Fabrice Gatti, coach : “Les modes actuels de management étouffent l’initiative”

Fabrice Gatti : A partir de la Révolution industrielle, le capitalisme a développé des pratiques organisationnelles fondées sur un postulat erroné : l’homme n’est pas naturellement intéressé par le travail. S’appuyant notamment sur le taylorisme, le système s’est concentré sur la stimulation du salarié (par un gain d’argent ou une menace de brimades) en contrôlant de façon rigide son activité et ses comportements. L’individu acceptait ces conditions : il exerçait un métier – même s’il ne l’intéressait pas spécialement – et l’entreprise lui offrait la sécurité de l’emploi et de quoi subvenir à ses besoins pour s’élever socialement et consommer, deux maîtres-mots du capitalisme. Un premier problème survient dans les années 1970 avec la crise pétrolière : l’homme devient une variable d’ajustement du profit, les licenciements se multiplient. Le contrat avec le salarié est rompu : l’entreprise ne lui garantit plus un emploi à vie, la sécurité psychologique s’évanouit.

Où en est-on aujourd’hui ?

Les entreprises sont restées sur une philosophie tayloriste. Les méthodes actuelles de management (KPI, objectifs, reporting…) favorisent l’obéissance, mais étouffent l’initiative individuelle et la responsabilité. Elles sont antinomiques avec les notions de motivation, de performance et d’épanouissement. Il y a un écart entre les discours des entreprises sur la bienveillance et leurs pratiques profondes (contrôle par la règle, catégorisation des individus…) Ces pratiques sont obsolètes. Il faut revoir en profondeur la vision de l’être humain et passer d’une motivation de type extrinsèque (gain) à une motivation de type intrinsèque (intérêt de l’activité).

Le facteur humain est le levier principal de l’efficience des entreprises. Qu’implique ce postulat ?

L’être humain a naturellement envie de se développer. Encore faut-il donner un contexte favorable à sa motivation et à l’expression de ses talents. Prenons le guépard : placé dans la jungle, il meurt ! Il a besoin, d’un terrain dégagé, la savane, pour repérer sa proie et utiliser ses facultés d’accélération… Un être humain, c’est pareil. Pour produire un résultat favorable, l’entreprise doit créer un environnement permettant à chacun d’utiliser ses facultés naturelles.

Le phénomène de «grande démission» est, selon vous, le signal d’un nécessaire changement.

Le changement ne se produit pas quand il est souhaitable, mais quand il est possible. Aujourd’hui, le désengagement des salariés n’a jamais été aussi marqué et les jeunes générations refusent le «contrat proposé». C’est un signal fort. Les entreprises ont le choix. Elles peuvent pratiquer la politique de l’autruche, rester sur une pensée logique et contrôlante, accuser les individus d’être fainéants, inconséquents… Ou se transformer en profondeur en acceptant le principe de réalité et en développant une pensée systémique et complexe.

En fonction de leur maturité, il s’agira aussi d’établir une autre finalité que le tout profit, qui n’a pas le pouvoir de mobiliser l’énergie humaine. Cela nécessite de créer un cadre de collaboration, dans lesquels les gens vont se sentir compétents et autonomes, et de favoriser les relations de travail et les moments de lien. Certaines initiatives, les entreprises certifiées B Corp par exemple, vont dans ce sens. Encore un signal montrant qu’une dynamique du changement est enclenchée. 

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L’Autruche et le Curieux, Fabrice Gatti, Enrick B. Editions, 26,95 €.