
L’exercice auquel s’est livré le 15 juillet le Premier ministre était difficile : donner au pays les grandes lignes du projet de loi de finances pour 2026 permettant de réduire le déficit public de la France. Pour atteindre ce résultat et passer d’un déficit de 5,6% cette année à 4,3% l’an prochain, il faut rien moins que trouver 43,5 milliards d’euros, et François Bayrou s’est attaché avec son gouvernement à en trouver par des économies sur les dépenses actuelles et par la relance de l’activité. Il a exposé sa stratégie au lendemain de la Fête nationale, et clairement chacun a compris que…la fête était finie. L’expression est déplacée : la plupart des ménages ne vivent ni dans l'opulence ni dans la facilité et pourtant ils sont senti que les marges de manœuvre allaient encore se réduire. Dans cet exercice ingrat, quelle place l’immobilier peut-il et doit-il avoir? Il doit être présent sur les deux tableaux, et François Bayrou est resté silencieux sur le second tableau.
Il a parlé à juste titre de solliciter le patrimoine immobilier de l’État, évalué à près de 80 milliards, sachant que ce qu’il est convenu d’appeler les opérateurs de l’État, entreprises publiques ou agences, sont utilisateurs d’un patrimoine équivalent. S’agit-il de vendre les bijoux de famille et d’appauvrir les Français? Non. Il s’agit de procéder à une saine gestion pour céder ce qui n’est pas utile et valoriser ce qui l’est. Pour ce faire, le Premier ministre veut réaliser un projet qui a germé il y a…près de vingt ans dans la tête d’un haut fonctionnaire de Bercy, Olivier Debains, qui fut le grand directeur de cabinet de Pierre-André Périssol, lui-même un grand ministre du logement, cheville ouvrière du prêt à taux zéro et de l’amortissement des investissements locatifs - le paradis perdu qu’on essaie de retrouver : une foncière de l’État.
Il faut le dire: aujourd’hui, l’État propriétaire, officiellement incarné par le ministre du budget, n’est pas un bon gestionnaire. Il ignore même de quoi il est vraiment propriétaire, ou à quel usage est affecté tel bâtiment. Les utilisateurs sont jaloux du patrimoine qui leur est confié et la transparence, pourtant instaurée par la loi depuis le milieu des années 2000, est malmenée. Un exemple : alors qu’un salarié du privé occupe en moyenne 9 m2 dans les bureaux de son entreprise, ce sont 14 m2 dans le public… On mesure quelle optimisation indolore pourrait avoir lieu.
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Une manne de plusieurs milliards
Ce sont aussi des terrains qui permettraient de construire des logements, laissés en jachère. La liste est longue et elle conduit à vouloir séparer l’État propriétaire, soucieux de gérer au mieux et notamment de vendre au mieux, et l’État utilisateur. Voilà ce que permettra une société foncière, qui recourra à des logiques de gestion professionnelle, et saura également sous-traiter quand elle ne dispose pas des compétences internes, l’expertise par exemple. Quelle manne peut-elle venir de cette orthodoxie de gestion, menant à des arbitrages? Sans conteste plusieurs milliards, sans qu’il soit aisé à ce stade de préciser combien.
Il faut en outre être lucide : tout cela ne se fera pas en un exercice, et l’urgence budgétaire est pressante. Jusqu’alors, l’objectif -jamais atteint- donné par la loi était de 500 millions de cession par an. Ce critère rustique devra être remplacé par une intelligence patrimoniale, qui sera autrement plus fructueuse. Un député spécialiste de politique du logement, Lionel Causse, a même émis l’idée que l’État, sans se déposséder, use de baux emphytéotiques et perçoive des loyers sur des immeubles loués à des ménages ou utilisés autrement.
Sur ce que l’immobilier, en particulier résidentiel, peut rapporter à l’État et aux collectivités locales par la relance de l’activité, François Bayrou est demeuré muet. On sait qu’un grand sujet agite les ministères du logement, de l’économie et du budget et Matignon: la création d’un statut fiscal de droit commun pour les ménages qui acquièrent un logement pour le louer, qu’on assimilerait enfin à des entrepreneurs. Leur bien pourrait ainsi faire l’objet d’un amortissement.
Des querelles de chiffres empêtrent pour l’instant le débat, et il faudrait qu’elles s’apaisent rapidement… parce que le bénéfice d’un redémarrage de l’investissement locatif privé ne fait pas de doute et on ne peut plus l’attendre. Dans le neuf, en l’absence de dispositif fiscal séduisant, la France a perdu près de 50 000 achats par an, soit de l'ordre de 4 milliards de TVA, et dans l’ancien, environ 60 000, pour un montant de droits de mutation au bénéfice des collectivités d’environ un milliard, sans compter les travaux assujettis à TVA pour un montant probable de 150 à 200 millions d’euros.
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Encourager l'investissement locatif
En outre, un expert intervenant dans un débat professionnel récent à l’initiative de l’UNIS, Pierre de Buhren, directeur général du groupe leader de courtage en crédit Empruntis, rassurait sur le retour des banques pour financer les investissements locatifs : après avoir regardé avec méfiance les ménages qui s’orientaient vers ce placement, notamment à cause des critères durcis du Haut conseil de stabilité financière, elles se sont détendues et usent volontiers de l’enveloppe discrétionnaire de 20% de leur production dans laquelle elles peuvent plus librement apprécier le risque.
En clair, l’investissement locatif ne demande qu’à reprendre du service. Il faut l’encourager un peu en dessinant un statut fiscal simple, pérenne, entraînant un rendement honorable et compétitif. À soi seul, il peut générer, dès l’exercice 2026, 10% de l’enveloppe que le pays doit trouver pour amorcer son redressement et relever la tête. On pourrait se satisfaire de cette contribution à la solution du problème actuel de la France. En réalité, abonder l’offre locative privée de plus de 100 000 unités par an, c’est bien sûr répondre à la demande d’autant de ménages qui vont sortir des files d’attente, mais c’est du même coup libérer la réindustrialisation du pays et le dynamisme du commerce et des entreprises de service : le MEDEF et la CPME répètent à l’envi que la difficulté des salariés de se loger dans les territoires empêche des installations et freine le développement économique.
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Des semaines déterminantes
Les semaines d’été seront déterminantes. Le logement peut prendre une part déterminante au sauvetage de la France. Ses acteurs, promoteurs, constructeurs de maisons individuelles, agents immobiliers, administrateurs de biens, notaires, conseils en gestion de patrimoine, sont l’arme au pied. Les ménages eux-mêmes veulent laisser libre cours à leur volonté d’investir : il suffit d’un geste d’innovation fiscale, à accomplir sans état d’âme. On aurait même dû l’accomplir il y a deux ans, quand l’annonce de la fin de la défiscalisation a été faite, pour éviter l’étiage du moment, qui a fait perdre des milliards au pays. C’est dire l’urgence.


















