
Il aura fallu des révélations accablantes pour que Bruxelles se décide à bouger. Ce mardi 6 mai, six mois après les alertes chocs des ONG Bloom et Foodwatch sur la contamination au mercure détectée dans les boîtes de thon en conserve, la Commission européenne a convoqué, à huis clos, les États membres. Le motif officiel de la réunion : débattre «de la pertinence du niveau maximal actuel pour le mercure dans le thon frais et sur un éventuel niveau maximal pour le mercure dans le thon en conserve», a indiqué la Commission européenne à l’ONG Bloom dans un courrier daté du 8 avril 2025. Traduction : on envisage (éventuellement) de durcir les normes sur le mercure.
Ce neurotoxique, même consommé à faibles doses, peut en effet entraîner de graves troubles du développement neuronal chez les enfants, mais aussi, chez les adultes, attaquer le fonctionnement cérébral, cardiovasculaire, immunitaire, rénal et reproductif. Produit par la combustion du charbon et les activités minières, ce polluant est principalement présent sous forme gazeuse dans l’atmosphère… mais finit par se retrouver dans les océans, via la pluie. Aujourd’hui, le thon, comme l'espadon ou le requin, est un super prédateur des océans, qui se nourrit de poissons déjà infectés. Il présente donc logiquement une contamination au mercure décuplée par rapport à de plus petites espèces.
Le seuil de 1 mg existe depuis 30 ans
Depuis 1993, l’Union européenne tolère jusqu’à 1 mg de mercure par kilo dans le thon frais. Soit plus de trois fois la limite fixée pour les autres espèces de poissons frais (0,3 mg/kg). Un seuil que les ONG jugent irresponsable. «Une seule portion hebdomadaire de thon à ce niveau suffit à exposer toute personne de moins de 70 kilos à un risque sanitaire réel», alerte Bloom. L’association demande dès lors l’abaissement des seuils de contamination autorisés du thon au mercure à 0,3 mg/kg, mais aussi de rendre publique la position de la France sur ce sujet, et de publier des comptes rendus des réunions à Bruxelles.
Dans le rapport publié en octobre par Bloom et Foodwatch, sur 148 boîtes de thon analysées en France, en Allemagne, en Angleterre, en Espagne et en Italie, 100% des produits étaient contaminés par du mercure. Environ 10% se situaient au-dessus de 1 mg/kg, la norme qui s’applique donc au thon frais (il n'y a pour l’heure pas de normes pour le thon en boîte). En France, la marque Petit Navire (Thai Union Frozen) avait été particulièrement montrée du doigt avec une teneur en mercure record de 3,9 mg/kg, c’est-à-dire 13 fois plus élevée que celle des autres espèces de poissons. Mais le fabricant n’est pas le seul à revêtir le bonnet d’âne. Des boîtes de conserve à marque de distributeurs comme Carrefour ou Lidl avaient également révélé des taux élevés de mercure.
Des ventes en baisse de 10 à 20% à la suite du scandale
Résultats : les ventes de thon en conserve ont chuté de 10 à 20% entre novembre 2024 et février 2025. Et depuis, le doute persiste toujours au sein des 26 millions de foyers consommateurs. «Les ventes en valeur de thon sont encore en recul de 3,7% en mars 2025, sur les 12 derniers mois», indiquait il y a quelques jours Alexis Jacquand, le directeur général de Petit Navire.



















