Qu’est-ce qu’un rescrit fiscal ?

Définition du rescrit fiscal

Tout contribuable a la possibilité de demander à l’administration fiscale qu’elle formule son avis et donne son interprétation relative à un texte fiscal ou à une situation au regard du droit fiscal. Il peut s’agir d’une demande d’interprétation quant à une exonération d’impôt, un dégrèvement, une réduction, un crédit d’impôt ou encore le calcul de l’impôt.

Fondement juridique : article L.80 B du LPF

L’article L.80 B du LPF (Livre des procédures fiscales) prévoit que l’administration ne peut pas rectifier une position fiscale si elle a explicitement pris position dans un rescrit, à condition que :

  • les faits exposés soient complets et exacts ;
  • la situation corresponde à ce qui a été décrit ;
  • le rescrit soit valablement obtenu.

Pourquoi demander un rescrit fiscal ?

La procédure du rescrit fiscal constitue un outil juridique précieux pour les contribuables souhaitant sécuriser leur situation au regard du droit fiscal. Elle permet d’obtenir une réponse écrite, explicite et opposable de l’administration fiscale sur l’interprétation d’un texte ou la qualification d’une opération.

Sécuriser une situation du point de vue fiscal

Le rescrit fiscal permet de clarifier à l’avance la manière dont une situation ou une opération sera traitée fiscalement. En cas d’ambiguïté dans la loi, ou d’incertitude quant à l’interprétation d’une disposition fiscale, le contribuable peut ainsi lever les doutes avant d’agir. Cela est particulièrement utile en cas de :

  • montages complexes (fusion, transmission d’entreprise, défiscalisation) ;
  • d’investissements nécessitant la certitude d’une exonération ou d’un avantage fiscal ;
  • domaines sensibles (mécénat, crédit d’impôt, impôt sur la fortune immobilière, TVA sur opérations immobilières…).

Obtenir une réponse explicite de l’administration fiscale

Contrairement à de simples consultations ou recherches juridiques, le rescrit aboutit à une prise de position écrite, précise et nominative de l’administration. Cette réponse doit porter sur les faits présentés dans la demande, et constitue une base formelle à laquelle le contribuable peut se référer. Cela apporte une sécurité juridique supérieure à une simple consultation.

Se protéger contre un redressement fiscal

C’est l’intérêt essentiel et stratégique du rescrit fiscal : il engage l’administration. Ainsi, même si celle-ci change ultérieurement d’interprétation, elle ne pourra pas remettre en cause la situation du contribuable qui s’est conformé à sa première réponse. Cela constitue une garantie juridique importante en cas de contrôle.

Quels sont les différents types de rescrits fiscaux ?

Rescrit général

Le rescrit général permet à tout contribuable de solliciter une prise de position formelle de l’administration fiscalesur l’interprétation d’un texte fiscal, au regard de sa propre situation, dès lors qu’elle est claire, précise et complète. Ce type de rescrit est régi par l’article L.80 B du Livre des procédures fiscales, qui fonde son opposabilité. Il est utilisé lorsque la loi fiscale laisse place à l’interprétation ou à l’incertitude.

Le rescrit général est souvent employé dans des situations ordinaires, mais techniquement complexes, ou lorsqu’un contribuable souhaite anticiper un risque fiscal sans passer par un contentieux.

Rescrit spécifique

Certains régimes fiscaux, en raison de leur technicité ou de leur portée particulière, font l’objet de procédures de rescrit encadrées par des textes spécifiques. Ces rescrits spécifiques visent des dispositifs pour lesquels l’administration a jugé utile d’encadrer la sécurité juridique des bénéficiaires.

  • Rescrit mécénat : il permet à une entreprise ou à une association de savoir si un don ou un versement ouvre droit à la réduction d’impôt au titre du mécénat.
  • Rescrit sur les fondations et associations reconnues d’utilité publique : il valide leur éligibilité aux régimes de faveur en matière d’impôt sur les sociétés ou de TVA.
  • Rescrit crédit d’impôt recherche (CIR) : il permet à une entreprise de s’assurer que ses dépenses de R&D sont bien éligibles au CIR.
  • Rescrit jeune entreprise innovante (JEI) : il permet de vérifier l’éligibilité d’une entreprise au statut JEI.
  • Rescrit IFI (impôt sur la fortune immobilière) : il permet de demander si un bien ou une participation peut être considéré comme exonéré au titre des biens professionnels.
  • Rescrit abus de droit : une procédure spéciale (article L.64 B du LPF) permet de demander si une opération envisagée pourrait être requalifiée comme constitutive d’un abus de droit.

Ces rescrits sont généralement assortis de délais de réponse spécifiques et de conditions de recevabilité précises (délai, pièces justificatives, niveau de détail exigé…).

Sur quels sujets peut-on interroger l’administration fiscale ?

Impôt sur le revenu (dont crédits, réduction d’impôts…)

Le contribuable peut interroger l’administration sur la déductibilité d’une dépense, l’imposition d’un revenu particulier ou l’éligibilité à une réduction ou un crédit d’impôt (emploi à domicile, dons, investissement locatif, etc.). Cela permet de sécuriser ses déclarations fiscales et d’éviter un redressement en cas de contrôle.

