
Muets comme des tombes. Les deux champions du secteur funéraire en France, OGF et Funecap, préfèrent ne pas répondre à nos questions. C’est qu’ils attendent fébrilement la parution, ce vendredi 17 octobre, d’un livre peu flatteur sur leurs activités : «Les Charognards. Pompes funèbres : enquête sur le business de la mort», signé par les journalistes Brianne Huguerre-Cousin et Matthieu Slisse aux éditions du Seuil. Un coup de projecteur sur des techniques commerciales controversées et des incidents sordides qui ont été constatés dans chacune de ces deux entreprises. Devant ces squelettes sortis du placard, PFG et Roc Eclerc vont devoir redorer leur image de marque...
Un mort sur trois en France est enterré ou incinéré grâce à OGF et Funecap. Ces deux empires dominent l’industrie funéraire avec leurs enseignes, PFG d’un côté et Roc Eclerc de l’autre. Deux marques bien connues des familles endeuillées, et qui dénotent dans un secteur où 80% des entreprises comptent moins de 10 salariés. A côté de ces établissements familiaux, OGF et Funecap font figure de géants, présents à chaque étape de la mort. OGF fabrique ses propres cercueils, alors que Funecap mise plutôt sur les fours de crémation. Chacun d’entre eux compte des centaines de funérariums, des dizaines de crématoriums, des milliers de contrats d’assurances obsèques en cours, et des centaines d’agences stratégiquement situées à proximité des hôpitaux et des mairies et dans les zones commerciales.
PFG et Roc Eclerc, le leader historique contre le challenger
«C’est le leader historique contre le challenger», résume Charles Simpson, consultant indépendant dans le secteur funéraire. Chez OGF, un groupe détenu à 74% par un fonds de pension canadien, l’histoire de PFG remonte en effet au XIXe siècle. De son côté, Roc Eclerc a été créé en 1985, avant d’être repris par Funecap, un groupe lancé en 2010 par Thierry Gisserot et Xavier Thoumieux. Avec l’appui de fonds d’investissement, ces deux financiers ont mené plus de 300 acquisitions dans le secteur funéraire en seulement quinze ans.
Funecap a vu son chiffre d’affaires bondir à 800 millions d’euros en 2024. Devant OGF, au profil moins international, qui a réalisé 639 millions d’euros de chiffre d’affaires sur son exercice décalé 2024-2025. Mais en France, PFG reste la marque leader avec 903 agences, selon un décompte de Charles Simpson, loin devant les 372 enseignes de Roc Eclerc. La conquête des territoires se joue aussi grâce aux funérariums. «Les familles acceptent de moins en moins que le corps reste à la maison», explique Charles Simpson. «Les chambres funéraires facilitent la prise en charge rapide du défunt. Cela reste un métier de transport et de logistique», souligne Charles Simpson. Et lorsqu’une famille veille son défunt dans un funérarium, il est tentant de se tourner vers la même entreprise pour organiser la suite des cérémonies.
Pompes funèbres : un marché porteur pour PFG et Roc Eclerc
Les deux champions des pompes funèbres peuvent compter sur un marché porteur, car les enfants du «baby-boom» sont de plus en plus nombreux à monter au ciel. Selon les projections démographiques, le nombre annuel de décès en France pourrait grimper à 800 000 d’ici à 2045, soit 27% de plus qu’en 2024. Les prix, eux aussi, ont tendance à augmenter. En 2019, l’UFC Que Choisir relevait un prix moyen de 3 815 euros pour une inhumation et de 3 986 euros pour une crémation. Fin 2024, une étude du groupement d’entreprises Silver Alliance relevait des prix moyens de 5 044 euros pour un enterrement et de 4 434 euros pour une incinération.
Chez les acteurs du funéraire, on pointe du doigt l’inflation sur les coûts, que ce soit pour le bois des cercueils ou l’énergie nécessaire aux crématoriums. OGF a tout de même augmenté ses bénéfices de 30% entre 2024 et 2025, selon ses comptes sociaux, tandis que Funecap garde ses comptes secrets. Les deux groupes sont confrontés une forte croissance des crémations, qui représentent désormais 45% des funérailles. «Un mode qui génère moins de chiffre d’affaires et moins de marges», rappelle l’institut d’études Xerfi. Pour compenser, les entreprises misent sur les assurances obsèques et la personnalisation des cérémonies. De façon plus singulière, la maison mère de Roc Eclerc mise sur la diversification en développant un réseau de... crématoriums animaliers.
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