scientifiques s’accélère.

Chez Butagaz, la dirigeante multiplie les leviers pour féminiser les équipes : parité des CV exigée aux chasseurs de tête, entretiens à plusieurs voix pour favoriser les regards croisés, attention particulière à l’expérience candidat. “Le fit culturel est capital, surtout pour les jeunes générations. Elles savent se former vite, mais ont besoin de sens.”

C’est aussi pour cela qu’elle a mis en place le programme “Springboard”, un réseau inter-entreprises destiné à booster la confiance des femmes à potentiel. Et elle milite pour une gestion plus humaine des congés maternité. “Mon premier retour a été une claque. J’étais naïve. Le second, mieux préparé, s’est transformé en promotion.”

Réseaux : entre inspiration, entraide et influence

Dans le parcours de Natacha Cambriels, les réseaux jouent un rôle fondamental. “Ce sont des lieux de respiration, mais aussi des espaces pour tester ses idées, se confronter à d’autres regards. Et ça, on en a besoin, surtout quand on est à des postes de décision.” Elle a longtemps fréquenté des réseaux mixtes et féminins. Aujourd’hui, elle est notamment engagée dans le réseau industriel mis en place par le ministère de l’Industrie pour promouvoir la place des femmes dans les filières techniques.

Elle le reconnaît sans détour : entre vie pro et vie perso, le temps pour réseauter n’a pas toujours été simple à trouver. “C’est plus facile quand on est jeune et sans enfants. Ensuite, ça devient un vrai casse-tête logistique, entre les événements du soir, les déplacements, la culpabilité.”

Une phase de pause assumée… suivie d’un retour à l’équilibre, maintenant que ses enfants ont quitté le nid. “Il faut accepter que l’intensité des réseaux varie selon les moments de la vie. Et surtout ne pas culpabiliser.”

Pour elle, ces cercles sont bien plus que des vitrines. Ce sont des leviers de progression, de confiance, parfois même de partage d'expérience. “On ne peut pas toujours tout dire à son patron ou à ses collègues. Dans les réseaux, on peut échanger librement, se soutenir, s’inspirer. C’est aussi là qu’on découvre des rôles modèles.” Elle n’en a pas eu dans son propre parcours, mais cite volontiers sa grand-mère corse comme source de force et d’audace.

Enfin, elle voit dans ces communautés professionnelles un terrain fertile pour construire un leadership différent : “plus collectif, plus transversal, moins solitaire.” Et conclut avec une invitation : “Allez vers les autres. Ce que vous y gagnerez est inestimable.”

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