Impôt sur la fortune immobilière

Il est possible de demander si un bien immobilier est exonéré au titre des biens professionnels ou s’il entre dans l’assiette de l’IFI, ainsi que la qualification d’une holding comme animatrice. Le rescrit IFI est particulièrement utile pour les contribuables détenant un patrimoine immobilier complexe ou structuré.

TVA

Une entreprise peut demander si une opération est soumise à la TVA, si une exonération est applicable, ou si elle peut récupérer la TVA sur certains achats ou investissements. Le rescrit évite alors une mauvaise application du régime de TVA, souvent source de lourds redressements.

Impôt sur les sociétés

Les sociétés peuvent interroger l’administration sur le régime fiscal d’une opération (fusion, apport, cession), la déductibilité d’une charge, ou encore l’application d’un régime de faveur (intégration fiscale, report de déficit…). Ainsi, le rescrit permet de valider les conséquences fiscales d’une décision stratégique avant sa mise en œuvre.

Impôts locaux

Il est possible de demander si un bien est exonéré de taxe foncière ou de CFE, ou encore si un changement d’affectation entraîne une nouvelle imposition. Les collectivités locales peuvent aussi poser des questions via cette voie. Cette démarche est utile pour anticiper la fiscalité applicable à des projets immobiliers ou à des transformations d’usage.

Droits de donation et de succession

Les contribuables peuvent demander si une transmission de patrimoine bénéficie d’un abattement ou d’un régime de faveur, ou si une clause particulière d’un acte est fiscalement neutre ou imposable. Ce type de rescrit est crucial pour sécuriser des stratégies patrimoniales souvent complexes et lourdes de conséquences.

Exemples de demande de rescrit fiscal

Est-ce que je remplis les conditions pour bénéficier d’une exonération d’impôt ? Suis-je éligible au bénéfice d’un dispositif fiscal de défiscalisation ? Ma holding peut-elle être qualifiée d’animatrice au regard de l’IFI ? Cette opération est-elle constitutive d’un abus de droit ? La réponse de l’administration fiscale s’appelle un rescrit fiscal.

Qui peut demander un rescrit fiscal ?

Toute personne – physique ou morale – peut initier un rescrit fiscal dès lors qu’elle est concernée à titre personnel et direct par la question posée.

Les particuliers

Tout contribuable, personne physique, peut formuler une demande de rescrit auprès de l’administration fiscale. Cela concerne, par exemple, des questions sur la fiscalité des revenus, des réductions ou crédits d’impôt, l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), ou encore les droits de succession.

Les entreprises

Les entreprises, quelle que soit leur taille ou leur forme juridique (micro-entreprise, société, holding…), peuvent interroger l’administration sur l’imposition de leurs bénéfices, la TVA, les régimes fiscaux dérogatoires (CIR, JEI, intégration fiscale), ou encore en cas de restructuration. Pour elles, le rescrit est un outil stratégique de gestion du risque fiscal.

Les associations d’intérêt général

Les associations, fondations et organismes sans but lucratif peuvent demander un rescrit pour savoir si leurs activités ou leurs dons ouvrent droit à des avantages fiscaux (ex. : rescrit mécénat), ou si elles sont exonérées d’impôts commerciaux. Cela est essentiel pour informer correctement les donateurs et éviter une remise en cause de leur statut fiscal.

Qu’est-ce que l’opposabilité du rescrit fiscal ?

Une réponse sur laquelle l’administration ne peut pas revenir

Le contribuable formule une demande à l’administration fiscale afin que celle-ci prenne une position précise relative à une question de droit liée à sa situation personnelle. La réponse de l’administration fiscale lui est opposable. Ceci signifie qu’elle doit respecter sa prise de position et le contribuable pourra se prévaloir de la réponse de celle-ci en cas de litige ou de contrôle fiscal.

Des conditions à respecter

En d’autres termes, l’administration fiscale ne sera pas en mesure de procéder à un rehaussement de l’imposition (impôt concerné par la demande de rescrit), si les conditions suivantes sont respectées :

  • Le demandeur est de bonne foi : il a fourni à l’administration les éléments nécessaires pour que celle-ci puisse prendre une prise de position en toute connaissance de cause.
  • La situation du contribuable reste la même que lors de la décision du fisc.
  • Le demandeur s’est conformé à l’interprétation formulée par l’administration fiscale.

Comment faire une demande de rescrit fiscal ?

La demande d’interprétation doit être écrite et doit intervenir avant la date d’expiration du délai limite de déclaration de l’impôt concerné. Si la demande de rescrit fiscal concerne un impôt qui ne nécessite aucune obligation déclarative, la demande doit avoir lieu avant la date de mise en recouvrement de l’impôt en question.

Comment remplir un rescrit fiscal ?

La demande d’interprétation d’une situation au regard du droit fiscal doit contenir les éléments suivants :

  • Le nom ou la raison sociale du demandeur.
  • L’adresse, le numéro de téléphone et l’adresse électronique du demandeur.
  • Une description précise, complète et sincère de la situation du demandeur dans l’objectif que l’administration fiscale puisse prendre position en toute connaissance de cause.
  • Le texte fiscal sur le fondement duquel le demandeur saisit l’administration fiscale afin que cette dernière puisse effectuer une interprétation précise.

