Infirmière dans un hôpital parisien, Léa passe chaque jour plus d’une heure dans les transports en commun pour rallier son domicile, dans le Val-de-Marne. Une vraie galère pour cette maman d’un enfant en bas âge. Mais elle n’a pas le choix, son salaire et celui de son conjoint ne leur permettant pas d’assumer le loyer d’un appartement de deux ou trois pièces à Paris.

«Les travailleurs indispensables au bon fonctionnement de nos services publics ne parviennent plus à se loger dans de nombreuses parties du territoire. Ce qui contraint certains à réaliser quotidiennement des trajets considérables, au détriment de leur vie de famille et au prix de dépenses importantes, et d’autres à se loger dans des conditions indignes», déplore le député David Amiel (Ensemble pour la République), dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi «visant à améliorer l'accès au logement des travailleurs des services publics».

Ne pas garder un logement de fonction si on quitte le service public

Dans ce texte, déposé au bureau de l’Assemblée nationale ce mois-ci, le parlementaire estime que «l’ensemble du fonctionnement du service public est menacé» par les difficultés de ses travailleurs à se loger. Ces difficultés «alimentent la crise d’attractivité de la fonction publique, qui, des hôpitaux jusqu’aux écoles, peine aujourd’hui à réaliser les recrutements indispensables», insiste David Amiel. Il propose donc une première réforme, pour augmenter le nombre de logements sociaux à destination des agents publics. Aujourd’hui, les agents publics locataires d’un HLM bénéficient du droit au maintien dans les lieux, droit attaché au logement social, quelle que soit leur évolution professionnelle. Ainsi, des personnels soignants d’un hôpital qui se voient attribuer un HLM parce que leur employeur dispose de droits de réservation auprès du bailleur social pourront le conserver s’ils quittent le service public hospitalier. L’hôpital ne pourra donc pas disposer de ce HLM pour loger les agents qu’il devra recruter pour les remplacer.

Un article du Code de la construction et de l’habitation prévoit certes que «les fonctionnaires et agents de l'Etat, civils et militaires, attributaires de logements sociaux, ne bénéficient du maintien dans les lieux en cas de mutation, de cessation de services ou de décès que pendant six mois». Mais cet article «est borné à la fonction publique d’Etat», souligne David Amiel, qui suggère de l’étendre à la fonction publique hospitalière, à la fonction publique territoriale et aux entreprises publiques.

Loger des métiers de sécurité dans des quartiers bien précis

Autre proposition du député pour augmenter l’offre de logements sociaux à destination des agents publics, l’acquisition de droits supplémentaires de réservation par une administration publique si elle apporte un terrain à un programme de construction de HLM. Actuellement, lorsqu’une administration cède un terrain à un bailleur social, avec une décote, en vue de la construction de HLM, elle ne peut bénéficier que de 10%, au maximum, des logements sociaux du programme pour son personnel. David Amiel souhaite porter cette proportion à 50%, voire à 70%.

Le député entend également permettre aux services des douanes et à l’administration pénitentiaire de choisir précisément les lieux dans lesquels ils souhaitent réserver des logements sociaux pour leur personnel. Une telle exception existe déjà pour les logements réservés par les services de la défense nationale, des établissements de santé et de la sécurité intérieure. Elle tient aux spécificités de l’activité de ces agents, qui ne peuvent pas être logés dans n’importe quel quartier, au risque, sinon, de compromettre leur sécurité.

Une loi qui complèterait des initiatives locales

Toujours pour accroître l’offre de logements pour les agents publics, le député entend simplifier leur construction dans les plans locaux d’urbanisme (PLU). Aujourd’hui, lorsqu’une administration publique dispose d’un terrain ou d’un bâtiment qu’elle considère surdimensionné, «sa reconversion en logements est bien souvent rendue impossible par les plans locaux d’urbanisme», regrette David Amiel. Qui propose donc de conférer une possibilité de déroger aux PLU aux administrations souhaitant reconvertir ou construire des logements pour leurs agents sur une partie de leurs fonciers.

Reste à savoir quand cette proposition de loi pourra être examinée par le Parlement. Elle découle en tout cas d’un rapport sur le logement des travailleurs des services publics remis il y a un an par le même David Amiel au gouvernement, à la demande de ce dernier, qui souhaitait développer une «véritable politique interministérielle de l’accès au logement des agents publics». Ce qui compléterait utilement des initiatives locales, comme l’acquisition, annoncée en 2023, de plus de 1 000 droits de réservation de logements par l’AP-HP (Assistance Publique-Hôpitaux de Paris) auprès de bailleurs sociaux et de résidences de jeunes actifs, grâce à un soutien financier de 21 millions d’euros émanant de l’Agence régionale de santé Ile-de-France.