Des pêcheurs utilisant de la dynamite au large du Sri Lanka. D’autres prélevant au-delà de leur quota dans les eaux de la Bretagne. Ou capturant des espèces avant qu’elles se reproduisent, dans le Golfe de Guinée. Ils participent tous à ce que l’on appelle la pêche INN : illicite, non déclarée et non réglementée. 26 millions de tonnes de poissons seraient ainsi prélevées frauduleusement chaque année dans l’océan, soit 11 à 19% de la production mondiale.

Un fléau qui appauvrit les ressources, détruit les emplois locaux et menace l’avenir de la planète. Il représenterait également un manque à gagner de 11 à 23 milliards de dollars pour le marché de la pêche. Alors, la Fondation de la mer tape du poing sur la table avec un rapport épais sur le sujet, publié ce jeudi 7 novembre. Elle y pointe de nombreux dysfonctionnements :

La difficile mise en place d’une gouvernance mondiale crée un environnement propice à la pêche clandestine, où les navires profitent des failles dans les réglementations, de l’absence de surveillance, de la menace ou de la corruption.

Un trafic qui rapporte entre 11 et 23 milliards aux réseaux criminels

S’il existe bien une gouvernance de la pêche via la Food and Agriculture Organization (FAO) et les organisations régionales de gestion des pêches (ORGP), les accords internationaux négociés ne sont pas forcément signés ni ratifiés par tous les Etats. Pour ne rien arranger, certains de ces pays ne disposent même pas d’une législation nationale de la pêche. Il est donc très facile de contourner la réglementation. Sans parler des pavillons de complaisance qui permettent de s’enregistrer dans des Etats peu regardants.

Et en plus les contrevenants risquent peu : l’océan est vaste et difficile à contrôler. Sans compter que la pêche illégale est très rentable, rapportant donc entre 11 et 23 milliards de dollars par an, davantage même que le marché des armes légères. Enfin, les réseaux criminels mutualisent trafic de poissons, de drogue et d'êtres humains qui transitent sur les mêmes bateaux. En Afrique du Sud, les trafiquants échangent ainsi des ormeaux, contre de la drogue.

Les pays les plus impliqués sont, largement en tête, la Chine, puis l'Indonésie, le Pérou, la Russie, les Etats-Unis, l'Inde et le Vietnam. Et parmi les espèces les plus volées, figurent l’anchois, le thon Listao et le lieu d’Alaska. Mais l’Europe n’est pas forcément exemplaire, pas plus que la France, où les pratiques de pêche illégales aussi subsistent.

S'inspirer de la chute d'Al Capone

La meilleure arme, pour la Fondation de la mer, serait d’adopter ce qu'elle appelle la méthode Al Capone. De la même manière que le gangster était tombé pour fraude fiscale et non pour ses crimes mafieux, il serait possible d’attaquer la pêche INN de façon indirecte. Notamment en se concentrant sur les conditions de vie et de sécurité des équipages, dont les membres sont parfois réduits à l’esclavage et souvent maltraités physiquement.

Il faudrait aussi en passer, par exemple, par la vérification des captures et des débarquements des bateaux, ou encore l’obligation pour chaque navire de pêche de disposer d’un numéro d'identification unique pour un meilleur suivi. Il y a urgence : les poissons, crustacés et mollusques apportent 20% des protéines consommées de 3,2 milliards de personnes dans le monde. Leur disparition pour cause de surexploitation mettrait ces populations en péril.