Sur le site Internet du groupe de courtage en assurances Vilavi, ex-Assu 2000, le souvenir de son fondateur a été méthodiquement effacé. Plus un mot de Jacques Bouthier, 77 ans aujourd’hui, ni des premiers pas de son entreprise en 1975 à Rosny-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis. Plus la moindre trace de cet autodidacte parti de rien et devenu en 2019, à l’apogée de sa réussite, la 467e fortune de France avec un patrimoine de 170 millions d’euros, selon le magazine «Challenges». Plus une photo de l’ex-patron, aussi fort en gueule avec ses collaborateurs que discret dans les médias, qui régnait jusqu’en 2022 sur 1400 employés, en France et au Maroc, et un chiffre d’affaires de 148 millions d’euros. Rien. Et pour cause. Depuis le printemps 2022, le septuagénaire est au cœur d’une intrigue judiciaire mêlant viols et agressions sexuelles sur mineures, harcèlement sexuel, traite d’êtres humains à l’égard d’un mineur (1), association de malfaiteurs en vue de commettre le crime d’enlèvement et de séquestration en bande organisée, et détention d’images pédopornographiques. Ce dossier très lourd, lesté par la complicité d’ex-gendarmes et de policiers, a mobilisé deux juges d’instruction et trois services parisiens, la brigade des mineurs, la brigade financière et la brigade de répression de la délinquance contre la personne.

Une vidéo glaçante entre les mains de la police

Il a suffi d’une vidéo d’une minute et neuf secondes pour provoquer la chute de celui qu'un magazine économique appelait «le petit courtier devenu géant». «Une scène accablante», tranche un enquêteur. Ces images tournées le 11 mars 2022 montrent Jacques Bouthier dans un lit, nu sous la couette. A son côté, une ado vêtue d’un long tee-shirt dont il caresse la chevelure. Aux questions de l’homme, elle répond qu’elle a 14 ans et que, non, elle n’a jamais «été avec un garçon». «Ben, il faut commencer», lui répond l’homme, qui lui propose 200 euros pour un «câlin tranquille». La suite, c’est la petite Roumaine qui la raconte. Les attouchements, son refus d’un rapport anal, la masturbation qu’elle prodigue, son dégoût et sa peur.

L’homme ne le sait pas encore, mais il vient de se faire piéger par Aïcha (2), la jeune femme qui lui tient lieu d’esclave sexuelle depuis six ans. Quatre jours plus tard, cette frêle Marocaine pousse la porte du commissariat du XIXe arrondissement parisien. Elle confie la vidéo aux policiers et porte plainte pour viols contre le dirigeant de Vilavi. Sans ces images glaçantes, elle en est sûre, personne ne l’aurait crue. Elle le reconnaît, elle a recruté la jeune Roumaine sous prétexte d’une séance de maquillage à domicile avant de lui avouer son projet: prendre Bouthier au piège de ses pulsions pédophiles. Car le PDG ne veut plus d’elle, maintenant qu’elle a 22 ans et ressemble moins à une gamine. Il lui a mis le marché en main: si elle veut garder son appartement du Perreux-sur-Marne (94), dont il paie le loyer, elle doit lui fournir une petite fille. Et de ça, il n’est pas question.

La suite est réservée aux abonnés
Abonnez-vous à Capital à partir de 1€ le premier mois
  • Accès à tous les articles réservés aux abonnés, sur le site et l'appli
  • Le magazine en version numérique
  • Navigation sans publicité
  • Sans engagement