Les lumières se sont d’abord éteintes à Milan, puis Stockholm, Paris et Berlin. Et c’est finalement toute l’Europe qui a plongé dans le noir en plein hiver, victime d’un effondrement du réseau électrique. Plus de chauffage ni de réseau mobile, des gens coincés dans les ascenseurs ou pris au piège dans le métro. Très vite, des drames : accidents de la circulation, départs de feu, centrales nucléaires hors de contrôle et hôpitaux à court de générateurs. Et pour finir, le chaos, avec des coups d'Etat un peu partout sur le continent.

Une gigantesque panne d’électricité provoquée par une cyberattaque, voilà ce qu’a imaginé Marc Elsberg dans son roman Blackout. Demain il sera trop tard. A sa sortie en 2012, ce thriller a été salué pour la rigueur de sa documentation technique, les lecteurs se félicitant toutefois qu’un tel scénario catastrophe ne puisse se produire dans le monde réel. Heureusement, tant nous dépendons des électrons pour gérer l’eau potable, faire fonctionner les transports, les communications, les transactions financières, et même approvisionner les magasins.

Une première cyberattaque officielle en Ukraine en 2015

La réalité a pourtant fini par rejoindre en partie la fiction. En décembre 2015, l’Ukraine a subi la première cyberattaque réussie et reconnue de l’Histoire contre un réseau électrique. Un logiciel malveillant attribué à la Russie, BlackEnergy, a été activé dans les réseaux de trois opérateurs, privant de courant 225000 habitants pendant plusieurs heures, dans l’Est du pays. Depuis, des versions de plus en plus perfectionnées de ces codes destructeurs ont continué de circuler. Elles ont plongé dans le noir les habitants de Kiev en décembre 2016. Et mis hors jeu le réseau d’une ville ukrainienne proche de la frontière russe au moment où elle était bombardée par Moscou, en octobre 2022. Aucune tentative de sabotage aussi agressive n’a encore été détectée en France. Ce qui n’empêche pas notre pays de se préparer à cette éventualité.

Car la pression monte sur le secteur énergétique, d’après le groupe Thales, spécialiste en cybersécurité. Ses différents centres de contrôle dédiés à la surveillance d’infrastructures critiques dans le monde lui permettent de prendre la mesure de la menace. Le secteur énergétique a attisé la convoitise de 58 groupes cybercriminels actifs ayant mis au point 86 logiciels malveillants ces six dernières années.

5 000 vulnérabilités en vente sur le dark web

Avec quelques victimes françaises à déplorer. Comme l’Office d'équipement hydraulique de Corse ou le spécialiste des réseaux électriques basse tension Socomec, attaqués par un rançongiciel, respectivement en 2022 et 2023. D’autres pourraient suivre. «Nous allons bientôt publier un avis sur 34000 failles de systèmes informatiques trouvées au cours de l’année 2024», prévient Ivan Fontarensky, directeur technique Cyberdéfense et menace intelligente chez Thales (Directeur Technique Lutte Informatique). «10 000 d’entre elles sont critiques et la moitié pourraient être appliquées dans le domaine énergétique, même si elles sont génériques. Un chiffre en constante hausse depuis 2015», précise-t-il. Cela signifie que les entreprises françaises du secteur vont devoir se protéger le plus rapidement possible de ces 5000 vulnérabilités déjà en vente sur le dark web, prêtes à l’emploi.

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