Où adresser un rescrit fiscal ?

La demande de rescrit fiscal doit être signée par le contribuable ou son représentant légal, puis adressée par lettre recommandée avec accusé de réception ou faire l’objet d’un dépôt contre décharge auprès de la direction dont dépend le service des impôts, au sein duquel le demandeur est tenu de souscrire à ses obligations déclaratives.

  • Particulier : contacter le Service des Impôts des Particuliers (SIP).
  • Entreprise ou association : s’adresser au Service des Impôts des Entreprises (SIE).
  • Cas particuliers : voir certaines directions spécialisées (ex. : DRESG, direction spécialisée dans les rescrits mécénat).

Rescrit fiscal : réponse de l’administration fiscale

Rescrit fiscal : délai de réponse

L’administration fiscale formule sa réponse dans un délai de trois à six mois à compter de la réception de la demande ou, en cas de demande incomplète, à compter de la réception des compléments d’information demandés. Cette réponse écrite, si elle est favorable, devient opposable et protège le contribuable contre toute remise en cause future sur les mêmes faits.

Rescrit fiscal : absence de réponse

Selon le type de rescrit, l’absence de réponse de l’administration fiscale peut valoir accord tacite. Dans d’autres cas, un accord exprès est prévu. En l’absence de réponse, l’administration fiscale n’est alors pas engagée. Il est donc crucial de connaître la nature du rescrit sollicité pour savoir si le silence vaut validation ou non.

Que se passe-t-il en cas de désaccord ?

Un deuxième examen possible

Si le demandeur n’est pas d’accord avec l’interprétation de l’administration fiscale, il est alors possible de demander un deuxième examen de la demande. La nouvelle demande d’examen doit être formulée :

  • selon le même formalisme de contenu et d’envoi que la demande initiale ;
  • sans formuler de nouveaux éléments ;
  • dans les deux mois maximum après la réception de la réponse de l’administration fiscale à la demande initiale.

Une réponse dans les trois mois

Le demandeur peut également demander à être entendu par les personnes qui vont procéder au second examen de la demande. L’administration fiscale doit répondre à cette seconde demande dans un délai de trois mois.

Modèle de rescrit fiscal

À

Direction départementale des finances publiques de [Département]
Service des impôts des entreprises/des particuliers
[Adresse du service compétent]

Lieu, le [Date]

Objet : Demande de rescrit fiscal – Article L80 B du Livre des procédures fiscales

Madame, Monsieur,

Conformément aux dispositions de l’article L80 B du Livre des procédures fiscales, je souhaite solliciter l’avis formel de l’administration fiscale sur la situation exposée ci-dessous, en vue d’obtenir une prise de position opposable en cas de contrôle.

Je suis [qualité : particulier, dirigeant d’entreprise, profession libérale…], et je suis concerné(e) par la situation suivante : [Décrire la situation de manière précise et factuelle, en évitant toute interprétation juridique. Indiquer les dates, montants, opérations envisagées, personnes concernées…]

Je souhaite savoir si, dans cette situation, [formuler clairement la question à l’administration].

Selon mon interprétation des articles [articles du CGI ou autres textes applicables], il semblerait que [donner brièvement une lecture juridique et joindre, si besoin, les pièces justificatives (dernier avis d’imposition/extrait Kbis, copie des actes d’achat, ou tout document utile à l’examen de la demande)].

Je vous remercie par avance de bien vouloir me faire connaître votre position sur cette question. Conformément aux dispositions de l’article L80 B du LPF, je suis informé(e) que votre réponse est opposable à l’administration, sous réserve de l’exactitude et de l’exhaustivité des informations fournies.

Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées.

Signature

[Nom et qualité]

Peut-on consulter d’anciens rescrits fiscaux avant de contacter les impôts ?

Il est recommandé de consulter des rescrits antérieurs avant de formuler sa demande. Cela permet de mieux comprendre la position de l’administration sur des situations comparables et de mieux formuler sa demande. Attention, les rescrits antérieurs sont informatifs, mais ne remplacent jamais une demande formelle qui protège juridiquement.

Le Bofip (Bulletin officiel des finances publiques)

Le BOFiP-Impôts est la base documentaire officielle de l’administration fiscale française. Il contient les instructions fiscales en vigueur, des commentaires doctrinaux de l’administration et une sélection de rescrits rendus publics, jugés représentatifs ou utiles à d’autres contribuables. Consulter le BOFiP permet d’identifier des prises de position déjà publiées sur des dispositifs similaires ou sur des notions fiscales complexes.

Autres sources de consultation

Certains rescrits peuvent aussi être cités dans des réponses ministérielles, des publications spécialisées (revues fiscales, doctrinales) ou des arrêts du Conseil d’État lorsque leur contenu est repris. Cependant, un rescrit publié n’a pas valeur d’opposabilité pour d’autres contribuables : seule une demande personnelle engage l’administration vis-à-vis du demandeur.

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