La gestion locative ne souffre pas l’amateurisme. En butte à des impayés de loyer et de charges de la part de sa locataire, un propriétaire lui délivre un congé pour motif légitime et sérieux, le 21 février 2018, lit-on dans un arrêt de la Cour de cassation du 18 septembre 2025, repéré par le cabinet d’avocats Neu-Janicki. En vain. Le bailleur assigne donc sa locataire en justice, en demandant la résiliation du bail et son expulsion.

La locataire se rebiffe mais est déboutée par la cour d’appel de Paris. Elle se pourvoit alors en cassation, arguant que son propriétaire n’a ni justifié ni régularisé le montant des charges locatives qu’il lui reproche de ne pas avoir réglées. Or «le bailleur ne peut obtenir la condamnation d’un arriéré de charges qu’en prouvant leur régularisation», souligne le cabinet d’avocats.

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Régulariser les charges locatives au moins une fois par an

Pour mémoire, le paiement, par le locataire, des charges de copropriété que le bailleur est en droit de récupérer auprès de lui, se fait par provisions. Il s’agit d’avances mensuelles d’un même montant, déterminé en fonction du budget prévisionnel de la copropriété et des résultats de la précédente régularisation de charges. Selon l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, les charges doivent en effet être régularisées au moins une fois par an, en comparant le montant des provisions versées par le locataire et les dépenses réellement engagées par le propriétaire.

Si les provisions s’avèrent inférieures aux dépenses réelles, le propriétaire demande un complément au locataire. Si, au contraire, les provisions sont supérieures aux dépenses, le propriétaire reverse le trop-perçu au locataire. Par ailleurs, un mois avant la régularisation, le bailleur doit communiquer au locataire le décompte par nature des charges ainsi que, dans les immeubles, le mode de répartition des charges entre les locataires. Et, durant les six mois suivant l'envoi de ce décompte, il doit tenir les pièces justificatives à la disposition du locataire.

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Des charges réelles inférieures aux provisions

La locataire du plaignant s’est trouvée dans la situation de provisions supérieures aux charges réelles mais ne l’a su qu’à l’occasion de la procédure judiciaire. Sur un loyer total de 963,11 euros, sa provision pour charges s’élevait à 155 euros par mois, soit 1 860 euros sur un an. C’est sur la base de ces montants que la cour d’appel a évalué à plus de 8 000 euros la dette de la locataire.

Or au tribunal, son propriétaire a réclamé le paiement de «seulement» 1 198,82 euros de charges réelles au titre de l’année 2016, 1 438,89 euros pour 2017 et 1 822, 95 euros au titre de 2018. Des montants tous inférieurs aux 1 860 euros de provisions pour charges. La preuve, pour la locataire, que son bailleur n’a pas procédé aux régularisations annuelles obligatoires, qui auraient montré ces écarts avec la provision de 1 860 euros.

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Le bailleur condamné à verser 3 000 euros à la locataire

En prononçant la résiliation du bail, «sans rechercher si les provisions sur charges mensuelles réclamées par le bailleur avaient été régularisées, et fixer en conséquence le montant de l'arriéré sur les charges, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision», reproche la Cour de cassation, qui a donc cassé et annulé son arrêt. «Lorsque la résiliation judiciaire du bail est demandée pour impayés, le juge doit contrôler la régularisation annuelle des charges et la justification des sommes réclamées. A défaut, le bail ne peut pas être résilié», décrypte le cabinet Neu-Janicki.

«Sans justification régulière, le bailleur ne peut obtenir le paiement des provisions contestées», insiste-t-il. Un bailleur que la Cour de cassation a en outre condamné à verser à sa locataire la somme de 3 000 euros, au titre des frais qu’elle a engagés dans le cadre de la procédure judiciaire.