
Dans un peu plus de quarante huit heures, les Français sauront comment le Premier ministre et son gouvernement ont traduit les intentions du discours de politique générale devant le parlement en décisions budgétaires inscrites dans le projet de loi de finances pour 2025. On sait qu’il sera fait feu de tout bois pour réduire le déficit public du pays et le poids de la dette. Il s’agit de trouver des dizaines de milliards d’économies et en même temps des dizaines de milliards de plus grâce à des hausses d’impôts ciblées. Pour le logement, ce budget est décisif, et il l’est sur les deux tableaux, celui des risques de réduction de son budget -aujourd’hui de l’ordre de 37 milliards- et des augmentations de la fiscalité qui pèsent sur lui. La communauté immobilière s’est réjouie, d’abord de la création d’un ministère de plein exercice pour sa cause, de la nomination ensuite d’une femme d’expérience et de conviction, et enfin d’engagements de Michel Barnier devant la représentation nationale semblant faire au logement la part belle. Aucun chiffre dans ce discours très incantatoire, et pas de précisions… Il se pourrait que la même communauté immobilière soit déçue. La question qui se posera à la lecture du projet de budget soumis dans les prochains jours à l’examen et au vote des députés et des sénateurs est simple: l’exécutif va-t-il vouloir sauver le logement avec des mesures a minima, ou va-t-il parier sur la croissance par le logement?
Les deux choix sont bien distincts. Depuis sept ans, sous l’impulsion du Président Macron, les décisions budgétaires ont été étriquées. L’idée était d’investir de moins en moins, avec la conviction que le marché continuerait de fonctionner, en s’autorégulant en quelque sorte, et sans préjudice pour les ménages. Emmanuel Macron a pensé que la réduction des aides à l’accession ne pénaliserait pas le niveau des achats dans le neuf comme dans l’ancien, que l’assèchement des dispositifs fiscaux ne dissuaderait pas les investisseurs et que les ajustements permanents de MaPrimeRénov et des certificats d’économie d’énergie n’ébranleraient pas l’élan de travaux de rénovation énergétique. Si seulement, ce faisant, il avait réformé fondamentalement les contraintes règlementaires, l’accès au foncier et la fiscalité, la réalité aurait pu lui donner raison. À l’arrivée, un pays dans lequel l’essentiel des individus et des familles peine à se loger, avec des indicateurs de marché qui ont tous viré au rouge. Si l’inverse avait été préféré, c’est-à-dire l’investissement dans un secteur porteur de richesse économique, la France n’en serait pas là. Sa croissance serait vigoureuse, quand elle est asthénique. Les rentrées fiscales attachées à l’immobilier ont fondu et ont appauvri le pays. Michel Barnier va-t-il non pas seulement tenter de relancer le logement, mais de relancer l’économie française grâce au logement? Et du même coup apaiser la nation, qui retrouverait un lien heureux à l’habitat, depuis longtemps perdu?
Miser sur le logement, ne pas se contenter de le sauver
Deux illustrations majeures, la primo-accession et l’investissement locatif privé. Le prêt à taux zéro sera élargi à tout le territoire, promesse du Premier ministre, mais avec quelle quotité sera-t-il généralisé, 20% ou 40%? En clair, lui donnera-t-on partout la plus grande puissance pour permettre effectivement la réalisation des projets des ménages, qui ont besoin de réduire au maximum la part du prêt complémentaire pour équilibrer leur opération? Quid aussi de la maison individuelle, qui a constitué les deux tiers des PTZ consentis lorsque le dispositif autorisait le recours pour ce type d’achat? Faire le pari de donner au PTZ tout son souffle, c’est faire entrer dans les caisses de l’État 10 milliards à court terme. Pour les investisseurs personnes physiques, l’extinction du Pinel va-t-elle entraîner la création d’un statut attractif, qui ne soit pas une niche remise en cause chaque année mais un régime stable, fût-il moins généreux et plus équitable? Les acquéreurs de logements neufs et existants à rénover pour être loués pourront-ils amortir leur achat et déduire largement leurs charges d’exploitation, sous condition de loyers modérés et de vertu environnementale du bien mis en location? Dans la même logique, l’enveloppe dévolue à la réhabilitation écologique du parc sera-t-elle déployée, et les règles seront-elles maintenues, avec la possibilité de travaux monogeste pour les passoires énergétiques? Les investisseurs peuvent rapporter encore plusieurs milliards aux finances publiques à condition qu’on leur donne de l’oxygène et qu’on ne les écœure pas.
Depuis sept ans, l’État se trompe en oubliant que le logement est un levier de croissance exceptionnel et il serait insupportable qu’il continue, optant pour la surfiscalisation du logement, cible facile. Alourdir la taxation des revenus fonciers au motif que les bailleurs se recrutent surtout dans les plus hauts revenus, alourdir l’IFI pour les mêmes raisons, assécher les moyens des collectivités pour les acculer à rehausser les taxes dans leurs mains, pesant sur les classes moyennes, inventer de nouvelles voies comme l’imposition des plus values de cession des résidences principales, tout cela témoignerait que Monsieur Barnier ne change pas d’aile comme on dit dans les sports de ballon. Qu’il ne met pas d’intelligence dans sa politique du logement. Il peut encore réenchanter le pays, d’où l’enthousiasme s’est absenté, chez les entrepreneurs immobiliers comme dans l’opinion. Il doit miser sur le logement et pas se contenter de sauver le logement et ses acteurs. Ces femmes et ses hommes ne demandent pas l’obole, mais les moyens d’enrichir le pays en rendant la nation heureuse. Deux idéaux de la France se font face avec ce budget, pour la première fois. En quelques années, on a fini par faire des hommes et des femmes de l’immobilier au service d’objectifs étriqués, alors qu’ils savent faire bien mieux. Il faut libérer leurs énergies et l’envie des Français de se constituer un patrimoine et de le moderniser.



















