
Des discussions, mais un échec. Les députés et sénateurs réunis en commission mixte paritaire ont échoué ce mercredi soir à s'accorder sur le projet de budget de la Sécurité sociale, et la question centrale de la «suspension» de la réforme des retraites, a-t-on appris de sources parlementaires. L'échec de cette «CMP», quelques heures après l'adoption du texte au Sénat, est tout sauf une surprise, car les deux chambres avaient abouti à des versions différentes du projet de loi. Il reviendra à l'Assemblée nationale samedi en commission, puis mardi dans l'hémicycle, pour une nouvelle lecture qui s'annonce déterminante pour l'avenir de ce texte budgétaire.
Après que le Sénat a adopté avec 196 voix contre 119 sa propre copie, sept députés et sept sénateurs ont acté en moins d'une heure mercredi leurs désaccords. «Il ne s'agissait que de la première lecture», tempère le rapporteur du texte à l'Assemblée Thibault Bazin (LR), qui entrevoit «une voie de passage» en nouvelle lecture. Difficiles à suivre pour le grand public, d'autant que les objets de négociations se multiplient sur les budgets de l'Etat et de la Sécu, les débats vont entrer dans une semaine cruciale.
Vers un vote serré ?
Pour avoir une chance, la copie devra déjà être acceptable pour les socialistes, qui ont fait le pari de la non-censure du gouvernement de Sébastien Lecornu, en échange notamment d'une «suspension» de la réforme des retraites. «Le chemin du compromis est un sport de combat», a lancé mercredi le député PS Jérôme Guedj. Certains, dans le camp gouvernemental, espèrent que les socialistes iront jusqu'à voter pour le budget de la Sécu plutôt que de s'abstenir et d'escompter que suffisamment de députés écologistes et communistes fassent de même pour franchir le cap.
Car le vote peut être très serré si les Insoumis et le Rassemblement national votent contre en nouvelle lecture. «Voter pour le budget de l'Etat c'est impossible. Le budget de la Sécu c'est moins dur», pointe un député sur l'aile droite du PS. Un collègue tempère et trouve «compliqué quand même» de voter un texte budgétaire, traditionnel marqueur d'un soutien au gouvernement. Le vote des socialistes, même favorable, ne suffirait peut-être pas si les députés Horizons et Les Républicains, échaudés par les concessions au PS, s'abstiennent ou votent contre.
Un recours au 49.3 ?
D'autres parlementaires imaginent le gouvernement revenir sur sa décision et utiliser l'article 49.3 de la Constitution pour faire passer le texte sans vote, estimant qu'il sera plus facile au PS de ne pas censurer l'exécutif que de voter son texte. Sur le fond, la «suspension» de la réforme des retraites, retoquée par les sénateurs, devrait notamment être réintégrée à l'Assemblée. La gauche espère aussi rétablir une hausse d'une partie de la CSG prélevée spécifiquement sur les revenus du capital, mesure qui devait rapporter 2,8 milliards d'euros en 2026, alors le PS compte en partie dessus pour compenser la suppression de mesures d'économies irritantes du gouvernement.
A l'instar d'une surtaxe sur les mutuelles, et surtout de l'«année blanche», un gel des minima sociaux et des pensions de retraites, habituellement indexées sur l'inflation. Une mesure efficace (3,6 milliards d'euros d'économies en 2026) mais hautement inflammable. Sur le plan comptable, le gouvernement espère ramener le déficit de la Sécu à 20 milliards d'euros maximum (contre 24 milliards dans la copie de l'Assemblée, et 17,6 dans celle du Sénat selon ses calculs).
Appel à la grève des syndicats de médecins libéraux
Autre signe d'un débat très sensible aussi en dehors du Parlement, les syndicats de médecins libéraux ont appelé à la grève à partir du 5 janvier. L'absence d'un budget de la Sécu «conduira inexorablement à un déficit de 29 milliards d'euros, posant les termes d'une crise de trésorerie majeure», a affirmé le ministre du Travail Jean-Pierre Farandou devant les sénateurs.
Sur un plan politique, l'exécutif espère surtout qu'une adoption ferait souffler un vent positif sur le budget de l'Etat, encore plus difficile à faire passer. «Si vous avez passé le (budget de la Sécu), vous avez fait la moitié du chemin (...) c'est absolument majeur», pense une ministre.


















