La filière immobilière s’est beaucoup plainte que le statut fiscal du propriétaire bailleur -disons « investisseur » pour être compris du plus grand nombre-, qu’elle réclame à cors et à cris depuis des années n’ait toujours pas vu le jour. Il ne figure pas plus dans la loi de finances pour 2025, qui vient d’être votée au forceps, dans les précédentes, alors même que le chantier est clairement ouvert: les travaux du Conseil national de la refondation pour le logement, le groupe de travail dédié du Conseil national de l’habitat, l’avant-dernier Congrès des notaires, d’autres encore ont préfiguré ce statut, et un consensus s’est dégagé sur l’essentiel: l’investisseur est un acteur économique, qui apporte un service logement au pays, complémentaire de l’offre publique et d’ailleurs plus important numériquement que les HLM ou les CROUS, et il est normal que ce rôle soit reconnu par la fiscalité.

C’est ainsi que le principe de l’amortissement du bien exploité et de la déduction intégrale des charges d’exploitation s‘est imposé, même si l’idée du retour d’une déduction forfaitaire pour acter l’usure du logement subsiste dans certains esprits, de façon minoritaire.

Alourdissement de la fiscalité à la revente

En fait, la demande est formulée que le bailleur soit mangé à la même sauce que l’entrepreneur, qui a la faculté d’acter la dévalorisation de ses outils professionnels, immobiliers comme mobiliers, et qui peut réduire de son chiffre d’affaires imposable les dépenses exposées dans l’intérêt de l’activité de l’entreprise. Il y a un corollaire : les modalités de taxation de la plus value de cession en cas de vente pour un entrepreneur sont…logiques : la dépréciation des actifs constatée au fil du temps et de l’amortissement est réintégrée au moment du calcul de la valeur de sortie. En clair, la valeur résiduelle tend par définition vers zéro et par conséquent la différence entre le prix obtenu de la vente d’un hangar, d’une voiture, d’un ordinateur et sa valeur comptable sera bien plus importante après application des amortissements que par simple soustraction du prix d’acquisition.

Les propositions faites par les différentes commissions qui ont planché sont pudiques, pour ne pas dire silencieuses et muettes, sur ce sujet. Si ces modalités de calcul des plus values, de droit commun, sont attribués à l’immobilier locatif, comme il doit normalement l’être, les bailleurs cédants auront une mauvaise surprise… Cette surprise, à bien lire la loi de finances pour 2025, n’en est pas une : l’article 24 de ce texte dont l’encre est à peine sèche modifie pour les loueurs en meublé non professionnels (LMNP) le mode de calcul et de taxation des plus values de vente, pour l’aligner sur celui des loueurs en meublé professionnels.

Une mission pour inventer le statut du bailleur

Deux bémols : les abattements sur la taxation restent applicables, permettant d’annuler la taxation sur les revenus au bout de 22 ans et celle au titre des prélèvements sociaux au bout de 30 ans. En outre, ne sont concernées que les plus values issues d’une cession, et les transmissions par donation ou par succession sont exonérées de ce durcissement fiscal. N’empêche que la couleur est annoncée et qu’il vaudrait mieux que les propriétaires et les professionnels désireux d’un statut économique et fiscal solide, de droit commun, déniché, réalisent qu’il sera difficile d’obtenir de Bercy, en toute orthodoxie, le beurre et l’argent du beurre, si l’on peut s’autoriser cette image triviale. La bonne nouvelle : cette loi de finances comporte cette évolution, qui correspond à une normalisation, contre laquelle on n’a pas entendu d’expression d’indignation, à juste titre. Plus la fiscalité de l’immobilier entre dans le rang, plus elle a de chances d’échapper à l’instabilité et à la suspicion.

En revanche, il ne faudrait pas, et le risque en période de vaches maigres est considérable, que le futur statut, qu’on en vient à espérer dans la loi de finances pour 2026, ne garde que le moins heureux, fût-il équitable, pour le bailleur, en excluant le plus attractif : la question des vitesses admises d'amortissement, ou encore des surpressions au titre de la modération des loyers acceptée par le propriétaire ou au titre de la performance écologique du logement loué, est centrale et elle promet de belles batailles. Comme la question des contraintes exceptionnelles imposées au bailleur, que les entrepreneurs d’autres domaines ignorent, telles que l’encadrement du prix du service apporté, le loyer en l’occurrence, et tant d’autres. Valérie Létard, ministre du logement, a d’ailleurs -c’est passé inaperçu- décidé de confier à un ou plusieurs parlementaires une mission…de plus pour inventer le futur statut, mais en élargissant le sujet aux rapports locatifs et aux droits et obligations du bailleur et du propriétaire. En somme, ce ne sera pas un rapport de plus qui sera rendu : la perspective s’ouvre et on va prendre de la hauteur.