Malgré un report de l’annonce des mesures de la réforme des retraites au 10 janvier, l'exécutif montre qu’il maintient toujours le cap. Le ministère du Travail a communiqué, ce lundi 12 décembre, un document sur le 3e cycle de concertation axé sur l’équilibre du régime. Il y réaffirme d’abord que “le système de retraite sera déficitaire au cours des 25 prochaines années, quelles que soient la convention, les hypothèses de productivité ou de chômage retenues”. Pour faire ce constat, il s’appuie sur les chiffres du Conseil d’orientation des retraites (Cor) qui prévoit un déficit de 12,4 milliards d’euros à horizon 2027.
Voilà pour son constat. Ensuite, il ferme une à une les différentes portes que les partenaires sociaux ont essayé d’ouvrir pendant les concertations. Si plusieurs syndicats ont répété qu’améliorer l’emploi des seniors était l’une des clés pour accroître les finances du régime, le document montre que ce n’est pas suffisant. “Si 100.000 inactifs non retraités retrouvent un emploi et qu’il s’agit de créations nettes d’emploi, alors les recettes du système des retraites augmenteront de l’ordre de 1 milliard d’euros”, est-il écrit.
Même démonstration avec une amélioration du taux d’emploi qui permettrait d’engranger plus de cotisations. Le ministère détaille qu’avec une hypothèse de chômage à long terme de 4,5%, ce qui équivaut au plein-emploi, le déficit du régime de retraite naviguerait toujours autour de 12 milliards en 2027.
Différente efficacité des mesures
Bref, en montrant que ces mesures ne permettent pas des économies suffisantes, l'exécutif arrive à la proposition portée par Emmanuel Macron pendant sa campagne : reporter l’âge légal de départ à la retraite. Un tableau inclus dans ce document de travail compare l’effet des différentes mesures de report d’âge, sans prendre en compte les mesures de compensation. Sans surprise, il montre que reporter l’âge de départ à la retraite est plus efficace financièrement parlant qu’allonger plus rapidement la durée de cotisation. Ainsi, si la réforme Touraine, qui consiste à allonger la durée de cotisation d’un trimestre toutes les trois générations, était accélérée (en passant à un trimestre toutes les générations), le gain serait de 2,8 milliards d’euros en 2035.
En comparaison, passer l’âge légal de départ à la retraite à 63 ans, à raison d’une hausse de 4 mois par génération, permettrait au régime de gagner 9,4 milliards en 2035. Cependant, d’après les simulations de l’exécutif, une telle réforme ne permettrait pas de rétablir l’équilibre du système de retraite. Même un report de deux ans de l’âge légal ne permettrait pas au régime d’être dans les clous d’ici à 2035.
Seules deux options permettraient de remettre le régime dans le vert. La première serait un report de l’âge légal de 2 ans, accompagné d’une accélération de la réforme Touraine. Les recettes supplémentaires atteindraient alors 22,1 milliards en 2035. Et la plus efficace serait donc le report de l’âge à 65 ans, qui générerait 32,8 milliards d’économie en 2035. Il mettrait durablement le système à l’abri du déficit autour de 2027. Sachant que, d’après le rapport annuel du Conseil d’orientation des retraites publié en septembre dernier, sans aucune réforme, le régime pourrait accuser un déficit de 12,4 milliards d’euros en 2027.
Difficile chiffrage des mesures de compensation
Attention, tous ces gains présentés sont “bruts”, c’est-à-dire qu’ils ne prennent pas en compte toutes les nouvelles dépenses qu’engendrent un relèvement de l’âge légal de départ, notamment sur l’assurance chômage ou encore la branche maladie de la Sécurité sociale. Aucun chiffrage n'apparaît dans le document du ministère. Des calculs ont pourtant déjà été effectués. Ainsi, d’après la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), relever l’âge de départ de 2 ans en 2019 aurait induit une augmentation des dépenses de prestations sociales (pension d'invalidité, RSA, AAH…), que vous ne percevez pas une fois à la retraite, de l’ordre de 3,6 milliards d’euros (ce qui représente 0,14 point de PIB).
Si ces coûts ne sont pas détaillés dans le document, le ministère précise cependant l’impact financier que pourraient avoir certains de ses arbitrages. Il affirme ainsi qu’il ne veut pas modifier l’âge légal pour les invalides, les départs pour handicap ou encore ceux au titre de l’amiante. “Ces ajustements viennent réduire d’environ 20% le rendement des mesures visant le relèvement de l’âge effectif de départ”, stipule le document du ministère.
L'exécutif met aussi dans la balance les dépenses qui pourraient être générées par la création de nouveaux droits. Ainsi, la hausse du minimum de pension à 85% du Smic pour l’ensemble des retraités, actuels et futurs, reviendrait à 2 milliards d’euros à l’horizon 2030. Le coût serait réduit à un milliard si l’on prenait seulement en compte les futurs retraités. Autre mesure, l’extension de la retraite progressive pourrait coûter 200 millions d’euros d’ici à 2030.
Dans les semaines à venir, nous continuerons à vous informer et à décrypter les avancées de la réforme des retraites.
Et si vous avez raté les premiers épisodes des discussions, retrouvez les ici :
- Le calendrier de la réforme
- Le premier cycle de concertation sur l’emploi des seniors et l’usure professionnelle
- Le deuxième cycle sur le minimum de pension et les régimes spéciaux
- Ce qui attend les fonctionnaires
- Ce que propose déjà le Sénat
- Ce que coûterait un report de l’âge aux assureurs
- Le calendrier s'accélère, des annonces mi-décembre
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