Comment tirer profit de la richesse des océans, sans mettre à mal leurs réserves de biodiversité et leur rôle de régulateur du climat ? Dès 2010, l’entrepreneur belge Gunter Pauli avait popularisé le concept "d’économie bleue", pour désigner toutes les activités économiques liées aux ressources aquatiques et marines, en y rattachant l’idée d’en faire une exploitation raisonnable et durable, au contraire des pratiques, souvent constatées, de prédation. Cette économie bleue sera à l’honneur du Blue Economy and Finance Forum (BEFF), qui se tiendra à Monaco les 7 et 8 juin prochains, en amont de la troisième Conférence des Nations unies sur l’Océan, qui s’ouvrira le 9 juin à Nice. Olivier Wenden, co-organisateur du rendez-vous, en sa qualité de vice-président et administrateur délégué de la Fondation Prince Albert II de Monaco, revient sur les enjeux de cet événement abrité par la Principauté.

Capital : En quoi consiste le Blue Economy and Finance Forum (BEFF) ?

Olivier Wenden : C’est un événement spécial, labellisé "ONU", organisé conjointement par le gouvernement princier, la Fondation Prince Albert II de Monaco et l’Institut océanographique de Monaco. Le Président de la République française Emmanuel Macron souhaitait une grande conférence sur l’économie et la finance bleues, en prélude à la troisième conférence des Nations unies sur l’Océan, qui se tiendra à Nice. Et il a sollicité dans cet objectif le Prince Albert II de Monaco pour accueillir cet événement.

Espérez-vous peser sur les négociations internationales à venir ?

Ce sera un événement fermé, sur invitation seulement, rassemblant des industriels du transport maritime et de l’aquaculture, des fonds d’investissement, des fonds de pension, des banques internationales, mais aussi des chefs d’État et de gouvernement, ainsi que des membres de familles royales engagés. L’objectif est de promouvoir des solutions déjà existantes, sans effet d’annonce, ni nécessité de sceller de nouvelles coalitions. Nous prévoyons des sessions plénières et des sessions de pitch, incluant des start-up mais aussi des entreprises en croissance, sélectionnées en partenariat avec l’Earthshot Prize, le World Economic Forum, Builders Vision, Minderoo Foundation et la Fondation Solar Impulse.

Pour Olivier Wenden, vice-président et administrateur délégué de la Fondation Prince Albert II de Monaco, il faut montrer que l'océan n'est pas qu'un sujet philanthropique.
Pour Olivier Wenden, vice-président et administrateur délégué de la Fondation Prince Albert II de Monaco, il faut montrer que l'océan n'est pas qu'un sujet philanthropique. © Fondation Prince Albert II de Monaco

C’est donc un événement essentiellement financier ?

Absolument. Nous voulons démontrer qu’il est intéressant d’investir pour protéger l'Océan, avec des risques maîtrisés et des rentabilités comparables à d’autres secteurs. Un moment clé de ce BEFF sera la table ronde réunissant pour la première fois des fonds souverains et des fonds de pension majeurs. C’est essentiel pour combler l'immense manque de financement dont souffre l’Océan. Le World Economic Forum estime qu’il faudrait investir chaque année 175 milliards de dollars, jusqu’en 2030. On en est très loin.

Quels sont les instruments financiers que vous allez mettre en avant ?

Outre le capital-investissement, nous parlerons beaucoup de “blended finance”, un mélange de capitaux publics, privés et philanthropiques, comme dans le cas du Global Fund for Coral Reefs, qui a levé plus de 160 millions de dollars. Nous aborderons aussi le débat sur les crédits carbone bleus, les écosystèmes côtiers et marins comme les mangroves pouvant séquestrer du dioxyde de carbone.

Depuis quand la Fondation Prince Albert II de Monaco soutient-elle l’économie bleue ?

Cela fait plus de cinq ans que nous travaillons à mobiliser le secteur privé et les grandes institutions financières internationales au profit de solutions durables et à grande échelle. Cela passe par un effort constant de pédagogie, car l’océan est encore trop perçu comme un sujet philanthropique. Nous avons lancé une plateforme de rencontres, l’Ocean Innovators Platform, ainsi qu'un fond de capital-investissement, le ReOcean Fund, doté de 100 millions d’euros. Notre priorité dans les années à venir, c’est de soutenir cinq verticales : l’aquaculture durable, les alternatives aux plastiques, la data marine, le transport maritime vert, ainsi que l’adaptation et la régénération des écosystèmes côtiers.