A quelques centaines de kilomètres au-dessus de nos têtes, deux petits satellites évoluent silencieusement autour de la Terre. Leur mission : détecter depuis l’espace la chaleur dégagée par un missile hypersonique, capable de voler à plus de 6 000 km/h tout en changeant de trajectoire pour échapper aux radars. Dès qu’une menace est repérée, ces satellites transmettent immédiatement les coordonnées à la chaîne de commandement militaire, qui peut alors lancer une riposte avant que le missile n’atteigne sa cible.

Ce scénario n’est pas de la science-fiction. En février dernier, les Etats-Unis ont testé un système de ce type dans le cadre du programme «Hypersonic and Ballistic Tracking Space Sensor», présenté comme une pièce maîtresse de la défense spatiale américaine, rapporte BFMTV ce jeudi 13 novembre. Devant le Congrès, en mai dernier, le général Heath Collins, à la tête de l’Agence de défense antimissile, soulignait l’importance de ces technologies : «Ce type de technologie constitue le socle de la défense contre les missiles hypersoniques. Nous travaillons aussi sur les futurs capteurs spatiaux, capables d’améliorer la défense antimissile balistique», déclarait-il, avant d’ajouter : «L’espace jouera donc un rôle clé pour protéger le territoire américain et nos forces à l’étranger.»

Jusqu’à 15 000 satellites chinois d’ici 2030

A terme, Washington envisage la mise en orbite d’une constellation de centaines de satellites interconnectés, capables de suivre en permanence les missiles hypersoniques et d’assurer une couverture mondiale. Mais là où il y a des satellites, il y a aussi des cibles. Les puissances militaires du monde entier développent désormais des armes anti-satellites, allant de lasers capables d’aveugler des engins en orbite à des missiles sol-espace, sans oublier des satellites de combat qui se rapprochent directement de leurs cibles pour les neutraliser.

L’exemple le plus marquant reste l’opération russe du 15 novembre 2021, lorsqu’un missile sol-espace a détruit le satellite Kosmos 1408. Le test a généré des milliers de débris dans l’orbite basse et envoyé un message stratégique clair : Moscou peut frapper n’importe quel satellite de surveillance. La Chine renforce elle aussi sa présence militaire dans l’espace. Avec près de 1 200 satellites en orbite, dont plus de 500 destinés au renseignement militaire, Pékin prévoit d’en déployer jusqu’à 15 000 d’ici 2030.

Face à cette montée en puissance, les Etats-Unis ont doublé le budget de leur force spatiale, passant de 15 à 30 milliards de dollars, dont près de 20 milliards sont consacrés à la recherche et au développement. La Russie, malgré un budget plus modeste, s’est, quant à elle, spécialisée dans les armes anti-satellites et les capacités de brouillage.

L’Europe entend, elle aussi, affirmer sa place dans la course spatiale. Emmanuel Macron a récemment inauguré le Commandement de l’espace à Toulouse, tandis que le projet de budget de la mission «défense» pour 2026 prévoit une enveloppe de 750 millions d’euros dédiée au spatial. Trois programmes majeurs devraient voir le jour entre 2027 et 2028, marquant l’entrée de la France dans la compétition stratégique pour la maîtrise de l’espace.