A partir du 1er septembre 2025, tous les salariés et fonctionnaires d’au moins 60 ans devraient pouvoir profiter de la retraite progressive. Pour mémoire, ce dispositif permet de réduire son temps de travail tout en touchant une partie de sa pension. Cette mesure devait aussi réparer une injustice : celle de la réforme des retraites de 2023, qui avait relevé l’âge d’accès à la retraite progressive de 60 à 62 ans. Mais au terme de plusieurs semaines de négociations, les partenaires sociaux – CFDT, FO, CFTC, et Medef – ont obtenu un retour à l’âge de 60 ans, dans le cadre de l’Accord national interprofessionnel (ANI) signé à l’automne 2024. Une avancée saluée notamment par la CFDT, qui a mis la pression pour que cette ouverture bénéficie non seulement aux salariés du privé et aux agents de la fonction publique d’Etat (FPE), mais aussi, dans un second temps, aux deux autres versants de la fonction publique (hospitalière et territoriale).

La retraite progressive accessible à tous, donc… ou presque. Car «si elle deviendra un droit pour tous les salariés éligibles, le passage à temps partiel, lui, ne le sera pas», alerte Sandrine Mourey, chargée de la négociation collective et de la démocratie sociale à la CGT, qui a d’ailleurs refusé de signer l’accord. Et c’est là que le bât blesse. Car pour profiter de la retraite progressive, encore faut-il pouvoir passer à temps partiel. Or cette réduction du temps de travail reste soumise à l’accord de l’employeur.

Le refus du temps partiel plus dur à justifier

Contacté par Capital, le Medef assure avoir bien anticipé cet écueil. Raison pour laquelle «[ils ont] précisé les conditions de refus par l’employeur, en les objectivant au maximum», explique l’organisation patronale. Ainsi, le refus devra désormais être motivé par des arguments précis, qu’il s’agisse d’une retraite progressive ou de toute autre demande de temps partiel. Mais pour la CGT, ces garanties sont encore bien trop légères. «Ils pourront facilement invoquer le caractère indispensable du poste, ou bien une hausse d’activité nécessitant le maintien du salarié à temps plein», déplore Sandrine Mourey. Lors des négociations de l’ANI en novembre dernier, le syndicat de travailleurs avait pourtant tenté d’introduire un droit opposable au temps partiel de 4 jours par semaine, avec un délai de six mois pour permettre à l’employeur de s’adapter. «Mais cela a été refusé», regrette la responsable syndicale.

Rien de bien surprenant à cela. Car pour le syndicat patronal, la coercition n’est pas forcément la voie à suivre : «Comme souvent, les solutions générales, toutes faites, qui s’imposent aux acteurs ne nous semblent pas souhaitables», avance-t-on au Medef. Nous croyons aussi au double volontariat dans ce cadre en matière d’aménagement du temps de travail.» Comprendre : l’aménagement du temps de travail ne peut pas relever du seul choix du salarié.

La retraite progressive ne bénéficiera-t-elle qu’aux salariés des grandes entreprises ?

Résultat, selon la CGT, «les salariés qui en bénéficieront seront surtout ceux des grands groupes, qui mettent déjà en place des dispositifs d’aménagement de fin de carrière», avertit Sandrine Mourey. Et pour cause : ces entreprises disposent en général d’accords collectifs favorables et de politiques internes déjà rodées en matière de fin de carrière. Ainsi, la mise en place d’un passage à temps partiel y est facilitée. D’autant que dans ces grandes structures, la charge de travail des partants peut plus aisément être absorbée par les autres membres de l’équipe. A l’inverse des TPE ou PME, où chaque départ nécessite des réorganisations.

Raison de plus pour laquelle au sein de ces petites entreprises, parfois dépourvues d’accords collectifs et de représentation syndicale, les marges de manœuvre pour négocier un temps partiel sont plus réduites. «Malheureusement, les salariés dans des entreprises de moins de 200 ou 300 personnes – où la présence syndicale est plus faible et le rapport de force plus déséquilibré – n’auront pas davantage accès à la retraite progressive. Ni avant, ni après le projet de loi», assure la syndicaliste. «Rien n’empêche un salarié de réitérer sa demande de retraite progressive en cas de refus», rétorque le Medef. Si vous êtes salarié d’une petite entreprise, votre persévérance pourrait donc bien être votre seul espoir d’accéder à la retraite progressive.