Capital : Le Groupe BPCE est partenaire premium des JO de Paris 2024, dont le coup d’envoi sera donné dans un mois. Cela consiste en quoi concrètement?
Nicolas Namias : Engagé depuis le premier jour dans le partenariat des Jeux de Paris 2024, le Groupe BPCE a mobilisé dès 2018 l’ensemble de ses entreprises, de ses métiers, pour la réussite des Jeux olympiques et paralympiques (JOP). Première banque des entreprises en France, avec les Banques populaires qui sont numéro 1 sur le segment des PME depuis quatorze ans, nous avons naturellement joué un rôle central dans le programme Entreprendre 2024, qui concerne les entreprises travaillant pour les JOP, en mobilisant à leur intention toutes nos expertises bancaires et financières. La moitié des 3 500 entreprises attributaires d’appels d’offres de Paris 2024 sont ainsi clientes des Banques populaires et des Caisses d’épargne. Nous avons également apporté 1 milliard d’euros en financement et garanties au Village olympique, et toute la billetterie des JO repose sur un système de paiement opéré par le Groupe BPCE. Enfin, sur un plan plus sportif, nous avons soutenu la préparation de 250 athlètes et para-athlètes.
Au sujet des paiements, que répondez-vous aux critiques sur le fait qu’il sera uniquement possible de payer par carte Visa dans l’enceinte des JOP?
Ce sujet concerne avant tout le Cojop (Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques) et Visa. Pourtant, à ma connaissance, tout le monde pourra payer comme il l’entend sur les sites des jeux, en liquide ou via des cartes Visa prépayées rechargeables, qui seront également disponibles en version dématérialisée sur les téléphones.
Ce n’est donc en rien un désaveu du GIE Cartes bancaires (le réseau français de paiement par carte bancaire), par rapport aux concurrents américains Visa et Mastercard?
Absolument pas, et d’autant moins que nous sommes l’un des actionnaires du GIE Cartes bancaires, qui regroupe les banques françaises pour assurer la sécurité et le développement du schéma interbancaire français. En outre, les cartes Visa only (non «cobrandées» CB) sont au nombre de seulement 4 millions alors que nous totalisons 35 millions de clients. BPCE, quatrième groupe bancaire de la zone euro, entend être un acteur de la souveraineté et de la compétitivité européennes en matière de paiements, comme le montre d’ailleurs notre engagement dans l’initiative EPI qui vise à faciliter les paiements par virement en Europe, une technologie que nous avons été les premiers à expérimenter, l'an dernier.
Quel est le coût de votre partenariat avec les JO? Des estimations d’un peu plus d’une centaine de millions d’euros circulent… Et quelles retombées en attendez-vous?
Il s’agit d’un engagement important, mais nous ne donnons pas son montant. Nous avons souhaité être l’acteur qui fait vivre la magie des Jeux pour tous et sur tous les territoires. Au-delà de la mobilisation de nos expertises, que j’ai évoquée, le véritable retour sur investissement, c’est l’enthousiasme suscité, d’ores et déjà tangible avec le relais de la flamme. Depuis qu’il a commencé, le 8 mai, à Marseille, ce relais a généré 28 millions d’euros de retombées immédiates pour la ville. Et, sur la base des flux de paiements, nous avions évalué à 8% la hausse de la consommation durant la Coupe du monde de rugby en 2023, par rapport à la même période de 2022. Est-ce que ce sera pareil pour les JO? On verra. En tout cas, avec le succès populaire du relais de la flamme, je crois qu’il est temps de faire taire les grincheux!
Au-delà des retombées attendues, pourquoi êtes-vous partenaire des JO?
Notre raison d’être est d’accompagner les projets de nos clients, du plus simple au plus ambitieux. Quel plus beau projet que celui des Jeux olympiques pouvions-nous accompagner? D’autant que nous sommes partenaires depuis près de quinze ans du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), partenaires depuis trente-cinq ans de la voile française au travers des Banques populaires, et partenaires depuis une dizaine d’années du hand et du basket via les Caisses d’épargne, sans oublier le rugby avec Natixis.
