C’était il y a seulement soixante ans : les Françaises accédaient enfin légalement à l’indépendance financière. Le 13 juillet 1965, la loi réformant les régimes matrimoniaux leur accordait deux droits fondamentaux : celui d’exercer une activité professionnelle et celui d’ouvrir un compte bancaire sans l’autorisation de leur mari. A l’occasion de cet anniversaire, de nombreuses études illustrent les progrès réalisés en un peu plus d’un demi-siècle.

Il reste toutefois bien du chemin à parcourir : «Si 70% des Français se déclarent financièrement autonomes, seules 63 % des femmes partagent ce sentiment, contre 77% des hommes», note l’étude «Les Françaises et leur émancipation financière en 2025» de Forvis Mazars et Financi’Elles, réalisée avec le CSA. Dans le même sens, seul un Français sur deux (hommes et femmes confondus) considère que l’indépendance financière des femmes est aujourd’hui acquise, et seulement 34% des femmes, selon une étude Ifop réalisée par La France Mutualiste, en partenariat avec Bpifrance Le Lab, publiée le 7 juillet dernier.

Un niveau qui progresse en connaissances financières…

En revanche, les femmes estiment avoir de meilleures connaissances financières, avec des résultats proches de ceux déclarés par les hommes : 78% des répondants disent avoir une bonne connaissance du fonctionnement d’un crédit, par exemple, dont 76% des femmes et 80% des hommes. De même, 77% des sondés affirment avoir un bon niveau de connaissance des principes de l’épargne : 74% chez les femmes, et 79% chez les hommes.

Cependant, en matière de connaissance des principes d’investissement financier, l’écart est plus marqué : 44% des femmes s'estiment compétentes, contre 57% des hommes, mais «les femmes s'autoévaluent de façon plus sévère, il y a peut-être une sous-estimation de leur capacité, mais aussi sans doute, un réel déficit de connaissance, liée à une moindre pratique de l'investissement», analyse Isabelle Le Bot, directrice générale de La France Mutualiste.

…mais qui n'aide pas les femmes à investir davantage

On constate en effet qu'en termes d'équipements financiers, les Françaises ont tendance à se concentrer sur les produits sans risques, comme les livrets réglementés (Livret A, LDDS, LEP…). Elles sont moins nombreuses à investir en assurance vie (-7 points par rapport aux hommes) ou dans un plan d'épargne en actions (-9 points). «Les femmes investissent moins que les hommes, et quand elles le font, elles privilégient les livrets ou les investissements sans risques, ainsi, elles se privent de produits potentiellement plus rémunérateurs, ce qui creuse l'écart patrimonial», note Adeline Lemaire, directrice exécutive Fonds de fonds de Bpifrance.

Comment progresser sur ce point en particulier ? Pour Insaff El Hassini*, autrice du livre Aux Thunes, Citoyennes !, il faut avant tout s'attaquer à l'inégalité salariale entre et femmes : «La majorité des femmes qui n’investissent pas ne le font pas par manque d’intérêt, mais par manque de moyens», rappelle-t-elle. Pour aller sur ces placements plus risqués, «il faut en effet avoir déjà mis de côté une épargne de précaution et donc avoir des revenus suffisants», abonde Isabelle Le Bot. Pour mémoire, selon l’Insee, dans le secteur privé, en 2023, le revenu salarial moyen des femmes est inférieur de 22,2% à celui des hommes.

Première étape, donc : «Avoir de quoi investir. Et le plus puissant levier pour cela, c’est souvent la négociation salariale ou la revalorisation de vos tarifs si vous êtes indépendantes. Apprenez à déterminer le juste prix de vos compétences ou de vos prestations, apprenez à négocier, défendre vos intérêts financiers et revendiquer un juste retour des choses», conseille Insaff El Hassini. Ensuite, se constituer un filet de sécurité. «Concrètement, cela signifie mettre de côté l’équivalent de 3 à 6 mois de vos dépenses fixes, pour pouvoir faire face aux aléas de la vie», poursuit l'autrice. Enfin, se former : «Investir ne nécessite pas un doctorat en finance, rassure l'experte, mais il est essentiel de maîtriser les bases : connaître les grandes classes d’actifs, comprendre les risques et savoir ce que vous attendez réellement d’un placement. Livres, podcasts, ateliers ou formations en ligne, les ressources spécialement dédiées aux femmes sont nombreuses et accessibles».

*Femme Forbes 2025, Experte en négociation de rémunération, Fondatrice Ma Juste Valeur® et autrice de «Aux Thunes, Citoyennes !» (éditions Alisio, 256 p.) et «50 phrases pour négocier votre prochaine augmentation» (éditions First, 160 p.).