
Ils n’étaient pas faits pour s’entendre. Mardi 13 mai, lors d’une émission spéciale sur TF1, la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet et Emmanuel Macron se sont affrontés sur la politique industrielle française. Un débat qui touche les travailleurs comme les consommateurs, car parmi les questions sensibles posées au président de la République, il y avait celle-ci : l’Etat va-t-il imposer à Renault et Stellantis de produire en France des voitures électriques à prix accessible ? C’est-à-dire «pas à 35 000 euros», s’est permis de glisser le présentateur Gilles Bouleau. Notre confrère serait tombé de sa chaise en lisant notre baromètre du prix des voitures neuves car le constat est bien pire : le prix catalogue moyen des modèles électriques dépasse les 42 000 euros en ce début d’année 2025…
Alors, où sont passées les voitures électriques abordables ? Sur ce sujet complexe, Sophie Binet et Emmanuel Macron ont multiplié les imprécisions. «Renault vient de fermer la ligne de production de la Zoe à (l’usine de) Flins», s’est indignée Sophie Binet. «Elle vient de partir en Roumanie», a-t-elle ajouté. Malheureusement, la secrétaire générale de la CGT s’est emmêlée les pinceaux sur ce point. Citadine électrique emblématique lancée en 2012, la Renault Zoe a effectivement été arrêtée à Flins (son unique site de production) en 2024 mais elle n’a pas été délocalisée. Le modèle a tout simplement disparu du catalogue Renault après deux décennies de belle carrière, le groupe français souhaitant privilégier le lancement d’une nouvelle citadine à batterie, la R5 électrique.
Emmanuel Macron passe sous silence les difficultés des gigafactories
A la décharge de Sophie Binet, les exemples de délocalisations ne manquent pas dans l’automobile. Surtout en ce qui concerne les petites voitures. Chez Renault, la future Twingo électrique, attendue pour 2026, est conçue en partie en Chine et sera fabriquée en Slovénie, pour garantir un prix inférieur à 20 000 euros. Chez Stellantis, la Peugeot e-208 est fabriquée en Espagne. Relocaliser l’e-208 était un cheval de bataille de l’ex-ministre de l’Economie Bruno Le Maire, ce que n’a jamais voulu faire l’ex-directeur général de Stellantis Carlos Tavares. Une étude de 2024 signée par la Fondation pour la nature et l’homme et l’Institut Mobilités en Transition montrait pourtant qu’une citadine électrique made in France et abordable était possible ! Parmi les auteurs du rapport, Jean-Philippe Hermine, un ancien dirigeant de Renault…
«La Renault 5 électrique, elle est (fabriquée) en France», a rétorqué Emmanuel Macron lors de l’émission. Ce modèle best-seller, qui incarne les récents succès de Renault, est effectivement fabriqué à l’usine de Douai (Nord) depuis 2024. Pour l’instant, le modèle est disponible à partir de 28 000 euros (hors bonus écologique) mais la version à 25 000 euros doit être lancée courant 2025. On peut toutefois se demander si cette citadine électrique ne va pas être une exception dans le paysage français. «Au moment où je vous parle, dans les Hauts-de-France, on a ouvert plusieurs gigafactories de batteries», s’est aussi défendu le président. Sur ce point, Emmanuel Macron embellit un peu les choses. Car le patron de la gigafactory ACC à Douvrin a récemment appelé à l’aide les pouvoirs publics devant les difficultés de démarrage : «À très court terme, il nous faut donc un dispositif d’aides, avec des versements de financements pour les industriels en phase d’amorçage de production», a réclamé Yann Vincent en mars, après la faillite de son rival Northvolt.
Au-delà de l’automobile, Sophie Binet a évoqué plusieurs dossiers épineux en cours dans l’industrie : la suppression de 600 postes projetée par ArcelorMittal, la vente de la maison mère du Doliprane à un fonds américain ou encore la liquidation de l’entreprise chimique Vencorex. Autant d’exemples qui ont rappelé récemment la fragilité du tissu industriel français. Sophie Binet a réclamé un moratoire sur les plans sociaux. Une proposition sans surprise écartée par Emmanuel Macron, qui a évoqué des travaux au niveau européen pour protéger les entreprises de la concurrence étrangère déloyale.



















