Philippe Martinez a-t-il récemment fait un crochet par Narbonne ? Pendant que, le 29 septembre, le leader cégétiste marchait sur la capitale, en guise de « premier avertissement pour que s’engagent rapidement des négociations salariales », Louis Privat, un restaurateur de la ville de l’Aude, entérinait en effet… l’indexation sur l’inflation des fiches de paie de ses employés. Les 210 salariés des Grands Buffets, premier restaurant de France par le chiffre d’affaires, recevront donc autour de 6% de revalorisation, financés grâce à l’augmentation de 5 euros du menu tout inclus, jusqu’ici fixé à 47,90 euros par personne. Mieux: le dirigeant promet de donner rendez-vous aux délégués du personnel tous les six mois, pour réfléchir à de nouvelles hausses. « Puisqu’on augmente le prix du homard et de l’entrecôte, je ne vois pas pourquoi on ne revaloriserait pas les équipes », débite sans sourciller le patron.

Avouons-le, ce patron atypique dit tout haut ce que la plupart des salariés pensent tout bas: pour faire face à l’inflation, il faudrait que les bulletins de paie suivent enfin. Malgré un léger recul à + 5,6% en septembre, l’indice des prix reste en effet parmi les plus hauts constatés au cours des trois dernières décennies. Et les prévisions pour les mois à venir ne sont guère encourageantes, les tensions sur l’énergie et les matières premières, dues à la guerre en Ukraine, ne semblant pas près de s’éteindre. Il n’en fallait pas plus aux syndicats pour monter au créneau, à l’approche des négociations annuelles obligatoires (NAO).

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En marge de la mobilisation interprofessionnelle de la CGT, grèves et débrayages ont ainsi émaillé la rentrée, dans les entrepôts et les magasins de Carrefour par exemple, dans les raffineries et les stations-service d'ExxonMobil et de TotalEnergies, ou dans des usines de LVMH et de Renault… Il faut dire que les besoins sont criants, notamment dans le cas des plus petits salaires. « Alors que d’ordinaire seuls 4 à 6% de nos collaborateurs sollicitent l’aide d’urgence, un chèque qui ne peut servir qu’à payer ses factures d’énergie, de loyer ou de transport, les demandes ont doublé depuis la rentrée! », indique Sébastien Crozier, le président de la CFE-CGC Orange.

Pour ne rien arranger, cette forte reprise d’inflation succède à des années de vaches maigres. Depuis 2010, entre une hausse des prix atone – autour de 1% en moyenne – et un chômage bloqué au-dessus des 8%, les salaires réels, calculés en tenant compte de l’évolution des prix, n’avaient augmenté que de 0,5% en moyenne par an. Même les revalorisations accordées en 2021, pourtant année de nette reprise économique, ont été historiquement faibles – la moitié était au-dessous de 1%.

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