
Un vent nouveau souffle sur la banque privée. Les établissements historiques, ayant parfois pignon sur rue depuis plus d’un siècle, s’adressent traditionnellement aux clients leur confiant au minimum 200 000 euros, 500 000 euros, voire un million d’euros en gestion de fortune. Ils sont désormais challengés par de nouveaux acteurs 100% digitaux comme BoursoFirst, Finary One, Ramify Black ou encore Colbr, visant les particuliers dès 100000 euros. Leur credo ? Donner accès à des produits et services exclusifs habituellement proposés par les banques privées, avec, en plus, l’atout du digital. Certes, les banques privées historiques proposent toutes une application à leurs clients, mais leur offre n’est pas conçue dès l’origine pour le mobile.
« Les clients qui nous rejoignent expriment une forme de ras-le-bol administratif de leur banque privée ou de leur conseiller en gestion de patrimoine, chez qui ils doivent passer signer une soixantaine de pages de documents réglementaires avant même de pouvoir discuter !» témoigne Gustav Sondén, cofondateur de Colbr. Le site lancé en 2023 propose trois niveaux de service, à partir de 1000 euros, 100 000 euros ou 500 000 euros. «Chez nous, ces documents sont digitalisés et se signent en quelques secondes», poursuit Gustav Sondén.
Contrairement à une idée reçue, les clients de ces nouveaux acteurs ne sont pas exclusivement des millenials. «Ils ont plutôt entre 50 et 55 ans, sont professions libérales, cadres supérieurs ou dirigeants d’entreprise et ont pour point commun d’être déçus par leur banque privée», confirme Olivier Herbout, cofondateur de Ramify, dont l’offre Black est accessible à partir de 100 000 euros.
Des conseils proposés par des avocats fiscalistes et des banquiers privés
Les nouveaux acteurs de la gestion privée disposent de conseillers patrimoniaux, dont le champ d’expertise varie d’une structure à l’autre. Certains comme BoursoFirst, Ramify Black, ou encore Nalo Gestion Privée se concentrent sur les conseils liés au choix des enveloppes d’investissement (l’assurance-vie, le plan d’épargne en actions, etc.) ou des produits. «Notre métier, c’est l’investissement. Lorsqu’un client nous fait part d’une problématique patrimoniale complexe, nous l’orientons vers des partenaires externes (avocats fiscalistes, notaires) qui lui proposent des offres exclusives comme une première consultation offerte», confirme Olivier Herbout, chez Ramify.
Il peut s’agir par exemple d’étudier l’opportunité d’une donation ou le démembrement d’un bien immobilier. «Nos conseillers interviennent à la fois sur l’aspect financier et sur le volet patrimonial puisque l’équipe est dirigée par Corentin Hué, un ex-banquier privé ayant une expertise en ingénierie patrimoniale au sein de la banque privée Oddo BHF», précise de son côté Mounir Laggoune, cofondateur de l’appli de gestion de patrimoine Finary, dont l’offre One a été lancée en septembre 2024.
Des produits structurés et des contrats d’assurance vie luxembourgeois proposés
Côté produits, les nouveaux acteurs de la banque privée en ligne proposent une large palette de placements, incluant parfois un contrat d’assurance vie luxembourgeois en plus d’une offre franco-française. «Ces contrats sont plus flexibles et, surtout, cela permet au client de diversifier son risque : ils ne sont pas exposés à un éventuel gel des rachats en cas de risque systémique, contrairement aux contrats français depuis la loi Sapin 2», explique Mounir Laggoune.
Les produits structurés en direct figurent aussi en bonne place sur l’étagère des nouveaux acteurs de la gestion privée. Ces placements complexes se sont démocratisés au sein de l’assurance vie depuis quelques années, avec des tickets d’entrée de quelques milliers d’euros seulement, mais restent réservés aux clients très haut de gamme en direct.
8 offres de gestion privée au banc d’essai

(1) CIF : conseiller en investissement financier. MOBSP : mandataire en opérations de banque et en services de paiement. PSAN : prestataire de services sur actifs numériques. (2) Rétrocessions : le conseiller se rémunère via des rétrocessions sur les frais d’entrée et/ou de gestion des produits qu’il conseille, versées par le partenaire. En cas d’honoraires, le client rémunère directement son conseiller, pour un montant de l’ordre de 1 à 2% des encours. Source : Capital.
