
Investir dans une voiture de luxe, et espérer une bonne opération financière, cela reste inaccessible pour une majorité de Français. Il faut pouvoir débourser plusieurs centaines de milliers d’euros, voire plusieurs millions, sans compter les frais d’entretien. Et quand bien même on aurait les moyens, il faut mettre la main sur des véhicules produits en quantité très limitée et recherchées par de nombreux passionnés… Mais aussi, accessoirement, disposer d’un garage sécurisé. Pour lever tous ces obstacles, la jeune entreprise française Collectionneurs souhaite développer un nouveau concept de placement atypique : devenir co-propriétaire (ou plus exactement «nu-propriétaire») d’une voiture de collection avec un ticket d’entrée de seulement 250 euros.
Répondons à l'inévitable question, au risque de décevoir : non, les investisseurs ne pourront pas conduire le bolide. C’est le principe de la «nue-propriété» : les propriétaires partagent les droits sur un bien, sans en avoir l’usage. Le droit d’utiliser la voiture revient ici à l’entreprise Collectionneurs qui assurera le stockage, le gardiennage, l’assurance, l’entretien et surtout… la revente du véhicule. Car l’objectif est de réaliser une plus-value, à terme. En pleine mode des placements atypiques, les particuliers peuvent déjà investir collectivement dans les châteaux, les droits musicaux ou les vignes… Mais selon Collectionneurs, c’est la première fois en France qu’une plateforme permet d’investir dans les supercars (un terme qui désigne des véhicules de luxe ultra-performants).
Collectionneurs propose d’investir dans une Ferrari F40… avec quel rendement ?
«On le voit comme un moyen de diversifier son patrimoine», présente Sacha Gallo Parouty, fondateur de Collectionneurs, interrogé par Capital. Fils d’un concessionnaire premium, ce dernier a baigné depuis tout petit dans l’automobile. Après avoir travaillé dans un incubateur de start-up à Lyon, Sacha Gallo Parouty a voulu associer passion et business en lançant Collectionneurs en 2023 : «Notre valeur ajoutée, c’est de trouver les véhicules et de les acheter au prix le plus intéressant.» L’entrepreneur est le seul salarié de l’entreprise mais il dit travailler avec une quinzaine de personnes en sous-traitance pour l’informatique, le juridique, la gestion du véhicule… «Nous allons recruter quatre collaborateurs d’ici la fin de l’année, notamment pour la relation client», ajoute-t-il.
Le premier bolide disponible ? Une Ferrari F40 rouge de 1991, produite à 1311 exemplaires et qui affiche ici 16 750 kilomètres au compteur. «C'est la dernière voiture à avoir été conçue sous la supervision d'Enzo Ferrari avant sa mort», décrit Collectionneurs. L’entreprise veut acheter la voiture à 2,2 millions d’euros pour la rendre disponible aux investisseurs fin mai ou début juin. Collectionneurs espère de beaux rendements, bien au-delà des 2,4% d’intérêts actuels du livret A. Selon les estimations de la société, la valeur de ce modèle pourrait s’apprécier de plus de 15% chaque année. Une projection qui n’est aucunement garantie, et qui s’appuie sur les données des ventes aux enchères mondiales.
«Ces véhicules sont produits en série très limitée. La loi de l’offre et de la demande pousse les prix à la hausse», argumente Sacha Gallo Parouty. Comme la loi le lui oblige, Collectionneurs glisse tout de même ce rappel de base en matière d’investissement : «Les performances passées ne préjugent pas des performances futures.» Signalons aussi que, même si les produits de luxe résistent plutôt bien aux crises financières, les déceptions ne sont pas impossibles. Il n’y a qu’à regarder le marché des vins haut de gamme : l’indice Liv-ex Fine Wine 50, qui recense les prix de prestigieux vins de Bordeaux, accuse une baisse de 10,5% sur cinq ans…
Un investissement dans les supercars sur 5 ans… à réaliser prudemment
Concrètement, les personnes intéressées doivent s’inscrire sur la plateforme Collectionneurs pour pouvoir investir dans la supercar. L’utilisateur doit fournir une pièce d’identité et répondre à un questionnaire, qui permet de s’informer sur les risques liés à l’investissement. Signalons aussi que sur le ticket d’entrée de 250 euros, seuls 200 euros permettent réellement d’acquérir des droits sur le véhicule. Les 50 autres euros correspondent à des frais, dont notamment la rémunération de Collectionneurs, l’expertise du véhicule, l’entretien, son assurance, le gardiennage… Collectionneurs applique également une commission de 5% sur la plus-value, lors de la revente du véhicule. Selon Collectionneurs, l’impact de ces frais représente près de 4% par an. Dans le cas de la Ferrari F40, la performance «optimale», frais déduits, approcherait donc plutôt des 11% par an.
La durée d’investissement est fixée à 5 ans. Au terme de cette période, Collectionneurs tentera de revendre le véhicule, en espérant réaliser une plus-value. Et à condition donc de trouver un client prêt à débourser plusieurs millions d’euros dans une voiture. Pour cela, l’entreprise compte mobiliser son réseau de passionnés et, si besoin, se tourner vers une maison de vente aux enchères (qui appliquent également des frais mais cette fois, à la charge du nouvel acquéreur). Collectionneurs est confiant sur le marché mais en cas de conditions défavorables, la durée d’investissement peut être prolongée de deux ans au maximum, c’est-à-dire 7 ans au total.
Et pour les investisseurs pressés qui désirent récupérer leurs billes avant les 5 ou 7 ans, une plateforme dédiée permettra de revendre leurs parts. Là encore, à condition de trouver preneur, pour un placement très spécifique, et sans garantie sur le prix de cession. Dans le scénario le plus favorable présenté par Collectionneurs, pour un investissement de 10 000 euros, l’investisseur peut espérer 7 279 euros de plus-value au bout de 7 ans. L’entreprise présente également un scénario «médian», où la valeur du véhicule ne grimperait que de 3% par an : cette fois, l’investissement de 10 000 euros se traduirait alors par une perte de 801 euros au bout de 7 ans, du fait des frais cumulés. On l'aura compris, cet investissement est réservé à ceux qui aiment les sensations fortes.
Collectionneurs veut créer une communauté d’investisseurs autour des supercars
Pour des raisons d’assurance et de sécurité, les investisseurs ne pourront pas piloter le bolide… Celui-ci effectuera seulement des petites roulages «d’entretien» pour ne pas se détériorer, aux mains d’un conducteur expert. Les épargnants bénéficieront tout de même d’une réduction pour visiter le Coligny Car Museum, près de Bourg-en-Bresse (Ain), où sera exposé le véhicule, un musée géré par le père de Sacha Gallo Parouty. Collectionneurs promet aussi d'organiser régulièrement des événements exclusifs pour sa future communauté d’investisseurs. A côté de la Ferrari F40, cinq autres véhicules doivent être proposés en 2025, dont une Porsche Carrera GT de 2005 et une Maserati MC12 de 2005.
Évidemment, avec ce type de placement, une grande prudence est de mise. Fin mars, Collectionneurs a obtenu son enregistrement auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF), ce qui lui permet d’être inscrite dans les listes blanches de l’institution. «Cela nous crédibilise. C’est une obligation légale et c’est nécessaire pour rassurer les gens», se félicite Sacha Gallo Parouty. L’AMF fait tout de même un rappel au sujet des placements atypiques : «Les enregistrements ne constituent pas une incitation à investir dans ces placements qui restent par nature très risqués.» Ajoutons à cela un autre conseil de base : investir uniquement ce que l'on peut se permettre de perdre.



















