Tempête spatiale en vue pour l’Europe. Pour tailler dans le budget de la NASA, l’administration Trump a fait des propositions-chocs : abandonner de façon prématurée le vaisseau Orion et mettre fin au projet de station Gateway. L’un comme l’autre devaient jouer un rôle crucial dans le retour des humains sur la Lune dans le cadre du programme Artemis. Tandis qu’Orion aurait embarqué des astronautes vers notre satellite naturel, la station spatiale Gateway aurait évolué en orbite lunaire pour soutenir les missions d’exploration du sol extraterrestre. La Maison Blanche veut désormais des solutions alternatives moins chères venant du secteur privé. Le hic ? Les entreprises européennes comme Airbus et Thales Alenia Space étaient des partenaires privilégiés des chantiers Orion et Gateway !

Les industriels du Vieux Continent risquent donc de voir s’envoler de précieux contrats. Mais il y a un autre dommage collatéral. Prêter main forte aux Etats-Unis sur Orion et Gateway, c’était un argument de poids pour négocier la participation des astronautes européens, comme Thomas Pesquet, aux futures missions lunaires. Un protocole d’accord avait même été signé entre l’Agence spatiale européenne (ESA) et la NASA pour assurer le voyage de trois Européens à bord de Gateway. Mais avec les annonces de la Maison Blanche, «il y a une grosse incertitude sur la participation des astronautes européens au programme Artemis», signale François Leproux, ingénieur et auteur spécialisé dans le spatial. «Le premier non-américain à embarquer vers la Lune sera Canadien et le premier non-américain à marcher sur la Lune sera Japonais. On voit que les Européens sont très loins d’être prioritaires», ajoute l’expert.

Face au camouflet, l’Europe temporise

Une fois de plus, l’administration Trump inflige un camouflet à l’Europe. Pour l’instant, l’Agence spatiale européenne se contente de temporiser. «Il ne s’agit (...) à ce stade que d’un document préliminaire, susceptible d’évoluer grandement», modère l’ESA. Le conseil de l’ESA, prévu en juin, devrait permettre d’élaborer une réaction à tête reposée. En attendant, l’ESA dit qu’elle reste ouverte aux coopérations avec la NASA. «L’exploration spatiale est une entreprise dans laquelle les efforts collectifs permettent d’aller beaucoup plus loin que les initiatives individuelles», tente de faire valoir l’ESA.

Thomas Pesquet n’a pas encore réagi publiquement à ces nouvelles. Même si le Français vient de décrocher un nouveau job au sein de Novespace, il fait toujours partie des astronautes actifs de l’ESA. Il n’a jamais caché son rêve de participer un jour à une mission lunaire. Dans cette perspective, il a même participé à des entraînements au bâtiment Luna, inauguré en septembre 2024. Située à Cologne (Allemagne), cette installation contient une reproduction de 700 mètres carrés de la surface lunaire. Un simulateur géant qui devait également être connecté à la station Gateway…

D’autres solutions pour les astronautes européens

L’Europe dépend fortement de ses partenaires étrangers pour expédier des astronautes dans l’espace. Pour rappel, le Vieux Continent ne dispose pas de vaisseau spatial capable d’embarquer des passagers humains. Quant à la Station spatiale internationale (ISS), où Thomas Pesquet a effectué plusieurs missions, elle pourrait être détruite vers 2030. Elon Musk, le patron de SpaceX, avait même encouragé la destruction rapide de la station. Alors, les portes de l’espace vont-elles se refermer devant les astronautes européens ? «C’est une mauvaise nouvelle pour l’Europe, mais il y a des capacités de rebondir», relativise François Leproux.

Tout d’abord, l’Europe pourrait utiliser d’autres leviers de négociation qu’Orion et Gateway. L’ESA travaille effectivement sur un atterrisseur lunaire baptisé Argonaut, qui pourrait accompagner le programme Artemis. Elle planche également sur le programme Moonlight qui vise à expédier des satellites de télécommunications en orbite lunaire. «Même si Gateway est abandonné, il faudra une station sur le sol lunaire. L’Europe pourrait être sollicitée pour étudier des modules d’habitation spatiaux», développe François Leproux.

Pour les autres programmes spatiaux, l’ESA pourrait aussi se tourner vers d’autres partenaires que le gouvernement américain. Elle a déjà signé un protocole d’accord avec l’entreprise américaine Axiom, qui souhaite déployer sa propre station spatiale en orbite terrestre. «L’Inde est un bon partenaire avec lequel la France travaille dans le domaine des vols habités», ajoute François Leproux. Et des missions humaines 100% européennes ? Dans un contexte budgétaire tendu pour beaucoup de pays européens, dont la France, cela ne semble plus être une priorité…