Depuis la crise sanitaire, ce n’est pas un secret : le taux d’absentéisme en entreprise, c’est-à-dire le nombre de jours passés en arrêt de travail rapporté au nombre total de jours calendaires, ne cesse d’augmenter. Depuis 2019, il a bondi de 34%, selon le dernier baromètre du cabinet de conseil WTW publié ce mardi 2 septembre. Et cette année ne fera pas exception. Bien au contraire : rien qu’en 2024, l’absentéisme a encore progressé de 3%, atteignant 5,09% contre 4,96% l’an passé. Autrement dit, sur 100 jours de travail théorique, plus de 5 ne sont finalement pas travaillés à cause d’arrêts maladie. «C’est un niveau que l’on observait déjà en 2020, alors même que l’on était en plein Covid», observe Noémie Marciano, directrice de l’activité assurances des personnes chez WTW.

Mais qui, précisément, fait flamber l’absentéisme ces dernières années ? Pour la spécialiste, cela est désormais difficile à dire : «Aujourd’hui, il n’y a plus de profil-type de l’absentéiste, assure Noémie Marciano. Dans chaque catégorie, que ce soit selon le genre ou l’âge, il y a un réel sujet.» Ainsi, même si l’enquête souligne bien que l’absentéisme est plus marqué chez les salariés seniors que chez les jeunes, ce n’est pas forcément là qu’il faut chercher l’explication principale.

Pour preuve : «Ce qui est inquiétant, avant de regarder les chiffres globaux, c’est l’évolution des arrêts maladie chez les jeunes hommes cadres», alerte l’experte. En 2024, l’absentéisme a particulièrement grimpé chez les hommes âgés de 20 à 30 ans et occupant des postes de cadres ou de professions intellectuelles supérieures. Si bien que le taux d’absentéisme des cadres a bondi de 7% par rapport à 2023, soit bien plus que celui des employés ou des ouvriers, où la hausse se limite à «seulement» 2%. «C’est la catégorie socioprofessionnelle qui a connu la plus forte évolution en un an», insiste la directrice d’activité de WTW.

Les cadres sont en arrêt maladie de plus en plus longtemps

Comment expliquer une telle explosion des absences chez ces jeunes cadres ? Pas par une multiplication des arrêts, car «leur fréquence a légèrement reculé chez les cadres, écarte d’emblée l’experte. C’est d’abord un sujet de durée d’arrêt, qui s’est allongée de 7% pour cette catégorie de travailleurs». Alors qu’ils s'absentaient 19 jours en moyenne en 2023, ils se sont arrêtés 20,2 jours l’année suivante.

Des arrêts moins fréquents mais plus longs, donc. En cause, «une moindre prévention et un retard dans les prises en charge de pathologies lourdes, comme les troubles liés aux addictions», avance le cabinet de conseil. A cela s’ajoutent les risques psychosociaux, qui touchent davantage les plus jeunes salariés, quel que soit leur genre. «On est dans un monde où tout va très vite, et où il faut aller vite. On sent donc une pression de plus en plus présente sur les salariés», constate Noémie Marciano. Un climat propice au développement de la dépression ou du burn-out, accentué par le télétravail qui «floute encore davantage la frontière entre vie privée et vie professionnelle», et complique d’autant la déconnexion.

De quoi alimenter un absentéisme déjà préoccupant pour les employeurs. Car la facture des arrêts de travail a récemment grimpé pour ces derniers : depuis le 1er avril 2025, un salarié arrêté coûte plus cher aux entreprises, l’indemnité versée par la Sécurité sociale étant désormais plafonnée à 1,4 Smic. Or, bien souvent, les cadres dépassent largement ce niveau de salaire, et les employeurs doivent donc mettre davantage la main à la poche. Sans parler de la nécessité de recruter - et de rémunérer - des remplaçants pour pallier des absences de plus en plus longues, qui rendent l’absentéisme de plus en plus coûteux.