Cette édition 2025 du Salon du Bourget sera toujours l’occasion pour le grand public d’admirer les géants des airs, que ce soit une maquette du futur plus grand avion-cargo du monde (le WindRunner de Radia), le fameux Rafale dont les ventes à l’export se portent à merveille, mais aussi le tout dernier Boeing 777-300 de Qatar Airways repeint aux couleurs du PSG, récent vainqueur de la Ligue des Champions de football.

Mais dans un contexte de hausse de tensions commerciales, avec des droits de douane imposés par les États-Unis qui vont renchérir l'ensemble des produits, parmi lesquels les avions ou pièces importés d'Europe aux États-Unis, le traditionnel match des commandes entre Airbus et Boeing risque d’avoir du plomb dans l’aile. D'autant plus que la catastrophe aérienne du vol Air India, va braquer les projecteurs du monde entier sur les nouveaux déboires du constructeur américain. Et si les États-Unis restent le premier acteur international du Bourget (449 exposants) devant l’Italie (122) et le Royaume-Uni (105), l’instabilité géopolitique du monde donne des accents martiaux au salon.

L'armement pèse de plus en plus lourd dans le chiffre d'affaires

Évidemment, la guerre en Ukraine a changé la donne des industriels de l’aérien et du spatial, les poussant à développer une activité de plus en plus duale (civil et militaire) pour répondre aux besoins des États qui se réarment à marche forcée. Donnant un nouvel élan au secteur de la Défense. «L'environnement géostratégique nous amène à consolider ce point qui était en second plan les années précédentes», reconnaît ainsi Frédéric Parisot, le délégué général du Gifas, le groupement des industriels de l’aérospatial et organisateur du Bourget.

Dans tout le secteur aéronautique et spatial, l’armement pèse désormais 26% du chiffre d’affaires des industriels qui ne cesse de progresser ces dernières années : 70,2 milliards d’euros en 2023 ; 77,7 milliards d’euros en 2024. Des chiffres qui se confirment aussi du côté des commandes puisque le secteur de la Défense a capté 32% des investissements en 2024 contre 68% pour le Civil, porté par l’export (contrats Rafale notamment) qui pèse 78% des commandes de toute la filière française.

«Le doublement des budgets de défense en Europe au cours des cinq prochaines années, devrait entraîner une multiplication par trois à cinq des investissements pour combler les écarts de capacités spécifiques. Une croissance de 10 à 15% des dépenses en équipements est attendue pour tous les domaines de la défense», prédisent les spécialistes du cabinet de conseil Oliver Wyman dans une note diffusée en amont du salon.

Dans les allées du Bourget, un focus particulier a ainsi été porté sur les drones. La guerre en Ukraine montre chaque jour l’extrême bouleversement que constitue l’usage de ces munitions télé opérées à prix léger, notamment des drones à fibre optique, qui essaiment partout sur le front. La dernière opération d’envergure menée par les Ukrainiens fin mai, baptisée «toile d’araignée», qui ont réussi à projeter une attaque ciblée de drones sur des aéroports militaires russes, détruisant au passage de nombreux avions militaires de Moscou, continue de stimuler toute l’industrie.

Un million de drones en Ukraine en 2024...

«Nous sommes dans une remise en question fondamentale qui ne s’était pas produite depuis la 2e Guerre mondiale. Dans ce secteur, l’innovation est portée par le monde civil. Nous développons du matériel plus petit, moins coûteux et valorisé par de l’intelligence artificielle par exemple», confie un industriel français. Il faut dire que les chiffres parlent d’eux-mêmes : les forces armées ukrainiennes auraient utilisé 1 million de drones en 2024 et produiraient environ 200 000 drones par mois cette année. Plus loin du front, mais acteur majeur du secteur, la Chine aurait commandé un million de drones d’attaque pour 2026.

Avec l’intégration de solution d’IA dans ces petites machines, les industriels du secteur rivalisent d’innovation pour augmenter la force de frappe des drones, leur autonomie et leur agilité au combat. Les caméras embarquées sont de meilleures définitions, les logiciels embarqués permettent aux drones de mieux «traiter» leur cible, y compris sous brouillage GPS ou radar.

Grand groupe ou startup, tout le monde se livre bataille côté talent pour attirer les meilleurs ingénieurs qui quittent petit à petit les géants de la tech. «Avec le retour de Trump au pouvoir, il y a un mouvement qui s’opère avec un retour des tops ingénieurs en Europe. Un profil de très haut niveau peut être rémunéré entre 1 et 2 millions de dollars par an», souligne un dirigeant français. Attirer des spécialistes pour dessiner les systèmes du futur, c’est l’autre bataille que se livreront les industriels dans les allées du Salon du Bourget.