
Même Amazon en a fait une série documentaire en fin d’année dernière. Baptisée Anatomie d’un come-back, elle retrace, comme son nom l’indique, le redressement spectaculaire du constructeur au losange. L’an dernier, fort de ses marques Renault, Alpine, Dacia et Mobilize, le groupe a enregistré des résultats très flatteurs, publiés aujourd'hui, avec un chiffre d’affaires de 56,2 milliards d’euros (+7,4% ) et une marge opérationnelle de 4,3 milliards d’euros (+3,5%), supérieurs aux attentes des analystes. Quel contraste avec l’époque pas si lointaine où Renault rimait avec fiasco, empêtré dans un conflit sans fin avec son partenaire japonais Nissan, l’arrestation de son dirigeant Carlos Ghosn (fin 2018), le limogeage de son successeur Thierry Bolloré (fin 2019) et des résultats financiers catastrophiques. Arrivé en juillet 2020, Luca de Meo a vite dû plonger dans le bain pour redonner le moral aux équipes dépitées et tenter de relancer la machine en pleine crise du Covid. Six mois plus tard, cet italien polyglotte faisait sourire les sceptiques en présentant un plan stratégique d’envergure baptisée Renaulution. Pourtant, derrière le terme un peu facile, se cachait un scénario habile.
Luca de Meo et ses astuces pour redresser Renault
La première phase, baptisée sans rire Résurrection, ressemble beaucoup à ce qu’avait pratiqué Carlos Tavares lors de son arrivée chez PSA (devenu Stellantis). Fini la course au volume en tablant après sur des promos dans le réseau pour écouler la production. Une solution qui offre certes l’avantage de faire tourner les usines mais qui détruit les marges. Outre la réduction des capacité de production, des baisses d’effectifs (engagées même avant son arrivée) et des réorganisations internes ont permis de réduire les coûts et redonner ainsi de l’oxygène.
Encore fallait-il que la clientèle soit intéressée par l’offre proposée. C’est le deuxième étage de la fusée. Dix lancements l’an dernier, sept cette année, sans parler des restylages. En peu de temps, la gamme peu emballante de Renault a retrouvé des couleurs, grâce notamment au retour de modèles iconiques remis au goût du jour, dans des versions électriques alléchantes. La R5 a ainsi fait son grand retour en concession l’an dernier et se vend déjà comme des petits pains (sans rabais !) en attendant l’arrivée imminente de la 4L et en 2026 de la Twingo. Pour écrire son avenir, le groupe au losange a habilement puisé dans son histoire, en jouant à fond la carte de la nostalgie et de la mode rétro. Cela rappelle furieusement la méthode appliquée chez Fiat par un certain… Luca de Meo, lorsque ce dernier était directeur de la marque pour le relancement de la Fiat 500 en 2007. On ne change pas une formule qui gagne. Nommé en 2015 chez Seat, le même de Meo avait réussi à renouer avec les profits en lançant Cupra, une marque simplement dérivée de Seat mais plus sportive et sexy, sans pour autant créer de nouveaux modèles de A à Z.
Briller quand on n’a pas trop de moyens ? Voilà assurément la marque de fabrique de Luca de Meo et le troisième secret de sa réussite chez Renault. Ne pouvant faire face aux investissements massifs que tous les constructeurs ont dû engager pour passer à l’électrique, le dirigeant a opté pour la sous-traitance auprès de spécialistes. Ainsi, contrairement à Volkswagen ou Stellantis, qui ont massivement investi dans la production de batteries, Renault a choisi une approche plus prudente en s’appuyant sur des partenaires comme le fabricant japonais AESC. Une stratégie d’autant plus astucieuse que les technologies évoluent sans cesse.
Les défis de Luca de Meo et de Renault sont encore grands
Renault a donc bel et bien opéré une «remontada» selon les mots de son dirigeant et veut désormais s’engager sur «un nouveau cycle de succès afin de créer une base solide pour les vingt prochaines années sans que l’entreprise ne retombe dans la crise». Ce sera à l’aide de son nouveau plan, Futurama. Luca de Meo s’amuse même à dire qu’il veut «jouer la Champions League». Mais parviendra-t-il à tenir la distance ? Car les défis restent nombreux. D’abord, il faudra parvenir à sortir des modèles vraiment haut-de-gamme. Les ventes encore modestes de sa marque de prestige Alpine ne suffisent pas, dans ce domaine, à asseoir une solide réputation, d’autant que ses performances sportives en F1 sont peu reluisantes. Et ce n’est évidemment pas Dacia qui va aider sur ce créneau. Par ailleurs, l’introduction en bourse de l’activité «électrique» du groupe, baptisée Ampère, a été prudemment remisée faute d’enthousiasme des marchés. Quant à Mobilize, la filiale dédiée aux nouvelles mobilités a bien du mal à éclore. Preuve en est l’arrêt récent du projet Hippo, un utilitaire prévu pour la livraison du dernier kilomètre, qui sera finalement lancé par une autre société, Flexis, cocréée par Renault, Volvo Trucks et CMA CGM. Il s'agit du troisième projet annulé en interne après la Limo, une berline électrique destinée aux taxis et VTC et le service d'autopartage Zity à Paris. Enfin pour que les analystes financiers soient vraiment satisfaits, il faudra régler le problème du partenariat avec Nissan, dont Renault détient encore 35%. Entre les moins-values sur des cessions d’actions, les piètres performances du groupe japonais et une perte de valeur sur sa participation, Renault a perdu 2 milliards d’euros, faisant fondre le résultat net à 0,8 milliard ! Bref, encore du pain sur la planche pour Luca de Meo.
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