Au sujet de Natixis, plusieurs milliers d’investisseurs ont assigné son ex-filiale H20 Asset Management en justice, pour demander le remboursement de près de 1 milliard d'euros perdu en raison de ses choix d’investissement. Quelles conséquences pour Natixis?
Cette affaire concerne une société, H20, qui ne fait plus partie de notre groupe, Natixis s'en étant depuis désengagé.
Comment expliquer en quelques phrases à nos lecteurs ce qui différencie le Groupe BPCE des autres banques françaises?
D’abord, BPCE est un groupe 100% coopératif: en clair, nous appartenons à nos clients. Parmi nos 35 millions de clients, plus de 9 millions sont sociétaires, c’est-à-dire qu’ils ont des parts sociales dans le capital des Banques populaires et des Caisses d’épargne. Nous ne sommes pas cotés en Bourse, si bien que nous ne prenons jamais de décisions de court terme. Ensuite, nous sommes un groupe vraiment universel. Parce que nous accompagnons tous nos clients, des plus modestes aux plus aisés pour les particuliers, des TPE aux grands groupes internationaux pour les entreprises, ainsi que les collectivités locales. Et parce que nous les accompagnons tant dans leurs besoins de financement que de paiement ou d’assurance. Enfin, parce que nous sommes présents aussi bien dans les territoires ruraux que dans les zones urbaines, avec plus de 6 000 agences au total.
Au-delà des Jeux, BPCE entend être «la banque du sport». Qu’est-ce que cela signifie?
Dans le cadre de l’héritage des JOP, nous souhaitons aider à structurer la filière sportive en France. Nous avons donc mobilisé nos économistes pour rassembler des informations sur l’économie du sport. D’après leurs études, celle-ci ne représente pas moins de 2,6% du PIB de la France. BPCE accompagne déjà financièrement 20 000 entreprises françaises de la filière du sport, nous allons continuer en ce sens.
L’enjeu, pour nous, réside également dans le financement de la rénovation des infrastructures sportives du pays. Sur les 300 000 installations hexagonales, la moitié ont plus de trente ans. Or BPCE, via les Caisses d’épargne, est la première banque des collectivités locales, qui sont les opérateurs de ces infrastructures sportives. Nous avons ainsi financé l’aménagement d’une centaine de terrains de basket et de hand ces dernières années.
Etre la banque du sport, c’est également soutenir l’innovation dans la filière. Par exemple au travers de notre partenariat avec la marque Garmin, qui permet de payer chez les commerçants avec leurs montres plébiscitées par les sportifs. Autre illustration de notre ambition, Caisse d’épargne et notre fonds Seventure ont lancé, il y a cinq ans, Sport & Performance Capital, un fonds d’investissement doté de 80 millions d’euros, qui investit dans des start-up et des PME œuvrant dans l’économie du sport.
En parlant de sport, il paraît que votre partie de tennis du samedi n’est pas négociable. Etes-vous un manager qui prône l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle?
Je crois beaucoup à l’équilibre, indispensable pour prendre de bonnes décisions. Des décisions justes, fortes. D’où le tennis chaque samedi à 8 heures! L’équilibre, la nuance en toutes choses inspirent mon style de management.
Le nouveau plan stratégique de BPCE est axé notamment sur la diversification des revenus. Le groupe est-il trop franco-français, trop axé sur la clientèle des particuliers?
La France est le pays d’origine de BPCE, nous y sommes le deuxième groupe bancaire, ce qui est un formidable atout. Le Groupe BPCE n’a été créé qu’en 2009, mais les Caisses d’épargne sont nées en 1818, les Banques populaires en 1878, Natixis – à travers le Crédit national – en 1919… Aujourd’hui, le groupe finance 22% de l’économie française. La France sera un cercle de croissance essentiel dans le prochain plan stratégique, qui courra jusqu’en 2030 et vise à ouvrir un nouveau chapitre après plusieurs années où nous avons mis l’accent sur le renforcement de la solidité de BPCE. Notre plan stratégique comporte deux autres cercles de croissance, à savoir l’Europe et l’international, afin, en effet, de diversifier nos revenus.
