
Commandez, commandez, mais veuillez aussi patienter... Chez le fabricant français de missiles MBDA, à l’actionnariat très militarisé et international (Airbus et le britannique BAE Systems détiennent chacun 37,5% du capital, tandis que l’Italien Leonardo en possède 25%), la guerre en Ukraine et le réarmement opéré un peu partout en Europe, dope le chiffre d’affaires. Selon ses résultats annuels, le groupe frôle les 5 milliards d’euros de revenus en 2024, soit une hausse de 10% par rapport à une année 2023 déjà porteuse.
À date, le groupe européen, dont les sites de production situés à Bourges et Selles-Saint-Denis (Loir-et-Cher) sont encore en pleine transformation afin de se calibrer à l’économie de guerre, dispose d’un carnet de commandes XXL de 36 milliards d’euros, soit 8 milliards d’euros de plus qu’en 2023 ! Ses « best sellers » du moment s’appellent le Mistral (antiaérien léger), l’Akeron (antichar), l’Exocet, le Scalp et notamment l’Aster, un missile de croisière tiré depuis des frégates ou à intégrer, sur le théâtre ukrainien, dans des batteries anti-aériennes. C'est ce type de missiles que les forces françaises ont notamment tiré ces derniers mois en Mer Rouge, face aux milices pro-iraniennes qui perturbent le commerce maritime.
Le missilier vend plus qu’il ne produit
D’ailleurs, pas plus tard que vendredi dernier, la France, l’Italie et le Royaume-Uni ont confirmé une nouvelle commande commune de 218 missiles (prix unitaire entre 1 et 2 millions d’euros), après une première engagée en décembre 2022. « Cela traduit l'engagement fort de la France, de l'Italie et du Royaume-Uni en vue de renforcer leurs capacités de défense aérienne », indiquait le ministère des Armées en fin de semaine dernière, dans le communiqué de presse confirmant l’opération.
Conséquence de la guerre en Ukraine, la nécessité de renforcer les capacités de défense anti-aérienne a été très largement comprise par les pays européens, à commencer par la Pologne qui a commandé à la fois des lanceurs, mais aussi des missiles. Seulement, Varsovie va devoir prendre son mal en patience avant de pouvoir rehausser ses stocks, puisque la liste des pays à livrer est longue. Selon les calculs de nos confrères de La Tribune, le carnet de commandes actuel de MBDA lui assurerait pour 5 années de production. Et malgré le réaménagement des sites de production, l’augmentation des cadences et plus de 2 milliards d’euros d’investissements programmés entre 2023 et 2028, le missilier vend plus qu’il ne produit.
Ce qui inquiète les partenaires historiques (et prioritaires comme la France et l’Italie) sur la capacité de MBDA d’honorer les commandes passées par l’État français, via la Direction générale de l’Armement. Sur un Aster, MBDA est déjà parvenu à réduire l’attente, passant de 42 mois à 18 mois de délai, entre la commande et la livraison. Sur le Mistral, "les sites français ont multiplié par quatre leur capacité", passant de 10 à 40 unités par mois, comme l'a rappelé ce matin le PDG du groupe, Eric Béranger, sur RTL.
Pour cela, il a fallu commander de nouvelles machines, augmenter les heures de travail, la rotation des équipes, l’approvisionnement et les stocks de matières premières. Mais dans des bassins de production comme le Loir-et-Cher, où MBDA a installé historiquement ses usines, les bras commencent à manquer. Avec 10% de la population de Bourges qui travaillent directement ou indirectement pour l’Armement, les réserves humaines s’épuisent. MBDA, comme ses collègues de l’industrie militaire française, se heurte donc au mur des livraisons.



