BoursoBank a lancé BoursoFirst pour ses clients détenant plus de 100 000 euros
BoursoBank propose même au client de concevoir son produit structuré sur mesure en quelques clics, en choisissant à la fois le couple rendement/risque souhaité, le sous-jacent et l’horizon d’investissement à partir de 100 000 euros. Cette offre est accessible dans le cadre de BoursoFirst, le service de banque privée lancé par BoursoBank en décembre 2024. A noter, cet établissement est le seul acteur de ce nouveau secteur jouissant véritablement du statut de banque : les autres plateformes sont des conseillers en investissement financier (CIF), autrement dit des conseillers en gestion de patrimoine indépendants comme il en existe des milliers sur le marché.
BoursoFirst cible en priorité les 400 000 clients de la banque (sur un total de 7 millions) détenant entre 100 000 euros et 500 000 d’euros d’avoirs financiers. «Ils sont plutôt autonomes dans la gestion de leur patrimoine, très appétents aux solutions digitales, ils veulent pouvoir tout faire en ligne et sont attentifs au prix», résume Xavier Prin, directeur marketing et communication de BoursoBank, qui leur propose des conditions privilégiées comme des tarifs de courtage plus avantageux, un boost de rémunération sur le livret bancaire ou encore une remise de 0,30 % sur le taux du crédit immobilier.
Le tout pour 29 euros par mois (348 euros par an), incluant une carte bancaire haut de gamme, la Metal. Un montant élevé par rapport au reste de l’offre de BoursoBank, gratuite dans son immense majorité. «Les Français déboursent en moyenne 220 euros de frais pour leur banque au quotidien. En comparaison, nous leur proposons toute une palette de produits et services jusque là réservés à la gestion privée pour un montant pas si éloigné», commente Xavier Prin.
Certains acteurs de la banque privée en ligne perçoivent des frais de gestion ou des rétrocessions
En dehors de BoursoFirst et de RockFi (2 000 euros par an), les autres nouveaux acteurs de la banque privée ne facturent pas de frais forfaitaires à leurs clients. Ils proposent plutôt un mode de rémunération lié aux opérations d’investissement de leurs clients. Autrement dit, ils perçoivent des frais de gestion (en cas de gestion sous mandat) ou des rétrocessions sur les frais des produits souscrits par leurs clients. «Nous leur laissons le choix, mais dans l’immense majorité des cas, les clients préfèrent ne pas verser d’honoraires. Nous sommes alors transparents sur le montant des rétrocessions que nous percevons», indique Mounir Laggoune chez Finary.
A noter, certains acteurs de la banque privée en ligne comme Ramify et Finary proposent aussi l’accès aux crypto-actifs à leurs clients. Une position diamétralement opposée à celle des banques privées traditionnelles, plutôt frileuses sur cette nouvelle classe d’actifs, à l’exception de Delubac Banque Privée.
Les banques privées classiques ont encore des atouts à faire valoir

Moquette épaisse, verrière de type Eiffel classée monument historique, œuvres d’art exposées aux abords des salons de réception : les clients de Société Générale Private Banking reçus par leur conseiller au 29 boulevard Haussmann, en prennent plein les yeux. Mais si le siège historique a de quoi impressionner, les autres banques privées ne sont pas en reste. Tout est fait pour bien accueillir les clients les plus fortunés. Impossible pour les acteurs en ligne de rivaliser sur ce point. Mais une belle adresse ne suffit pas à attirer ou retenir le client.
Entouré d’une armada d’experts en interne, le banquier privé d’une maison ayant pignon sur rue sollicite son service d’ingénierie patrimoniale pour les questions liées à la fiscalité, la transmission d’une entreprise ou encore aux problématiques de succession – une sorte de conseiller qui répond aux mêmes questions qu’un notaire ou qu’un avocat fiscaliste.
La plupart des banques (BNP Paribas Banque Privée, Pictet, etc.) sont aussi capables d’accompagner leurs clients dans la mise en œuvre d’un projet philanthropique pouvant aller jusqu’à la constitution d’une fondation, ou encore de les aider à négocier une œuvre d’art (Neuflize OBC, J.P. Morgan, etc.). Sur tous ces points, les néobanques digitales ne parviennent pas à faire de l’ombre à leurs concurrents. Certaines (Colbr, Finary, Ramify…) ont cependant noué un partenariat avec la start-up Matis spécialisée dans l’art contemporain. Leurs clients peuvent co-investir en club deal dans des œuvres d’artistes majeurs du XXe siècle (Andy Warhol, Yves Klein, Pierre Soulages…) pour une durée visée de 24 mois. Il s’agit donc d’un investissement purement financier, sans ce petit supplément d’âme apporté par l’art.
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