La plus haute juridiction du pays a parlé. La Cour de cassation a rendu un arrêt, le 23 octobre, condamnant BNP Paribas à rembourser un client victime d’une escroquerie de 54 000 euros. Le particulier est tombé dans le piège du «spoofing», une technique qui consiste à contacter un particulier en se faisant passer pour son conseiller bancaire. La confiance du client gagnée, ce dernier communique alors ses données de sécurité personnelles, telles que le code de sa carte bancaire ou ses identifiants. Informations que l’arnaqueur va utiliser à son avantage. «C’est la première fois que la Cour de cassation s’exprime de manière aussi claire sur ce sujet. Elle en a même fait un communiqué de presse, chose rare qui montre qu’elle a voulu envoyer un message assez clair aux banques», explique Maître Alexandre Barbelane, associé chez BfB avocat, cabinet spécialisé en droit bancaire.

Dans le cas étudié par la Cour de cassation, le faux conseiller a persuadé le client que des mouvements possiblement frauduleux ont été enregistrés sur son compte. Il a ensuite demandé à sa victime de supprimer cinq personnes de sa liste de bénéficiaires de virements, avant de les y inscrire de nouveau en renseignant son code secret. Le mal est fait, et deux jours plus tard, son compte a été débité de plusieurs virements frauduleux, pour un total de 54 000 euros.

Refus de remboursement pour «négligence grave»

Le client a demandé un remboursement à BNP Paribas, qui le lui a refusé, l’accusant d’avoir été à l’origine d’une «négligence grave», une notion juridique qui permet à la banque de s‘affranchir de son obligation de dédomagement, et précisée à l’article L133-18 du code monétaire et financier. Le client a donc attaqué la banque en justice, et obtenugain de cause devant la cour la cour d’appel de Versailles le 28 mars 2023. BNP Paribas s’est alors pourvue en cassation mais en vain.

Car la Cour de cassation estime, dans son arrêt que, «dans les circonstances dans lesquelles l’escroquerie a eu lieu, il ne peut être reproché au client d’avoir commis une “négligence grave”». Elle rappelle que l’escroc a réussi à détourner le numéro de la vraie conseillère bancaire du client pour le faire apparaître sur le téléphone portable de la victime. Ce qui interroge sur une éventuelle faille sécuritaire de l’établissement. Cette «défaillance technique» de la banque avait déjà été soulevée par la Cour de cassation en novembre 2020, et reprise par la cour d’appel de Versaille ensuite.

Les banques vont prêter davantage attention aux courriers de demande de remboursement et donc abandonner leur posture attentiste

L’arrêt constitue donc une jurisprudence très favorable aux particuliers, estime Me Barbelane : «Les banques vont prêter davantage attention aux courriers de demande de remboursement et donc abandonner leur posture attentiste». Dans le cas contraire, les différentes juridictions pourraient se montrer plus sévères dans leurs jugements, notamment en «condamnant beaucoup plus fortement les banques sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civil (celui-ci contraignant la partie perdante à rembourser les frais d’avocats engagés par la partie gagnante, NDLR)».