
Actualisation du vendredi 13 juin : Cette interview a été réalisée plusieurs semaines avant le décès de Benoît Jaubert, directeur général d’Optic 2000, survenu le 28 mai 2025. Dans un communiqué, l’entreprise a rendu hommage à un dirigeant «profondément engagé et humain», qui incarnait «une vision exigeante et bienveillante».
Comme les autres enseignes d'optique, la marque Optic 2000 a décidé de se lancer dans le secteur des appareils auditifs. Et elle investit aussi dans des start-up prometteuses. Le détail de ces initiatives avec Benoît Jaubert, le directeur général du groupement.
Capital: Les porteurs de lunettes ont-ils dû composer avec l’inflation ?
Benoît Jaubert: Quasiment pas ! Alors qu’au plus fort de la période inflationniste la hausse globale des prix a pu avoisiner 5 à 6% par an, le prix de nos équipements n’a augmenté que de 1 à 2% sur la même période. On a tout fait pour tirer les tarifs vers le bas. Le reste à charge a suivi à peu près la même évolution, mais il ne dépasse pas 50 euros chez 36% de nos clients. C’est la force de notre modèle, car, avec les 2 117 magasins de notre groupement (incluant le réseau Lissac et la centrale d’achat pour opticiens indépendants Gadol, NDLR), nous négocions avec les verriers, les fabricants de montures ou de lentilles.
Comme les autres enseignes, vous vous développez aussi en audioprothèse ?
Ce marché avait doublé en 2021, grâce à la mise en place du 100% santé en audio. Il reste toujours à de bons niveaux, même s’il a légèrement décru l’an passé, à surface de vente constante. Le délai de renouvellement de ces prothèses est de quatre ans, l’activité devrait donc repartir dès 2025. Nous souhaitons mettre en synergie les activités optique et audio, et passer de 267 points de vente audio aujourd’hui à 600 à l’horizon 2030.
A terme, les équipements optiques et audio pourraient-ils converger ?
Dès cette année, nous allons participer au lancement de Nuances audio, en collaboration avec EssilorLuxottica. Il s’agit d’une monture équipée d’amplificateurs installés dans les branches, qui s’adresse aux 55-60 ans. Cette aide auditive leur permettra par exemple d’aller au restaurant et d’avoir des conversations en limitant le bruit autour d’eux. Elle constituera aussi une transition douce vers un véritable appareillage.
Et les lunettes connectées, vont-elles devenir une réalité ?
Oui, par exemple avec les Ray-Ban Meta, dont les ventes accélèrent depuis fin 2024. Elles intègrent des fonctionnalités d’intelligence artificielle et permettent de faire des photos et des vidéos, de converser et d’accéder à un service de traduction. On peut aussi leur demander des renseignements sur ce que l’on a devant ses yeux. Conçues par EssilorLuxottica, ces lunettes constituent une option plus crédible que les Google Glasses. Nous en sommes le plus grand réseau de distribution en France.
D’autres inventions pourraient-elles révolutionner votre secteur ?
Oui, comme celle de la start-up Artha, dont nous sommes actionnaires : elle a conçu des lunettes pour malvoyants, dotées d’une caméra qui transmet les vidéos filmées à une ceinture haptique, disposée autour de la taille. L’envoi d’influx électriques, qui remontent jusqu’au cerveau, permet ensuite de restituer au malvoyant 80% de ce qu’il a devant les yeux. Il y a tout un travail de fiabilisation et de miniaturisation à terminer, mais nous devrions passer à la phase de commercialisation en septembre. On compte plus de 2 millions de malvoyants en France.
Et du côté de la seconde main ?
Avec notre programme Revue, nous proposons déjà de réparer les lunettes cassées et de collecter les vieilles lunettes dans des urnes en magasins. Plus de 20 tonnes de montures sont ainsi recyclées chaque année ! Pour les solaires, nous avons développé une offre reconditionnée, à 50% du prix du neuf, dans un choix de 16 à 32 montures. Près de 35% de nos opticiens sont déjà engagés dans le déploiement d’un tel corner d’occasion. On aimerait désormais le faire en optique, mais on attend toujours la publication des textes réglementaires, en application d’une loi pourtant votée… fin 2019. Ce retard est d’autant plus regrettable que 40% des consommateurs sont prêts à passer à la seconde main pour leurs montures en optique.
Vous engagez-vous sur le made in France ?
Nous faisons tout pour favoriser la production française. Dans le cas des verres progressifs, plus de la moitié de nos volumes sont fabriqués en France par nos partenaires tels Nikon, Zeiss ou EssilorLuxottica, que ce soit à Fougères, Dijon, Wissous ou encore Provins. Pour les verres unifocaux, c’est plus compliqué, et la part de production en France n’est pas très significative. Sur la partie montures, l’Asie reste le plus gros pourvoyeur. Mais sur nos marques propres, comme Ici&Co, 12% des montures sont fabriquées en France, à Nantes ou Oyonnax, et cette proportion devrait grimper à 20 ou 30%. Et nous avons de nombreuses marques partenaires, comme Julbo ou Roussilhe, qui parient aussi sur la réindustrialisation !
La rencontre qui a changé le cours de votre carrière ?
Celle avec Richard Branson, alors qu’il était actionnaire d’Eurostar, au lancement de la liaison transmanche. J’étais jeune chef de projet, en charge de la distribution des billets. J’ai alors rencontré Richard Branson deux fois, avant de beaucoup travailler avec ses équipes. Il a un mode de management très en proximité : il organise chaque année une fête chez lui, à laquelle il convie tous ses collaborateurs, qu’il accueille individuellement. J’ai été très touché par cela. Et c’est aussi un entrepreneur qui pense «out of the box», avec une vraie vision. Il venait d’ailleurs de lancer, au même moment que son investissement dans le rail, sa compagnie aérienne, Virgin Atlantic. Une telle personnalité, cela vous marque !
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