
C’est une maison bleue adossée à la colline… enfin, à l’Eure. Au domaine de Primard, ancienne demeure normande de Catherine Deneuve, à Guainville (entre Dreux et Houdan), on se croirait dans Autant en emporte le vent. Le parc, les volets, les couloirs, les salons en enfilade tous plus chics les uns que les autres. Mais c’est en fait un tout autre scénario qui se joue. On s’imagine déjà dans un Cluedo géant avec le colonel Moutarde, mademoiselle Rose, les chandeliers… Sauf qu’à Primard point de meurtre à résoudre, juste un mystère à élucider : comment cette somptueuse bâtisse construite au XVIIIe siècle sur le bord de l’Eure, ayant jadis appartenu au marquis de Dampierre, est-elle devenue un hôtel quatre étoiles assorti d’une table et d’une auberge gastronomiques ?
Tout commence en septembre 2018, quand Frédéric Biousse et Guillaume Foucher – respectivement financier et historien de l’art galeriste, et aux manettes des Domaines de Fontenille – décident d’étendre leur empire de boutiques-hôtels stylées comprenant déjà le Domaine de Fontenille dans le Luberon, Les Bords de Mer à Marseille, Les Hortensias du Lac à Hossegor, 70 Hectares & l’océan à Seignosse (Landes), Santa Ponsa et Torre Vella dans les Baléares, etc. Via leur réseau, ils entendent parler de cette belle et grande demeure (1 200 mètres carrés) à vendre.

Les œuvres présentes au domaine de Primard s’inspirent de la nature
Taiseux sur le montant de l’investissement et des travaux, le duo, en couple dans la vie également, se porte acquéreur et commence les travaux en février 2019. Fort de ses 39 chambres, le domaine a ouvert ses portes à une clientèle chic mais pas guindée en mai 2021. «C’est une maison d’eau qui ne se prend pas au sérieux. Primard est conscient de son histoire mais s’en amuse et se moque des codes en les twistant d’une bonne dose d’espièglerie, avec des ruptures ludiques qui viennent casser son classicisme», revendique Guillaume Foucher.
Les œuvres présentes dans chacune des pièces s’inspirent évidemment de la nature et confrontent les points de vue. Les dessins du XVIIIe siècle voisinent avec des gravures de roses de Pierre-Joseph Redouté, les photographies d’artistes contemporains dialoguent avec les dessins de jeunes artistes illustrateurs naturalistes, comme Valentine Plessy et Thibaut Dapoigny, ou les compositions d’herbiers de Stéphanie Montagut. Dans une des pièces, des dizaines de (faux) escargots se prélassent sur les murs… tout naturellement. Plus loin, le salon aux champignons accueille des dessins d’Ethan Murrow. «On a tiré le fil des champignons, car en visitant le domaine j’ai retrouvé un champignon en béton datant du XIXe siècle», illustre en souriant le copropriétaire. Dans le passage qui débouche sur la terrasse donnant sur l’Eure, un plafond suspendu de fleurs séchées.

Des grands noms pour faire renaître le domaine
Pour réussir la renaissance de Primard, Biousse et Foucher ont fait appel à des complices talentueux. Une savante alliance entre grandes maisons françaises (Pierre Frey, Gien, Faïencerie de Charolles, Maison Sarah Lavoine, Maison Louis Drucker), artisans (Pascal Oudet pour les créations en bois, Cara Janelle pour l’art de la table) et artistes (suspensions par Paola Paronetto ou Chiaramonte Marin…). «Œuvres contemporaines, objets chinés ou sur-mesure assurent le juste équilibre entre respect du patrimoine et audace créative», résume Guillaume Foucher. Ainsi, dans le boudoir vert qui faisait office de salon horticole à l’époque, on consulte à l’envi des livres sur les plantes avec une vue sur les jardins.
Les jardins de Primard sont en fait le pré carré de Gérard Germaine, le jardinier en chef de la propriété dans la place depuis seize ans. Aujourd’hui âgé de 67 ans, il a donc travaillé de concert avec Catherine Deneuve mais ne souhaite (ou ne peut) pas en dire plus. La célèbre actrice et les propriétaires actuels ont conclu un pacte dans lequel ces derniers s’engagent à ne pas se servir de la notoriété de la première pour faire fructifier leur affaire. Avec sa frêle allure et son chapeau de jardinier que l’on voit dépasser des buis dès que l’on tourne la tête, Gérard respecte les consignes et préfère parler de Jacques Wirtz. «C’est ce paysagiste internationalement renommé et auteur notamment des jardins du Carrousel du Louvre et des Tuileries qui a dessiné les plans du parc il y a trente ans», insiste-t-il.

Au fil des 40 hectares de la propriété, des buis, des hêtres, des acacias… Un arboretum et une roseraie de 350 variétés (surtout anciennes) imaginés par l’actrice. Même si aujourd’hui certains rosiers ne fleurissent plus, ils continuent de dégager des senteurs fortes qui se mêlent aux odeurs de tilleul brassées par le vent. A Primard, on croise également des animaux. Des poules, des vaches, des ânes… qui font la joie des petits et des grands. Au détour du potager, conduit en permaculture par Gérard, le jardinier historique du domaine donc, on surprend les commis de cuisine en pleine cueillette de légumes de saison, de fruits et d’herbes fraîches. Des personnages supplémentaires qui définitivement trouveraient toute leur place dans une partie de Cluedo grandeur nature !
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