Avant d’aller voter pour le ou la futur(e) président(e) des Etats-Unis, qui sera Donald Trump selon les résultats de l'élection présidentielle communiqués ce mercredi 6 novembre, nul doute que l’électeur américain a fait un point sur son «American dream», cette notion selon laquelle toute personne vivant aux États-Unis peut réussir dans la vie, grâce au seul fruit de son travail et de son courage. Or «au cœur du rêve américain, se trouve la propriété résidentielle», soulignait l’ancien président George Bush en 2001, paraphrasant son prédécesseur Bill Clinton, pour qui «la propriété résidentielle a toujours été le fondement du rêve américain».

Un fondement qui a pris un sacré coup, ces toutes dernières années. La crise immobilière, qui fait rage en France, existe également aux Etats-Unis, dans des proportions sans commune mesure. Au cours des quatre dernières années, le prix moyen des logements a bondi de près de 50% outre-Atlantique, pour atteindre 390 613 dollars (360 300 euros), un record historique, selon la société de courtage immobilier Redfin. La conséquence d’un manque structurel de logements, comme en France d’ailleurs, que la société de crédit hypothécaire Freddie Mac estime à 1,5 million d’unités.

La crise immobilière, principal enjeu de la présidentielle pour les jeunes

A cette cherté des logements s’ajoute, là aussi comme dans l’Hexagone, celle du crédit immobilier. Destinée à juguler l’inflation, la remontée des taux directeurs de la Réserve fédérale, auprès de laquelle les banques américaines se financent, a conduit celles-ci à relever les taux auxquels elles consentent des prêts à l’habitat, afin de préserver leur rentabilité. Le taux moyen de crédit immobilier sur 30 ans est ainsi passé de 2,65% début 2021 à près de 8% en octobre 2023, son plus haut niveau depuis… 24 ans. Et il reste aujourd’hui supérieur à 6%. Un nombre grandissant de primo-accédants est donc contraint de demeurer locataire, alors même que les loyers ont bondi de près de 20% en quatre ans.

Pas étonnant, donc, que la crise immobilière se soit invitée avec fracas dans la campagne présidentielle américaine, au point d’en devenir le principal enjeu pour la génération Z. Selon un sondage réalisé par Redfin auprès de 3 000 jeunes Américains âgés de 18 à 27 ans, les difficultés à la propriété représentent le principal sujet que le ou la futur(e) locataire de la Maison Blanche devra prendre à bras-le-corps, avant même les problématiques de l’économie américaine dans son ensemble et de l’éducation. Il faut dire que l'âge médian des primo-accédants aux Etats-Unis s’élève désormais à 36 ans, du jamais vu, selon l'Association nationale des agents immobiliers.

Une aide de 25 000 dollars pour les primo-accédants

La cherté du logement doit également être placée tout en haut de la pile des dossiers du bureau Ovale, pour 84% des électeurs des «swing states», selon un sondage mené par l’association Center for Popular Democracy. Les «swing states», ce sont la Pennsylvanie, le Wisconsin, le Michigan, l’Arizona et le Nevada, ces «États pivots» où les prétendants à la Maison Blanche sont traditionnellement au coude à coude et qui peuvent basculer d’un camp à l’autre à chaque élection. Or, pour de nombreux électeurs, les démocrates Joe Biden et Kamala Harris, président et vice-présidente des Etats-Unis depuis près de quatre ans, ont forcément leur part de responsabilité dans la crise immobilière.

Kamala Harris ne le sait que trop. C’est pourquoi son programme visait, entre autres, à «rendre les loyers plus abordables et la propriété plus atteignable». La candidate démocrate propose notamment jusqu’à 25 000 dollars (23 000 euros) d’aides aux primo-accédants, afin de constituer un apport personnel suffisant pour décider les banques à leur octroyer un crédit immobilier. La candidate démocrate s'engageait également à simplifier les réglementations en matière d’urbanisme pour permettre la construction de trois millions de logements au cours des quatre prochaines années.

Une victoire de Kamala Harris aurait été plus profitable à l’immobilier

De son côté, afin d’aider les aspirants à la propriété à concrétiser leur rêve, Donald Trump a promis, lors de sa campagne, de réduire les taux de crédit immobilier en «s’attaquant à l’inflation», d’ouvrir une partie du foncier public à la construction de logements, de consentir des avantages fiscaux aux primo-accédants et d’en finir avec «les réglementations inutiles qui renchérissent le coût du logement». Le candidat républicain entend également «arrêter l’immigration illégale, la politique de frontières ouvertes des Démocrates ayant provoqué une hausse du coût du logement, de l’éducation et de la santé pour les familles américaines».

Selon une récente enquête de l’agence de presse Bloomberg conduite auprès d’économistes et d’investisseurs, la résolution du problème de la cherté du logement serait davantage passée par une victoire de Kamala Harris que par une victoire de Donald Trump, censée profiter surtout à la Bourse et à l’or. Mais une bonne partie de la classe moyenne américaine a sans doute estimé que, quand Donald Trump était au pouvoir, «l’économie avait l’air d’aller un peu mieux», à l’image Andres Villa, ouvrier d’une usine Tesla dans le Nevada, qui a dû s'endetter lourdement pour acheter une maison, qui plus est loin de son lieu de travail, confiait-il à l’AFP fin août.