Branle-bas de combat dans l’industrie française de l’armement. Depuis les annonces chocs de Donald Trump sur la réduction du soutien militaire à l’Ukraine, l’heure est au réarmement dans les chancelleries européennes. Portés par un futur plan massif de 800 milliards d’euros initié par la Commission européenne, les principaux pays producteurs d’armes, dont la France (2e exportateur mondial), anticipent des commandes nouvelles et doivent adapter leurs écosystèmes de production.

Or, pour ce faire, les entreprises du secteur, la fameuse BITD (Base industrielle et technologique de défense) ont besoin d’accéder à des financements nouveaux pour acheter de nouvelles machines, agrandir leurs sites de production, embaucher ou étendre les horaires de travail de leurs salariés. Et pour les PME, ce n’est pas toujours une mince affaire de convaincre les banquiers.

C’est pourquoi le ministère de l’Économie et des Finances organise demain une série de tables-rondes, à Bercy, réunissant à la fois des entreprises de Défense, mais aussi des banques, des fonds d’investissement, ainsi que les bras armés de la finance publique : Bpifrance et la Caisse des Dépôts (CDC). « Un évènement préparé de longue date qui s’inscrit dans une évolution majeure du contexte géostratégique, indique de concert le Ministère des Armées et Bercy. Pour produire plus, le financement doit être renforcé ».

"Nous avons identifié des goulets d’étranglement"

Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, les principaux donneurs d’ordres du pays, les Thales (radars), MBDA (missiles), KNDS (canons) ou Dassault (avions de chasse) ont tous adapté leur cadence de production pour répondre aux commandes de l’État français, mais aussi à celles des pays où elles exportent leurs produits. Pour autant, ces grands groupes dépendent du rythme de production de leurs sous-traitants. Et c’est là que le bât blesse.

« Nous avons identifié des goulets d’étranglement, une quarantaine de PME en 2024 qui souffrent de défaut de fonds propres et qui auraient besoin d’une situation financière plus solide pour investir dans des machines ou pour leur approvisionnement », souligne une source ministérielle. Une PME qui aurait une cadence de production trop faible, ralentit en effet toute la plateforme. « Pour produire dans la Défense, c’est le timing de l’entreprise la plus lente qui compte », ajoute-t-on à Bercy, prenant l’exemple d’un petit fournisseur d’un composant du Rafale qui peinerait à produire en temps et en heure, provoquant des retards en cascade dans la ligne d’assemblage de Dassault.

À Bercy, on chiffre ainsi les besoins en fonds propres (le capital des entreprises) « entre 1 et 3 milliards d’euros », ce qui ne comprend pas les besoins en fonds de roulement ou de trésorerie. Le gouvernement mise gros sur l’événement de jeudi pour inciter les banques à répondre aux demandes des entreprises. À l’issue des tables-rondes où se trouveront les principaux producteurs d’armes et les banquiers, de nouveaux fonds dédiés à la BITD devraient être annoncés par des gestionnaires d’actifs comme Tikehau, Weinberg, Ciclad ou De facto, tout comme Bpifrance. Toujours du côté des pouvoirs publics, la Caisse des Dépôts devrait assouplir sa doctrine de financement de défense, pour élargir le nombre d’entreprises pouvant frapper à sa porte.

Enfin, des annonces seront faites sur la possibilité pour les Français qui le souhaitent de flécher une partie de leur épargne vers des produits dédiés aux entreprises de Défense. Pour rappel, en 2024, l’État a passé pour 17 milliards d’euros de commandes aux entreprises du secteur pour répondre aux besoins de la nouvelle Loi de programmation militaire (2024-2030).