Les niches fiscales sont dans la ligne de mire du gouvernement. Alors que les ministres s’affairent à trouver des pistes pour dégager 40 milliards d’euros d’économies dans le budget 2026, Amélie de Montchalin s'est montrée favorable à une réévaluation des crédits d'impôt pour l’emploi à domicile. Mi-avril, la ministre des Comptes publics avait déjà déclaré vouloir supprimer 5 à 10% des 467 niches fiscales existantes, représentant un coût total d’environ 85 milliards d’euros par an. Mardi 10 juin, elle a annoncé vouloir se concentrer sur les 26 services à la personne qui profitent d’un crédit d'impôt.

Ce mécanisme permet aux particuliers de bénéficier d’un avantage fiscal équivalent à 50% des dépenses engagées, dans la limite de 12 000 euros par an. Amélie de Montchalin a d’ores et déjà exclu les services concernant «la garde d’enfant» et «l’accompagnement des personnes âgées». «Ces deux sujets sont utiles, ils sont efficaces (...) il n’y aura pas de changement», s’est-elle engagée. Quant aux autres métiers relevant du crédit d’impôt pour l’emploi à domicile, leur pertinence fait actuellement l’objet d’une évaluation par la Cour des comptes, afin de répondre à plusieurs questions énumérées par la ministre : «Est-ce qu'au fond, c'est le bon périmètre ? Est-ce que c'est un bon taux de remboursement ? Quel est le bon équilibre entre le travail au noir qu'on ne veut pas encourager et le bon usage de l'argent public ?», a-t-elle interrogé.

«Supprimer ou réduire le crédit d’impôt sur certaines activités à domicile encouragera le travail dissimulé»

En effet, le crédit d’impôt pour l’emploi à domicile a été instauré, entre autres, pour lutter contre le travail dissimulé, ou travail au noir, particulièrement répandu dans ce secteur. La Cour des comptes dans un rapport publié en mars 2024 indique que la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) estime «que la part de travail non déclarée serait d’environ 20% en 2017, soit une baisse de 5 points par rapport à 2011». Les auteurs du document comparent le crédit d'impôt lié à l’emploi d’un salarié à domicile à une subvention au «respect de la loi». De fait, «le coût restant à la charge du particulier employeur qui déclare le salaire versé est inférieur, selon les activités, de 14 % à 19 % au coût du travail dissimulé», assure la Cour des comptes.

«Supprimer ou réduire le dispositif de certaines activités à domicile encouragera le travail dissimulé, estimé entre 30% et 60% sans incitation fiscale», défend la Fédésap (fédération française des services à la personne et de proximité) dans un communiqué, paru le 11 juin. Si le gouvernement venait à réduire le taux de ce crédit d’impôt à 40% (contre 50% actuellement) et à baisser le plafond à 3 000 euros par an, comme le recommande la Cour des comptes, ces mesures pourraient avoir un impact direct sur la hausse du travail au noir assure Guillaume Richard, président du groupe Oui Care, spécialisé dans les services à domicile et adhérent à la Fédésap. Il s’agit d’une «logique économique», affirme le patron. «Lorsque le travail au noir est moins cher que le travail déclaré, les consommateurs se tournent vers le travail dissimulé», résume-t-il. «Si le plafond baisse, les Français vont très vraisemblablement déclarer jusqu'à la hauteur du plafond et opter pour le travail dissimulé dès que ça dépasse», lance Guillaume Richard.

La Cour des comptes, quant à elle, assure que ramener le taux à 40% «suffirait à maintenir, dans la plupart des cas, le coût du travail déclaré au niveau de celui du travail dissimulé». En ce qui concerne le plafond annuel, «en 2020, seuls 9% des bénéficiaires du crédit d'impôt ont perçu un avantage fiscal supérieur à 3 000 euros», ajoute-t-elle dans son rapport. Au-delà du risque d’une augmentation du travail dissimulé, la Fédésap insiste : «Le secteur des services à la personne rapporte plus qu’il ne coûte». Selon l’organisation syndicale patronale «chaque euro de crédit d'impôt génère entre 1,20 et 1,50 euro de recettes fiscales et sociales».