Grand sourire et New Balance aux pieds, Pauline Boucon Duval nous reçoit dans ses bureaux parisiens. Le casque de vélo n'est pas loin, ni le panier du chien. Solaire, l'oeil qui brille, la trentenaire nous raconte son parcours, les défis qu'elle a dû relever, nous partage ses moteurs. Lorsque son père l’appelle alors qu’elle termine son MBA à New York, Pauline n’imagine pas encore que cette conversation va faire basculer sa trajectoire. Il ne s’agit pas d’une injonction - d'ailleurs cela ne serait pas passé..., mais d’une invitation subtile : « Il avait choisi les mots pour me convaincre. Il m’a dit : ‘J’aimerais que tu rentres, que tu m'aides à développer le groupe’. S’il avait dit autre chose, je ne serais sans doute jamais revenue. »

Ce retour en France, dans le giron familial, a tout d’un saut dans le vide. À 26 ans, elle rejoint le groupe Duval, entreprise familiale fondée par son père, Eric Duval. Très vite, elle en prend les rênes comme directrice générale. Le nom qu’elle porte est à la fois un passeport et elle sait qu'elle a tout à prouver : « Je suis une femme, jeune, fille du fondateur. La légitimité ne se décrète pas, elle se construit. » Une introspection guidée par le coaching lui permet d’asseoir sa posture de leader : « Si on ne se sent pas légitime soi-même, les autres ne peuvent pas vous reconnaître comme tel. »

Dans l’entreprise, elle impose peu à peu son style. Travail, rigueur, adaptabilité. Des qualités héritées d’une éducation familiale solide, à laquelle sa mère a beaucoup contribué : « Elle nous a appris à ne rien lâcher. L’autonomie, l’endurance, la capacité à s’adapter, ce sont nos piliers. » Des valeurs qui infusent aujourd’hui la culture du groupe qu'a également rejoint son frère.

Business angel engagée et leadership au féminin

En 2014, Pauline ressent le besoin de prendre son envol en parallèle de ses fonctions. Elle investit dans sa première startup : Lydia. Une intuition gagnante, mais surtout un tournant dans sa carrière. « Je ne voulais pas rester enfermée dans un seul métier. Le groupe Duval couvre une vingtaine d’activités, c’est déjà très riche, mais j’avais besoin d’autre chose. »

Depuis, elle accompagne de nombreuses jeunes pousses, souvent portées par des femmes, sans l’avoir prémédité : « Un jour, je me suis dit : tiens, je vais regarder mon portefeuille. Et là, je découvre que 40% des entreprises sont dirigées par des femmes. » Elle constate que les entrepreneures « vendent moins la lune, mais vont plus droit au but ». Ce pragmatisme, cette passion palpable dans les projets, la séduisent.

Son rôle de business angel ne se limite pas au financement. Elle mobilise les compétences du groupe pour soutenir les startups : RH, juridique, finance. Un échange gagnant-gagnant : « Nos équipes se nourrissent aussi de ces contacts avec des entrepreneurs innovants. Cela les pousse à se remettre en question, à s’ouvrir à d’autres façons de faire. »

Membre active du réseau YPO (Young Presidents Organization), elle défend le rôle des cercles de pairs dans la construction d’un leadership moderne : « Les réseaux sont essentiels, surtout pour les femmes. C’est un accélérateur de développement personnel autant que professionnel. » Dans le groupe Duval, où la part de femmes dans l’immobilier oscille entre 52 et 54 %, la mixité n’est pas un sujet, mais un fait : « Mon père a toujours promu les femmes, je n’ai fait que poursuivre. »

Son mot d'ordre : TEP (Tout Est Possible)

Le leadership, pour Pauline Boucon Duval, ne se conçoit pas sans équilibre personnel. Un accident de santé en début de carrière — une fracture vertébrale — a agi comme signal d’alarme : « Je ne m’étais pas écoutée. J’ai compris que le temps, le repos, c’est capital pour tenir dans la durée. » Depuis, elle veille à préserver des plages de silence, de sport, de solitude. Elle assume son besoin de sommeil comme une stratégie de performance. Et les week-ends sont consacrés à la forêt, à sa famille, à son équilibre intérieur.

C’est cette capacité à se reconnecter à soi-même, à son énergie, qu’elle identifie comme clef de la résilience entrepreneuriale. « Monter un projet, convaincre, atteindre la rentabilité, tomber et se relever, ça ne s’arrête jamais. Même à notre stade, on reste une ETI avec des défis quotidiens. »

Chez les Boucon Duval, un mot d’ordre résume cette philosophie : TEP, tout est possible. Mais sans jamais se perdre dans la quête de performance. Car l’accomplissement, pour Pauline, repose sur un équilibre fin entre engagement professionnel, transmission familiale et alignement personnel. Une dirigeante qui, tout en s’inscrivant dans l’héritage, n’a jamais cessé de dessiner sa propre voie.