
Paris-New York en moins de quatre heures contre huit actuellement, Zurich-Philadelphie ou San Francisco-Séoul en moins de cinq heures… En 2050, l'avion supersonique planera à nouveau au-dessus de nos têtes. Alors que le dernier vol du célèbre Concorde a eu lieu en novembre 2003, il y a plus de vingt ans déjà, jamais l’industrie aéronautique civile n’a semblé si proche de repasser le mur du son. L’«Oiseau blanc», opéré par Air France et British Airways uniquement et capable d’atteindre la vitesse commerciale de 2 179 km/h, a vu son horizon s’obscurcir après la catastrophe de Gonesse en 2000 et ses 113 morts dans le crash du vol AF 4590 reliant Paris à New York, peu après le décollage de Roissy. Depuis, un exemplaire stationne comme une pièce de musée au bord d'une piste de l'aéroport parisien. Pendant ce temps, aux Etats-Unis, son successeur est en train de pointer le bout de son nez profilé.
C’est en Caroline du Nord, à Greensboro, au milieu de la côte Est, qu’une start-up américaine du nom de Boom est en train de ressusciter le vol supersonique. Elle a inauguré, l'an dernier, sa première chaîne de montage «à 6 milliards de dollars» sur l’emprise d’un aéroport international. La société promet « une capacité de production de 33 avions par an » dans sa super factory qui pourrait créer «2400 emplois au cours des 20 prochaines années», selon ses dirigeants, qui ont déjà réalisé un vol inaugural en mars 2024.
"Notre avion est en bonne voie pour obtenir sa certification d’ici 2030"
Ce premier modèle baptisé XB-1 n’a encore rien en commun avec les jolies maquettes développées sur ordinateur par les concepteurs de l’Overture, ce modèle de 61 mètres de long, capable de voler à 60 000 pieds (18 000 mètre d’altitude) qui est censé être mis en service en 2029 selon Boom. Mais c’était la première fois depuis 1947 qu’un aéronef civil américain franchissait le mur de son (Mach 1, soit 1234 km/h). L’administration Trump vient d’ailleurs de publier un décret levant l’interdiction des vols civils supersonique, dispositif qui était en vigueur depuis 52 ans.
Certes il n’est pas question de pousser les performances de l’avion à son maximum au-dessus du territoire américain, mais bien de pouvoir voler en vitesse de croisière à Mach 1,3 (environ 1600 km/h), soit 50% plus vite que n’importe quel avion civil du moment. Un mode qui permet d’alléger considérablement le vacarme du mur du son pour les Terriens. « A cette vitesse, on traverse les Etats-Unis, de Los Angeles à Washington D.C en 3 heures 15 minutes contre 4 heures 30 minutes actuellement », pointe un spécialiste de l’aérien. « Notre avion est en bonne voie pour obtenir sa certification d’ici la fin de la décennie, ce qui lui permettra de transporter des passagers. D’ici 2050, nous aurons bénéficié des avantages du vol supersonique pendant 20 ans déjà », indique à Capital un porte-parole de Boom.
Mais qui seront les clients de ces avions ultra-rapides ? « Nous avons conçu Overture pour qu’il soit rentable pour les compagnies aériennes, à des tarifs similaires à ceux de la première classe et de la classe affaires. Et cela sur des centaines de lignes transocéaniques puisque nous avons identifié plus de 600 lignes rentables à travers le monde. Nous avons fait un sondage auprès d’une clientèle aisée, l’étude indique que 87% des passagers premiums sont prêts à changer de compagnie pour accéder à un vol supersonique », poursuit-on chez Boom.
Un carnet de commandes de 130 exemplaires déjà
Cette clientèle aisée, de loisirs ou de voyage d’affaires, est clairement dans la cible des compagnies aériennes. D’ailleurs, trois d’entre-elles ont déjà commandé ou pré-commandé le futur Overture de Boom. « Notre carnet de commande s’élève à 130 appareils, incluant les signatures d’American Airlines, United Airlines et Japan Airlines. Ce chiffre représente les cinq premières années de production pour la super factory », précise-t-on chez le constructeur.
Mais combien paieront vraiment ces clients privilégiés ? Si l'équation économique d'un tel service s'annonce encore incertaine, dans les années 1990, un aller-retour à bord du Concorde coûtait plus de 10 000 dollars (soit près de 8 800 euros), contre un peu plus de 4 000 dollars – 3 500 euros – estimés pour un trajet entre New-York et Londres à bord de l'avion produit par Boom.
Avec sa cabine pouvant accueillir entre 64 et 80 passagers maximum, l’Overture de Boom ne sera pas un avion de grande capacité, mais il promet une expérience inédite. « Pour rentabiliser un avion de ce type, cela voudrait dire que l’on aurait des prix de billets plus chers que la classe affaires, estime Paul Chiambaretto, professeur à Montpellier Business School et directeur de la chaire Pégase sur l’économie et le management du transport aérien. Si le défi technologique est intéressant, sera-t-il compatible avec les objectifs de réduction de CO2 que s’impose l’industrie ? ».
Chez le constructeur américain, on avance que ses futurs moteurs devraient être 100% compatibles avec les carburants durables (SAF) qui commencent à être intégrés par petite dose sur les avions de ligne d’Airbus et Boeing. Seulement, leur coût exorbitant par rapport au kérosène freine le développement des SAF. Or il en faudra une sacré quantité pour faire traverser les Océans à l’Overture, ce qui pourrait encore alourdir la facture des passagers.
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