Le ciel va-t-il enfin se dégager pour l’Europe ? Ce mardi 9 juillet, à moins d’un imprévu technique ou météorologique, la fusée Ariane 6 va tenter de s’envoler pour la première fois depuis le Centre spatial guyanais (CSG), à Kourou, avec une fenêtre de lancement ouverte à partir de 20h00 (heure de Paris). Cela fait neuf mois qu’il n’y avait pas eu de décollage sur la base. Cette mission, si importante pour l’accès indépendant de l’Europe à l’espace, arrive avec quatre ans de retard. Il s’agit, dans tous les sens du terme, d’un événement à haut risque.

Un risque d’ordre technique, tout d’abord. L’échec du premier vol d’Ariane 5 en 1996 reste dans les mémoires, tout comme celui du tir inaugural de la version Ariane 5 ECA en 2002. «Environ la moitié des vols inauguraux ne se passent pas comme prévu», estime Toni Tolker-Nielsen, directeur du transport spatial à l'Agence spatiale européenne (ESA). Et un risque d’ordre symbolique. Au CSG, chacun sait qu’une défaillance serait catastrophique pour l’image de la filière européenne du spatial, quand aux États-Unis la société SpaceX inonde le marché avec ses fusées réutilisables.

Une crise inédite pour l'Europe spatiale

Retour en juillet 2023. C’est l’heure bleue à Kourou. A la lisière de la jungle équatoriale, le ronflement d’une fusée accompagne le chant des grillons. Au CSG, le compte à rebours s’achève. «Top allumage moteur Vulcain. Allumage 2 EAP. Décollage.» Au moment où sont prononcés ces mots, un déluge de flammes s’abat sur le pas de tir. Ce 5 juillet, après vingt-sept ans d’activité, Ariane 5 s’élève vers les étoiles pour la 117e et dernière fois.

Au centre de contrôle, les regards brillent d’émotion. Mais, à l'instant où l’appareil libère ses derniers satellites dans le vide spatial, le programme Ariane bascule dans l’inconnu. Alors qu’Ariane 5 et Ariane 6 auraient dû coexister pendant des mois, le nouveau lanceur européen n’est toujours pas prêt. Impossible de prolonger Ariane 5, la fusée n’est plus adaptée aux besoins et sa production a été arrêtée. Quant à Ariane 6, de retard en retard, son vol inaugural a été décalé de 2020 à 2024… L’accès autonome de l’Europe à l’espace, un sacro-saint principe respecté de façon quasiment ininterrompue depuis 1979, s’effondre.

Mauvais alignement de planètes pour le programme Ariane

Quelques mois avant le lancement inaugural, nous avions rencontré Stéphane Israël, président exécutif d’Arianespace. Le dérapage du calendrier d'Ariane 6 pèse sur la filiale d’ArianeGroup chargée de commercialiser les lancements. «Il y avait une ceinture de sécurité. Pour les satellites institutionnels, nous avions sécurisé des fusées russes Soyouz depuis la Guyane si jamais Ariane 6 n’était pas prête. Tout avait été organisé», confie Stéphane Israël. Mais les planètes se sont alignées autrement. En février 2022, des satellites d’observation de la Terre survolent l’Ukraine. Leurs caméras capturent les colonnes de blindés et les premiers bombardements de sites stratégiques.

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