Les contours de la réforme annoncée pour «mettre fin à la dérive des arrêts maladie», selon les mots de François Bayrou, se dessinent. Jusqu’ici discret sur la méthode, Matignon s’était contenté d’en poser le principe. Le Premier ministre, qui avait tracé les grandes lignes du budget 2026 le 15 juillet dernier, avait évoqué le besoin d’une «réforme structurelle» construite avec les partenaires sociaux, sans aller plus loin. Mais le flou s’est partiellement dissipé ce lundi 21 juillet, lors des premières consultations du ministère du Travail avec les syndicats d’employeurs.

Aujourd’hui, lorsqu’un salarié bénéficie d’un arrêt maladie, il peut être indemnisé dès le premier jour si son entreprise prend en charge le délai de carence de trois jours prévu par le Code de la Sécurité sociale. C’est souvent le cas dans les grandes entreprises ou via des accords collectifs. Mais tout cela pourrait bientôt changer. D’après une information des Echos, la Sécurité sociale, qui commence actuellement à verser des indemnités à partir du quatrième jour d’arrêt afin de compenser la perte de revenu, pourrait repousser cette prise en charge. Les employeurs, via leurs assureurs, seraient alors invités à assurer le relais… potentiellement jusqu’au septième jour d’absence.

Une hypothèse confirmée à Capital par Eric Chevée, le vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) en charge des affaires sociales, et qui permettrait 1 milliard d’euros d’économies en 2026. La ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet a évoqué cette piste dans le cadre des consultations obligatoires qui précèdent la transmission du document d’orientation du gouvernement. Un texte qui balisera les futures négociations avec l’ensemble des partenaires sociaux dans les semaines à venir.

Une proposition faite par la Sécu en juillet

Il y a fort à parier qu’Astrid Panosyan-Bouvet s’est appuyée sur les pistes émises par l’Assurance maladie pour «améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses» et rendues publiques dans un rapport le 3 juillet dernier. Dans un document particulièrement dense, la Sécu avait affiché sa volonté de «simplifier l’accès aux indemnités journalières et notamment lors des arrêts courts», mais aussi de «sensibiliser fortement les employeurs à ces arrêts courts». En ce sens, elle avait donc recommandé «le transfert aux employeurs de tout ou partie de la charge de l’indemnisation des premiers jours d’arrêts maladie, du 4ème au 7ème jour par exemple». Concrètement, dans ce scénario, l’employeur serait tenu de verser non seulement la part complémentaire, mais aussi l’équivalent des 50% habituellement couverts par l’Assurance maladie pendant cette période. A compter du 8ème jour, les règles actuelles continueraient de s’appliquer.

Sans surprise, cette perspective n’a pas franchement ravi les organisations patronales. Si une telle mesure serait plus facilement supportable par les grands groupes, elle représenterait en revanche une lourde charge pour les plus petites entreprises. Le Medef, qui avait lui aussi livré ses pistes pour réformer le système de santé le 9 juillet, n’avait d’ailleurs pas manqué d’anticiper cette proposition : «Les économies recherchées ne doivent pas simplement déplacer les charges entre acteurs», avait averti l’organisation, opposée à tout transfert de coût vers les entreprises.

Les jours de carence d’ordre public pour compenser ce transfert de charges

Pour mieux faire passer la pilule, l’Assurance maladie avait glissé d’autres propositions dans son rapport. Parmi elles : l’introduction d’un jour de carence d’ordre public, «sauf pour les personnes en ALD (affection de longue durée, NDLR) qui sont exonérées de carence en cas de prolongation», précise le rapport. Autrement dit, un jour d’arrêt non indemnisé, ni par la Sécurité sociale, ni par l’employeur. C’est ce qu’avait également défendu le Medef, qui ne verrait pas d’un mauvais œil l’instauration de plusieurs jours de carence obligatoires. Objectif, dissuader les arrêts de très courte durée. Car en pratique, s'arrêter un ou deux jours se traduirait mécaniquement par une perte de salaire.

Mais ces derniers sont-ils réellement responsables du trou de la Sécu, qui atteignait 15,3 milliards d’euros en 2024 ? Pas vraiment… Dans son rapport de juillet, l’Assurance maladie soulignait que «la dynamique croissante de la dépense des indemnités journalières est portée par les arrêts longs», lesquels ont représenté 10,2 milliards d’euros rien qu’en 2023.

Une réalité que les organisations patronales ne contestent pas. L’une d’elles l’admet : «Ce ne sont pas les arrêts courts qui coûtent cher à la Sécu et aux employeurs.» Ces jours de carence d’ordre public, ce n’est donc «pas tant pour des raisons financières que pour modifier les comportements», notamment dans les plus petites entreprises qui souffrent plus facilement de l’absence d’un salarié. Si le gouvernement s’en tient une nouvelle fois aux préconisations de l’Assurance maladie, cette mesure pourrait elle aussi se retrouver au menu des négociations avec les partenaires sociaux. Interrogé par Capital, le ministère du Travail n’a pas souhaité faire de commentaire.