
Est-ce le parfait exemple de la fausse bonne idée ? Depuis l'automne 2019, tous les particuliers peuvent souscrire un plan d'épargne retraite (PER), un produit d'épargne qui leur permet de mettre de côté pour leurs vieux jours. Son désavantage ? Il s'agit en principe d'un produit tunnel, autrement dit, impossible de récupérer tout ou partie de son capital avant le départ à la retraite. «En principe» seulement, car des cas de déblocage anticipé sont prévus, en cas de décès, d'invalidité, de surendettement.. Soit uniquement des cas de figure assez douloureux, à l'exception d'un : vous pouvez aussi débloquer votre PER pour financer l'achat de votre résidence principale.
Un argument de taille pour attirer notamment de jeunes épargnants qui pourraient craindre que ce produit d'épargne soit bloqué jusqu'à leur retraite, leur empêchant tout projet intermédiaire, et en particulier celui de devenir propriétaires. Toutefois, cette possibilité est à manier avec précaution, notamment pour ne pas alourdir sa facture fiscale ! Il faut en effet rappeler que le PER vous permet aussi tous les ans de déduire - jusqu'à un certain plafond - vos versements de votre revenu imposable. Un abattement fiscal qui vous octroie donc une économie d'impôt appréciable, mais qui peut être balayée en cas de retrait (ou «rachat») pour financer votre acquisition immobilière.
Attention en cas de retrait d'un montant conséquent en «one shot»
En effet, «l’acquisition de la résidence principale implique le retrait d’une somme potentiellement importante en une fois», rappelle Gilles Belloir, directeur général de Placement-direct.fr. Or, cette somme importante va s'ajouter à vos revenus imposables de l'année. «Le risque est alors de voir votre taux marginal d’imposition (TMI) grimper à un niveau supérieur à ce qu’il était au moment de vos versements déductibles», ajoute notre chroniqueur. Une bien mauvaise affaire en somme !
Pour illustrer cet effet indésirable, prenons deux exemples. Dans le premier, un épargnant souscrit un PER sur lequel il verse en plusieurs fois un total de 40 000 euros. Avec des revenus de 70 000 euros par an, il se trouve dans la TMI à 30% (qui s'applique entre 29 316 euros et 83 823 euros de revenus). Ainsi, sur ces 40 000 euros de versement, son économie d'impôt est de 12 000 euros (40 000 x 30%). Pour réaliser son achat immobilier, il décide de débloquer son PER pour retirer l'intégralité du capital versé, soit 40 000 euros (nous ne prenons pas en compte ici les plus-values éventuelles générées par ce capital). Cette somme s'ajoute donc à son revenu imposable, qui passe de 70 000 à 110 000 euros
Ainsi, cet épargnant bascule pour sa part de revenu comprise entre 83 823 euros et 110 000 euros à la tranche supérieure, à 41%. Cette tranche s'applique sur les 26 177 euros compris entre 83 823 euros et 110 000 euros, soit un impôt de 10 733 euros (26 177 x 41%), qui s'ajoute aux 13 823 euros du retrait imposés à 30%, soit 4 147 euros d'impôt. Au total, cet épargnant devra s'acquitter de 14 879 euros d'impôt sur le revenu pour ce seul rachat, soit davantage que les 12 000 euros qu'il avait pu économiser grâce à l'avantage fiscal du PER. Sa perte fiscale s'élève donc à 2 879 euros.
Il faut limiter son retrait au montant qui vous sépare de la tranche d'imposition supérieure
Afin de ne pas basculer dans la tranche supérieure, il faut donc veiller à ne pas trop retirer de votre PER. Prenons l'exemple du même épargnant, avec les mêmes revenus (70 000 euros) et les mêmes versements (40 000 euros). Pour rester dans la tranche à 30%, il faut que ses revenus de l'année - retrait compris - demeurent sous les 83 823 euros. On prend donc ce plafond à ne pas dépasser auquel on soustrait ses revenus annuels (70 000 euros). On obtient ainsi 13 383 euros, ce qui correspond au montant qu'il est possible de retirer de son PER et d'ajouter à ses revenus sans basculer dans la tranche à 41%. Bien sûr, ces 13 883 euros seront imposés à 30%, mais cela ne représente «que» 4 015 euros d'impôt pour ce rachat.
Comme on le voit, pour ne pas risquer de payer davantage d'impôts que vous n'en avez économisés, le retrait doit se limiter à un montant restreint, insuffisant ici même pour un apport personnel. Par conséquent, «cette liberté offerte par le PER doit être utilisée avec des pincettes. Elle doit s’envisager comme une souplesse durant la vie du contrat et non comme une stratégie patrimoniale lors de l’adhésion», conclut Gilles Belloir.




















