
Une littéraire à la tête d’une marque de beauté. Voilà un parcours qui interpelle et séduit. Pourtant, pour Chiara Allegri, tout s’explique. « J’ai commencé par étudier la littérature à Bologne puis à la Sorbonne, je donnais des cours au lycée Henri IV… et j’ai fini par passer le concours pour intégrer l’ESSEC. » Pas franchement la trajectoire classique de la directrice marketing. Et pourtant, c'est dans sa singularité, et la synthèse de deux univers que vient sa force.
Son premier grand saut se fait chez Louis Vuitton : de la mode, elle passe à la beauté. Et découvre vite que, derrière les paillettes, il faut surtout savoir écouter – puis trancher. « Le marketing seul ne règne pas ! » sourit-elle. Chez L’Oréal, elle apprend l’art du partenariat avec des créateurs : laisser s’exprimer l’artistique, tout en gardant la boussole business et de la performance.
Co-création, oui. Compromis, non.
La dirigeante revendique un credo simple : le dialogue. Avec les créateurs, les artisans, ses équipes. « On arrive avec notre expertise, mais on reste à l’écoute. On met en lumière une vision, sans jamais la dénaturer. » Un équilibre parfois délicat, surtout quand une idée trop folle rencontre la dure réalité du marché : « Il faut savoir dire non. » Vous avez dit "main de fer dans gant de velours". ?
Cette confiance mutuelle, elle l’a éprouvée avec des figures comme Marc Jacobs ou John Galliano. Et elle la cultive aujourd’hui pour donner un envergure nouvelle et internationale à Carita. Au delà du produit, place à l’« hospitality ». La beauté se vit comme une expérience, presque un art de vivre qui s'exprime dans le majestueux hôtel particulier de la rue du Faubourg St Honoré.
Réseaux et sororité : la face cachée du pouvoir
Derrière l’image de la DG qui enchaîne les réunions stratégiques, Chiara Allegri assume aussi un engagement plus intime : celui de faire réseau. « Créer des liens, c’est une manière de réussir », confie-t-elle. Pas étonnant qu’elle ait lancé les « tables de la sororité » : des dîners où femmes d’exception et “sœurs” partagent leur parcours, sans langue de bois. Objectif : nourrir un livre blanc pour inspirer d’autres cercles de décision – et briser quelques plafonds de verre au passage.
Elle le dit sans détour : « Les femmes se retiennent souvent quand elles sont promues. Elles doutent. Mais si on vous donne ce poste, c’est que vous pouvez le faire. » Bien vu.
Manager ou leader ? Les deux, mon capitaine
« Un bon manager met tout en place pour que chacun réussisse. Un leader, lui, embarque tout le monde avec une vision claire. » Dans sa bouche, pas de grand mot creux. La vision, c’est celle d’un luxe qui sort des sentiers battus : moins ostentatoire, plus proche, plus “expérientiel”. « On ne vend pas juste un produit, on propose une métamorphose. »
Et surtout, on transmet. Allegri en est convaincue : former, élever, révéler les talents est un levier clé pour innover. À l’école Carita, ses artisans sont bichonnés comme des Meilleurs Ouvriers de France. L’idée ? Entretenir ce savoir-faire unique, pour que l’hospitality reste au cœur de l’ADN maison.
Ouvrir la voie, sans la fermer derrière soi
La dirigeante revendique une forme d’audace tranquille : « Imaginer le futur, ça veut dire prendre des risques. » Chez Carita, ça se traduit par un business model hybride où la beauté devient une expérience globale. Mais aussi par une conviction forte : « Un leader, ça doit ouvrir la voie pour que d’autres puissent suivre, et pourquoi pas faire mieux. »
La définition un style, tout simplement. Et si le luxe demain se réinventait à l’image de ce leadership ? Plus humain, plus fluide, plus collectif ? Pari lancé.



















