L’innovation devait réconcilier luxe et environnement, en offrant le meilleur de Nespresso, mais dans une capsule compostable à domicile. En bref, proposer un café noir plus vert. Sauf que tout n’a pas fonctionné comme prévu… Malgré trois ans d’essais techniques, l’enrobage en papier conçu par les équipes de cette filiale de Nestlé est moins pratique que son habituelle coque en aluminium. La dose peut en effet se gorger d’eau, et rester bloquée dans la machine. Cela n’a pas dissuadé le groupe de lancer sa nouveauté, en septembre 2023, à grand renfort de communication.

Dans le spot de promotion, les stars George Clooney, Jean Dujardin et Camille Cottin soulignent même son «goût inoubliable». Mais lorsqu’ils lancent le fameux «What else?», aucun d’eux n’ajoute le conseil que les vendeurs des boutiques ont pris l’habitude de formuler: «Pensez à éjecter la capsule immédiatement après utilisation et, si elle coince, poussez-la avec le dos d’un crayon.» On a déjà vu meilleur pitch. Aujourd’hui, la filiale de Nestlé admet d’ailleurs que ses labos travaillent à une optimisation.

Après un faux-départ, les packs de la gamme compostable de Nespresso ont déjà été revus. La capsule en papier est, pour sa part, toujours en cours d'optimisation.
Après un faux-départ, les packs de la gamme compostable de Nespresso ont déjà été revus. La capsule en papier est, pour sa part, toujours en cours d'optimisation. © Nestlé

Panne d'innovation, de croissance et de confiance

Et s’il n’y avait que ce cafouillage marketing… Mais, de l’affaire des pizzas Buitoni contaminées par la bactérie «E. Coli» jusqu’au traficotage de ses eaux minérales Vittel ou Perrier, filtrées illégalement, le leader mondial de l’alimentation semble désormais abonné aux scandales. Cette accumulation de crises n’arrange rien aux comptes du géant suisse, mis à mal par l’inflation galopante, qui a poussé les ménages à sabrer dans leurs dépenses alimentaires. Du fait de cette sous-consommation, le chiffre d’affaires du groupe a ainsi diminué de 1,5% en 2023, à 93 milliards de francs suisses (soit près de 97 milliards d’euros). En volume, la panne de croissance est encore plus nette: après un premier recul inédit, de 1,7%, intervenu en 2022, le repli s’est accentué l’an passé, à -2,5%. Certes, le groupe n’en est pas encore à boire le bouillon, ce qui serait un comble pour le producteur du Maggi. Mais l’alerte est sérieuse. Les marchés financiers ne s’y sont d’ailleurs pas trompés: après un pic enregistré fin 2021, à près de 130 francs suisses, l’action Nestlé à la Bourse de Zurich n’en finit plus de plonger. D’abord passée sous le seuil symbolique des 100 francs dès l’automne 2023, elle valait moins de 80 francs début novembre...

Nommé fin août au poste de directeur général, le français Laurent Freixe a présenté le 19 novembre sa stratégie pour redresser le géant suisse.
Nommé fin août au poste de directeur général, le français Laurent Freixe a présenté le 19 novembre sa stratégie pour redresser le géant suisse. © Nestlé

Face à cette dégringolade, certains analystes temporisent. «La chute du cours de Bourse a amplifié le sentiment de catastrophe, mais le modèle économique du groupe est moins abîmé qu’il n’y paraît», assure Pierre Tegnér, analyste senior chez Oddo BHF, spécialisé dans les biens de consommation. Il n’empêche: pour donner des gages aux marchés, le groupe vaudois a rompu avec son habituelle tranquillité, et opté pour l’électrochoc. Le directeur général Mark Schneider, en poste depuis sept ans, a été brusquement remercié fin août et remplacé par le Français Laurent Freixe, présent dans l’entreprise depuis trente-huit ans. «Les résultats n’étaient pas là, en changeant de pilote, le groupe donne un coup de barre rapide pour juguler la crise de croissance», décrypte Jean-Daniel Pick, président de HEC Alumni distribution. Perçu comme plus rond et accessible que son glacial prédécesseur, le sexagénaire doit rassurer. A l’occasion de sa première prise de parole, mi-octobre, il n’a toutefois pas vraiment détendu l’atmosphère: le patron a annoncé une baisse du taux de marge attendu, ainsi qu’une division par deux, à seulement +2%, de l’objectif de croissance du chiffre d’affaires.

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