
Cette semaine, la ministre du logement, Valérie Létard, a réuni les parties prenantes du logement locatif privé pour trois raisons, faire un point d’actualité sur la situation d’affaiblissement de l’investissement locatif dans notre pays, proposer un remède simple et puissant et appeler les responsables de la filière à la plus totale cohésion. La démarche est forte : alors que les deux parlementaires qu’elle a missionnés pour rendre un rapport sur le sujet, l’ancien ministre et sénateur Marc-Philippe Daubresse et le député Mickaël Cosson, auditionnent encore et donneront leur prescription avant la mi juin, elle veut commencer son travail de conviction de Matignon, de Bercy et des élus. Il va être extrêmement difficile de remporter cette victoire dans le contexte budgétaire dégradé au plus haut point, rappelé sans cesse par le Premier ministre François Bayrou. 40 milliards d’économies doivent être trouvés sans délai et le budget du logement devra contribuer à sa mesure à cette réduction du déficit. Le chef du gouvernement va se trouver tiraillé entre plusieurs considérations, que les acteurs du logement ne peuvent ni ignorer ni feindre d’ignorer.
Notre situation budgétaire d’abord porte un préjudice direct au logement : alors que les baisses successives de taux directeur de la Banque centrale européenne laissaient augurer un atterrissage aux alentours de 2,5%, qui eût resolvabilisé une forte proportion de ménages exclus de l’acquisition par l’inflation des taux survenue en 2023 et 2024, cette baisse marque le pas. Pourquoi? Parce que l’autre référence pour la fixation des taux longs, l’OAT à dix ans, vient de remonter de 0,5 point à cause de notre situation économique domestique, bien sûr pour partie dépendante des circonstances mondiales et des décisions du président américain, qui déséquilibrent le commerce mondial. Nous voilà plus durablement que prévu figés autour de 3,2% de taux d’intérêt. Le gouvernement est d’abord garant que le regard porté sur notre économie par les investisseurs mondiaux et les agences de notation reste marqué par un degré de confiance assez élevé. Pour les promoteurs, qui recourent au crédit pour lancer leurs opérations, pour les accédants comme les ménages investisseurs, la maîtrise des taux est majeure.
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Des conséquences terribles sur les rentrées fiscales
Pour autant, les nouvelles sur le front de l’investissement locatif sont mauvaises, au pire moment : l’accession et la primo-accession reculent et les reports sur le marché locatif sont loin de pouvoir être satisfaits. Les files d’attente dans le parc locatif privé dans les métropoles et les villes moyennes les plus attrayantes s’allongent, avec entre 30 et 200 demandes pour une offre. La mobilité professionnelle en est freinée, pénalisant l’emploi, la réindustrialisation du pays comme le développement des activités de service sur tout le territoire. Elle handicape aussi la compétitivité de la France : un jeune sur deux doit renoncer à des études supérieures de son choix faute de logement dans la ville universitaire cible. À ce jour, les investissements locatifs dans le neuf ont divisés par six depuis deux ans, et ont baissé d’un tiers dans l’ancien.
Les conséquences sur les rentrées fiscales de l’État sont terribles : 45 000 logements neufs vendus de moins, soit de l’ordre de 2,5 milliards de TVA en moins, et 40 000 logements existants à des fins locatives manquant à l’appel, c’est un milliard de droits de mutation à titre onéreux de moins pour les départements essentiellement. Relancer ces investissements par les ménages, qui n’attendent qu’une considération fiscale honorable, c’est rétablir ces produits fiscaux en quelques mois. Les logements anciens, en particulier pour être mis aux normes de décence énergétique, entrainent aussi des travaux significatifs, assujettis à la TVA à taux réduit de 5,5%. À la clé, la sauvegarde et la la création d’emplois non délocalisables, alors que la courbe du chômage s’est de nouveau inversée. Bercy et Matignon entendront-ils cette logique? Il le faudra, dans l’intérêt du pays à tous égards.
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Le statut de l’investisseur locatif privé verra le jour
Que souhaite la ministre? L’instauration d’un régime d’amortissement des biens sur une longue durée -20 ans-, pour stabiliser le parc locatif privé, pour 80% de la valeur du bien, le reste étant présupposé être la valeur du terrain, la réintégration des amortissements dans le calcul des plus-values, avec maintien des abattements pour durée de détention. Enfin, le taux pourrait être de 4% par an, majoré à 5% en cas de loyer intermédiaire. Le neuf et l’ancien seraient concernés, pour les nouveaux investissements seulement. Lisible, durable, universel. Les acteurs font-ils un accueil unanime favorable à cette copie? Il reste du chemin, mais il est rare qu’un si large consensus se forme sur une mesure publique quant à l’essentiel, la logique de l’amortissement et ses principales modalités. Les yeux de ceux qui voudraient plus seront vite décillés par Matignon quant à la situation inquiétante de la France ; les timides, atteints par le syndrome de Stockholm envers Bercy, doivent comprendre qu’un dispositif sans souffle n’éveillera pas de vocations d’investisseur, et les nuancés sur ce qui a été imaginé par la ministre préfèreront à terme pousser en mêlée plutôt que faire courir le risque à l’équipe de perdre un match vital.
Bref, tout va se jouer dans la pesée au trébuchet que fera le moment venu François Bayrou. Les préjudices pour la France de délaisser l’offre locative sont tels et tellement lourds que l’optimisme de la filière est fondé : le statut de l’investisseur locatif privé verra le jour.



















