Ils sont des salariés pas tout à fait comme les autres. Derrière les murs hautement sécurisés des prisons françaises, si la grande partie des détenus purge leur peine sans réelle activité, d’autres, eux, travaillent au sein de l’établissement pénitentiaire dans lequel ils se trouvent. Ainsi, près de 30 % d’entre eux travaillent en prison, en étant pour la plupart directement employés par l’administration pénitentiaire. Leurs tâches peuvent alors être diverses au sein des établissements : blanchisserie, nettoyage, réparation, etc. Mais dans des cas plus rares, certains détenus peuvent également être salariés pour des entreprises extérieures qui viennent directement s’implanter à l’intérieur de ces murs d’enceinte.

Véritable pratique qui permet d’être un levier pour une réinsertion future des prisonniers et ainsi tenter de lutter contre la récidive, il existe néanmoins une ombre au tableau. En effet, comme le rapporte BFMTV, aujourd’hui, la liste des détenus qui souhaitent travailler est bien plus grande que le nombre de places disponibles. Pour tenter de pallier ce phénomène, le ministère de la Justice a donc eu une idée pour le moins originale en recrutant dix commerciaux du secteur privé avec pour mission de démarcher les entreprises en quête de main-d’œuvre. «Nos commerciaux sont postés partout en France. Leur mission c’est d’aller vers des secteurs en tension dans le bassin d’emploi pour que les détenus acquièrent des compétences qui puissent être valorisables à l’extérieur», explique Chloé Cahuzac, adjointe au chef du service emploi à l’Atigip (agence du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle des personnes sous main de justice).

Un salaire avantageux pour les entreprises

Il faut dire que pour les entreprises, employer des personnes en détention est un véritable enjeu économique. Leur rémunération minimale étant égale à 45 % du SMIC, pour les entreprises, cette main-d’oeuvre est «une opportunité de flexibiliser le travail et de maximiser leurs rendements à moindre coûts», selon Julien Fischmeister, un représentant de l’OIP (Observatoire international des prisons). Un salaire certes plus faible, mais justifié au vu des coûts inhérents au fait de s’implanter en prison, plaide de son côté Chloé Cahuzac. «L'entreprise doit adapter sa production aux horaires d'ouverture de l'atelier, les marchandises doivent être inspectées, il y a le temps perdu lors des entrées et sorties… », explique-t-elle.

Tandis que certains plaident pour un rapprochement «avec le droit commun» avec une juste rémunération comme tous les travailleurs, face à cette demande, le ministère de la Justice objecte et met en avant l’exemple italien. En effet, chez nos voisins, l’augmentation des salaires des détenus a été à double tranchant et s‘est traduite «par une chute du nombre d’entreprises qui travaillent avec le pénitentiaire», pointe du doigt la représentante.

La réticence de certaines entreprises

Alors qu’aujourd’hui, ce sont pas moins de 400 entreprises qui travaillent en collaboration avec les services pénitentiaires pour 20 000 employés, les organisations patronales à l’instar du Medef ou de la CPME ont également été sollicitées pour trouver des entreprises souhaitant travailler avec lui. Pour autant, la tâche s’avère compliquée en raison d’une certaine réticence de celles-ci. «Évidemment, il y a des appréhensions. Notre rôle est aussi de déconstruire l’image qu’ils se font de la détention, c’est un travail de fond», poursuit Chloé Cahuzac.

Si aujourd’hui, le monde carcéral est confronté à une véritable surpopulation, l’administration pénitentiaire parvient tout de même à mettre à disposition des espaces pour les entreprises qui ont simplement besoin de venir installer leurs machines-outils. Mais voilà, bien souvent, le monde de la prison et celui de l’entreprise viennent s’entrechoquer et l’alchimie ne prend pas. «Beaucoup n’arrivent pas à suivre le rythme. Parmi les détenus, il y a énormément de personnes atteintes de troubles psychologiques, il y a les effets des médicaments ou des stupéfiants...», note Julien Fischmeister.