La fin de l’abondance? N’en déplaise à Emmanuel Macron, dans les cabinets ministériels, on n’y est pas encore tout à fait. Exemple au ministère du Travail, pourtant pas le moins doté: alors qu’un plan d’économies prévoyait de réduire de 10% en moyenne les financements alloués au système largement déficitaire de l’apprentissage, avec une première coupe de 5% le 1er septembre, puis une seconde de même ampleur en avril 2023, les doléances n’ont pas tardé à pleuvoir. «Nous avons fait un travail d’alerte, car les baisses prévues pour certaines certifications, de 30 à 40%, auraient conduit des centres de formation à ne pas ouvrir leurs sections», a glissé Pascal Picault, le président de la Fnadir (Fédération nationale des directeurs de CFA), à l’issue d’une réunion fin août. Bien lui en a pris: finalement, un décret doit «corriger le tir» pour 275 des 3289 certifications recensées. A la trappe, donc, une partie des 800 millions d’euros d’économies espérées par Bercy…

La «normalisation budgétaire» promise par Gabriel Attal, le ministre délégué aux Comptes publics, a donc déjà du plomb dans l’aile. Et pas qu’un peu, car outre les crédits alloués au ministère du Travail (6,7 milliards d’euros en plus), d’autres missions vont être richement dotées l’an prochain: la Défense gagne 3 milliards d’euros (+7% par rapport à 2022), tandis que l’Education nationale empochera 3,6 milliards d’euros supplémentaires (+6,4%). L’Ecologie n’est pas oubliée (1,9 milliard d’euros supplémentaires, soit +7,6%), pas plus que la Justice (2,1 milliards et +8,9%)…

Il ne s’agit pas de remettre en cause ces choix – après tout, le consensus est large sur le fait qu’il faille revaloriser les enseignants, désengorger les tribunaux, ou répondre à la guerre en Ukraine –, mais l’addition n’en reste pas moins salée. Au total, le budget de l’Etat va encore gonfler de près de 15 milliards d’euros en 2023, selon le «tiré à part» publié début août, un document préfigurant le projet de loi de finances débattu à l’automne. Et le traditionnel projet de loi de financement de la Sécurité sociale ne s’annonce guère plus frugal: on sait déjà que la progression des dépenses de santé devrait rester plus dynamique qu’avant la crise, pour amortir la hausse des prix et soutenir les salaires du secteur.

«Même en tenant compte de l’inflation, qui accroît les sommes à déployer, cela représente une hausse importante du volume budgétaire. Et ce alors même que l’extinction progressive du plan de relance doit retirer 8,6 milliards d’euros de dépenses temporaires», souligne François Ecalle, ancien rapporteur général de la Cour des comptes et président de Fipeco. D’autant qu’à ces débours planifiés vont s’en ajouter d’autres, difficilement quantifiables. C’est le cas, notamment, des aides aux ménages, prévues pour amortir l’inflation (remise carburant, chèque énergie, boucliers tarifaires). Elles ont déjà coûté une quarantaine de milliards d’euros en 2022, et feront à coup sûr l’objet d’âpres négociations dans l’Hémicycle.

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