Après le récent rachat de SGEF, filiale de la Société générale spécialisée dans le leasing de biens d’équipement, d’autres acquisitions importantes pourraient-elles suivre?
Aujourd’hui, nous sommes très concentrés sur l’intégration de SGEF, dont le rachat, pour 1,1 milliard d’euros, est le plus important jamais réalisé par BPCE. Une opération qui nous permet de devenir leader en Europe dans le leasing (location avec option d’achat) de biens d’équipement professionnels. Le rachat de SGEF montre que nous sommes en mouvement, que notre plan stratégique est en réalité déjà lancé. Et des mouvements, il y en aura d’autres d’ici à 2030.
Après leur remontée rapide depuis 2022, les taux de crédit immobilier baissent un peu depuis le début de l’année. Confirmez-vous cette amorce de nouvelle donne?
La hausse très rapide des taux de la Banque centrale européenne (BCE) en deux ans, en se transmettant aux taux de crédit des banques, a provoqué une chute de 25% du pouvoir d’achat immobilier des Français. Beaucoup ont donc différé leur projet d’achat ou y ont même renoncé, les ménages préférant attendre des conditions de taux plus favorables. Mais le robinet du crédit bancaire est resté ouvert, les Banques populaires et les Caisses d’épargne, qui financent plus de 26% de l’immobilier en France, n’ont jamais cessé de financer des projets d’acquisitions immobilières.
Aujourd’hui, justement, les taux sont repassés sous le seuil symbolique des 4%, ce qui conduit des acquéreurs potentiels à remettre leur projet d’achat à l’ordre du jour. On sent un frémissement. Frémissement que nous encourageons en proposant depuis quelques semaines des offres innovantes avec des taux progressifs, qui évoluent en fonction de votre capacité de remboursement et offrent en moyenne un gain de pouvoir d’achat immobilier de 10%.
Mais le financement de l’immobilier, ce n’est pas seulement le financement de l’acquisition du logement, c’est également le financement de sa construction et de sa rénovation. Nous souhaitons faire du logement, autour de ces trois dimensions, un élément essentiel de notre nouvelle stratégie.
Le montant de la dette française est-il, selon vous, un risque «mortel» pour notre pays?
Ce n'est pas à moi de commenter le poids de la dette publique. Reste qu’une économie doit d’abord être résiliente et c’est le cas de l’économie française. Mais une économie doit également être innovante et compétitive. Le poids de sa dette doit donc lui laisser suffisamment de marge de manœuvre pour lui permettre d’investir dans l’innovation et les infrastructures.
Emmanuel Macron a récemment plaidé pour une consolidation bancaire en Europe. Qu'en pensez-vous?
Cette déclaration du président de la République sonne comme une reconnaissance du fait que la souveraineté européenne reposera nécessairement sur des acteurs bancaires solides. Les réglementations du secteur bancaire, ces dernières années, ont été défavorables à sa concentration en Europe. Je serais très heureux que les autorités de supervision et de régulation du secteur reconnaissent l’importance du secteur bancaire pour notre compétitivité économique. BPCE, grande banque coopérative qui participe au financement de l’économie, entend être un acteur essentiel de cette souveraineté bancaire européenne. D’autant plus que sa solidité n’est pas à démontrer, avec 72 milliards d’euros de fonds propres et un ratio CET1 (de solvabilité, NDLR) de 15,6%.
Un père journaliste, un frère journaliste… Pourquoi êtes-vous devenu banquier?
Ma passion pour le financement de l’économie vient de ma conviction que les banques sont indispensables au progrès. Sans banque, comment une famille acquiert-elle une maison? Uniquement grâce à un héritage et encore faut-il en avoir un, et qui soit quelque peu conséquent. Sans banque, comment une entreprise se développe-t-elle? Elle ne dispose que de son capital initial, c’est limité. Sans banque, le monde serait statique.
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