En visite il y a quelques jours en Pays basque, le ministre de l’Economie et le ministre délégué au Logement, Guillaume Kasbarian, ont annoncé de concert que 800 communes de France bénéficieraient d’un reclassement dans le zonage donnant droit au prêt à taux zéro, ainsi qu’aux dispositifs d’aide à l’investissement locatif, tels que le Pinel, le Denormandie ou encore Loc’Avantages. En octobre déjà, 200 communes avaient fait l’objet du même traitement. Ce sont en théorie des millions de ménages en plus qui seront éligibles à ces dispositifs pour accéder à la propriété ou pour réaliser un investissement locatif en vue de loger des locataires aux revenus intermédiaires ou faibles. Ces deux décisions prises à quelques mois d’intervalle attestent que l’exécutif prend la mesure de l’impossibilité pour de nombreux Français de se loger : sans l’amortisseur des aides publiques, ils sont dans l’incapacité d’acheter leur premier logement neuf ou ancien rénové, comme les investisseurs personnes physiques n’achètent pas pour louer si un avantage fiscal ne redresse pas leur rendement pour le porter à un niveau décent.

Il faut prendre ce qui vient dans cette période de graves difficultés pour le logement. Il ne faut pas en revanche que l’arbre cache la forêt et que le marketing politique occulte l’insuffisance de l’action publique. Elle souffre d’au moins trois défauts majeurs. Le premier tient aux prix des logements dans nombre de ces communes hissées à une zone supérieure, A, B ou B1, c’est-à-dire reconnues tendues (avec un fort déséquilibre entre l’offre et la demande). Elles sont devenues inaccessibles aux primo-accédants; et de la même manière les investisseurs n’y trouveront que péniblement des rendements corrects, en dépit de l’aide fiscale.

En somme, le reclassement risque fort de n’avoir pas l’effet prévu par le gouvernement. Le précédent geste devait porter ainsi à 40 000 le nombre de recours au PTZ : pas de nouvelles simulations quant à cette deuxième vague… Peut-être par réalisme. La mesure sera plus optique qu’efficace. Elle a même quelque chose de cruel si elle laisse accroire que des milliers de ménages vont pourvoir accomplir leur rêve alors qu’ils se seront tenus éloignés. Pour être tout à fait honnête, ce risque va dépendre des villes choisies : si la liste comporte des communes dans lesquelles les tensions n’ont pas conduit à une inflation insupportable des prix, alors la mesure portera ses fruits. Il reste que si le lobbying des maires fait sortir du lot ceux des territoires les plus atteints par l’explosion des prix, la crainte sera avérée.

Il faut construire un zonage plus adapté aux réalités économiques locales

Le deuxième défaut tient à la méthode. Si elle précède une refonte totale du mécanisme de zonage, parfait : l’urgence de la situation des familles par rapport au logement dicte d’aller vite. On peut convenir que le bricolage, ou l’ajustement, convienne. Néanmoins, il est une critique en soi du principe du zonage administratif, rigide, daté, incapable de plasticité selon les évolutions de marché et des territoires. En fait, le zonage correspond à une photographie du pays, et il ne prend en compte ni les projets des villes moyennes voire des communes rurales ni le progrès de leur attractivité. Le zonage est figé et en un sens idéologique. Il n’est pas un outil d’aménagement du territoire, volontariste et visionnaire. Il regarde dans le rétroviseur et il est dessiné de Paris pour toute la France, avec une connaissance très imparfaite du destin des territoires. Il est vital d’en arriver à un zonage de projet, tracé avec les élus locaux eux-mêmes, sur le modèle du Pinel breton. De quoi s’agit-il ? Il s’est agi pour les maires de communes bretonnes exclues du Pinel et reléguées en zones déclarées non tendues (B2 voire C) de démontrer que l’activité économique de leur ville et son développement justifiait qu’on en augmente l’offre locative intermédiaire, en incitant des investisseurs à y acquérir des logements neufs pour les louer. En somme, il n’est que temps de respecter les territoires et de cesser de leur imposer un regard centralisateur et myope.

Enfin, cette recomposition du zonage, partant de l’intention d’aider plus de Français à trouver un logement abordable, continue de vouloir leur dicter leur type d’habitat et les imagine tous dans des immeubles collectifs. La maison individuelle reste inexorablement bannie des aides. Réhabilitée par Gabriel Attal dans ses discours, elle n’accède pas à la considération budgétaire de Bercy. Pourquoi ? La croit-on encore incompatible avec la frugalité foncière ? C’est incohérent avec la volonté du même Premier ministre d’inciter les propriétaires de maisons bâties dans les décennies antérieures sur de grands terrains de les parcelliser pour que d’autres familles y fassent construire une maison. On imagine en particulier des parents, des grands-parents peut-être faire donation d’un morceau de leur terrain à des enfants ou petits-enfants pour qu’y soit bâtie leur propre maison. On imagine surtout des personnes parvenues à l’âge de la retraite ayant des besoins financiers pour rénover leur maison, l’adapter au vieillissement, à la mobilité réduite, et cédant une partie de leur terrain à un ou plusieurs ménages : comment ces jeunes couples pourront-ils financer l’opération, comprenant l’achat du terrain et la construction de la maison ? Le gouvernement ne va pas au bout de sa politique. Jamais les 160 000 maisons individuelles prévues ne sortiront de terre sans coupler la révision du zonage avec la réintégration dans le PTZ de l’habitat individuel.

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Le gouvernement perd du temps prenant des demies mesures. On en constatera le manque de souffle dès les prochains mois. Qu’il soit plus ambitieux pour le logement et il contribuera du même coup à la relance du produit intérieur brut et de la création de richesse pour le pays, exsangue et asthénique.