
1 400 appels pour une annonce de location d’un studio à Paris. Ce chiffre résume à lui seul la pénurie de logements à louer dans les grandes métropoles françaises. Pour tenter de relancer l’investissement locatif, découragé ces dernières années par l’encadrement des loyers, l’explosion de la taxe foncière ou l’interdiction de mise en location des passoires thermiques, le gouvernement s’apprête à mettre en place un véritable statut fiscal du bailleur privé, réclamé depuis des années par les propriétaires et les associations qui les représentent.
Le sénateur Marc-Philippe Daubresse et le député Mickaël Cosson ont présenté, ce lundi 30 juin, à Valérie Létard, le rapport sur la création de ce fameux statut, que la ministre du Logement leur avait commandé en mars. Cette mission parlementaire formule cinq propositions. D’abord, pour tout investissement locatif réalisé à partir du 1er décembre 2025 et destiné à la location nue de longue durée, la possibilité de l’amortir. Concrètement, chaque année, le propriétaire pourra déduire de ses revenus locatifs le montant de cet amortissement, qui correspond à la dépréciation annuelle du logement. Un tel mécanisme existe déjà en location meublée. A noter que cet amortissement portera sur 80% de la valeur du bien, le solde de 20% correspondant à la valeur du foncier.
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Un amortissement de 5% pour les logements neufs
La relance de logements neufs étant «prioritaire», les deux parlementaires proposent de retenir pour cette catégorie de biens un taux d’amortissement de 5 % de leur valeur, sur 20 ans, «ce qui correspond à l’horizon d’investissement d’un particulier qui prépare sa retraite». Compte tenu de l’écart de prix entre un logement neuf et un logement ancien, le premier étant plus cher que le second, Marc-Philippe Daubresse et Mickaël Cosson suggèrent de retenir un taux de seulement 4% pour les logements anciens, dont le propriétaire bailleur bénéficiera s’il réalise des travaux représentant 15% de la valeur du bien. Les deux parlementaires proposent un amortissement supplémentaire de 0,5%, 1% et 1,5 % de la valeur du bien, suivant que le loyer correspond aux loyers intermédiaires, sociaux ou très sociaux. Autrement dit, plus vous louerez en dessous des prix de marché, plus votre amortissement sera élevé.
Par ailleurs, pour les investisseurs locatifs préférant la simplicité du régime micro-foncier au régime réel, la mission parlementaire recommande de revaloriser le niveau d’abattement forfaitaire pour les biens mis en location nue. Celle-ci bénéficie aujourd’hui d’un abattement forfaitaire de 30%, dans la limite de 15 000 euros de revenus locatifs annuels, contre un abattement de 50% et un plafond de 77 000 euros de revenus locatifs pour la location meublée. Dans un souci de rééquilibrage de la location nue, la mission conseille d’augmenter, de 30% à 50%, son abattement et de porter le plafond de revenus locatifs à 30 000 euros par an.
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Exonération d’impôt de la plus-value après 20 ans de détention
La mission propose aussi d’augmenter le plafond du déficit foncier, c'est-à-dire de l'écart négatif entre les charges liées à votre investissement locatif et les revenus qu'il vous procure, lorsque ces derniers sont inférieurs aux charges. Le plafond du déficit foncier que vous pouvez déduire de votre revenu global est aujourd’hui de 10 700 euros. «Un montant non revalorisé depuis 25 ans, malgré la hausse continue des loyers et charges et des prix de l’immobilier», soulignent Marc-Philippe Daubresse et Mickaël Cosson. Ils préconisent donc de le rehausser à 40 000 euros. Avant-dernière recommandation, exclure les biens mis en location de longue durée de l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) car «ils contribuent à la richesse nationale et au dynamisme de notre économie».
Enfin, le rapport propose de «mettre en cohérence» la durée de détention du bien nécessaire pour permettre une exonération d’impôt totale de la plus-value de cession avec la durée d’amortissement proposée de 20 ans. Concrètement, en cas de cession de votre investissement locatif, vous paierez zéro impôt sur la plus-value si vous le possédez depuis au moins 20 ans, contre 22 à 30 ans aujourd’hui. Une «durée plus cohérente avec le projet d’un investissement immobilier en vue de préparer sa retraite et qui aurait pour avantage de limiter la rétention foncière, sans pour autant inciter à une quelconque spéculation».
Un gain pour les finances publiques dès 2026
Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs, salue «un très bon rapport, qui va dans le bon sens». Son confrère Olivier Salleron, à la tête de la Fédération française du bâtiment, se «félicite de toutes ces propositions, au-delà de nos espérances». «Qui ne pourrait être satisfait de ce rapport ?», renchérit Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim). «Nous avons le sentiment d'avoir été écoutés», se félicite Zahir Keenoo, président de Foncia Administration de biens. Valérie Létard estime toutefois que «le plus dur reste à faire». Car, de ces cinq propositions, lesquelles le gouvernement retiendra-t-il dans le projet de loi de finances pour 2026, dans lequel il cherche à économiser 40 milliards d'euros ? Les négociations avec Bercy devraient commencer ce jeudi 3 juillet, selon une source proche du dossier.
Dans leur rapport, Marc-Philippe Daubresse et Mickaël Cosson se sont ingéniés à démontrer que le statut du bailleur privé aurait un «coût positif» pour les finances publiques, de 500 millions d'euros en 2026 pour les finances publiques, 1,1 milliard en 2027 et 1,9 milliard en moyenne par an sur la période 2026-2036. Le coût fiscal de l'amortissement, pour l'Etat, est en effet étalé sur plusieurs années alors que la TVA perçue sur l'achat de logements neufs constitue pour lui une recette immédiate. Si le gouvernement ne devait retenir qu'une de ces cinq mesures dans le budget 2026, «il faudrait que ce soit l'amortissement choc de 5% dans le neuf et de 4% dans l'ancien», juge Marc-Philippe Daubresse. Après le gouvernement, ce sont les parlementaires qu'il faudra convaincre, dans le cadre des débats sur le projet de loi de finances, notamment à l'Assemblée nationale, très éclatée.
















